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Les Réformes de Pie XII: Eclaircissements sur le Problème Légal

Publié le par Études Antimodernistes

Les Réformes de Pie XII :

Eclaircissements sur le Problème Légal

Par M l’abbé Anthony Cekada.

 

TraditionalMass.org, 2006.

EtudesAntimodernistes.fr, 2023.

 

Malgré Bugnini, pourquoi ne pas tout simplement

obéir « au dernier vrai pape » ?

En avril 2006, j’ai publié un court article sur internet qui expliquait brièvement pourquoi rejeter les réformes de la Semaine Sainte par Pie XII et adhérer à la pratique liturgique antérieure n’était en fait ni « illégal, » ni arbitraire, et en quoi cette attitude est toute différente de la pratique du tri des décisions pontificales, comme le fait la FSSPX.

J’ai démontré que, en appliquant les principes généraux d’interprétation des lois ecclésiastiques, les lois imposant les réformes ne devaient plus être considérées comme obligatoires puisque (1) Elles ne jouissent plus d’une des qualités essentielles de toute loi, à savoir la stabilité (ou perpétuité) ; et (2) Elles sont devenues nuisibles (nociva) en raison d’un changement de circonstances, et par ce fait même elles ont donc cessé d’obliger.

Pour étayer chaque partie de cette argumentation, j’ai cité abondemment un ouvrage datant de 1955, du père Annibale Bugnini, qui non seulement a été impliqué dans la rédaction des réformes de Pie XII, mais a été également la personne directement responsable de la création de la Nouvelle Messe en 1969.

Bugnini a décrit à de nombreuses reprises ces réformes comme étant provisoires, et comme constituant des étapes vers des mesures plus draconniennes encore (à savoir : la Nouvelle Messe).

Un lecteur m’a envoyé quelques questions supplémentaires auxquelles je réponds ci-dessous.

 

I. La « stabilité » et l’intention du législateur.

« Merci pour votre article sur les réformes de la Semaine Sainte de Pie XII. C’est une question avec laquelle j’ai éprouvé certaines difficultés récemment, en ce qui regarde la façon dont on pourrait justifier notre rejet de lois liturgiques promulguées par un vrai pape. »

« Dans votre premier point, au sujet de la nature transitoire des réformes, toutes les citations que vous avez données sont de Bugnini. Mais puisqu’une loi est un acte du législateur, ce qui compte n’est-il pas l’intention du législateur, et non celle de celui qui a écrit la loi ou qui a conseillé le législateur ? »

Les grandes lignes des différentes étapes de ces réformes ont été tracées auparavant (au moins de façon générale) dans un document de 340 pages appelé le Memoria sulla riforma liturgica, qui a été présenté à Pie XII en 1948.

Ce Memoria ne porte qu’une seule signature, celle du Père Ferdinando Antonelli OFM, qui tout à la fin de ce document remercie gracieusement « le Révérend Père Bugnini CM, membre de la Commission, pour l’aide qu’il m’a donnée dans la révision de ces ébauches. » Quelques vingt-et-une années plus tard, le même Père Antonelli a signé le décret du 3 avril 1968, par lequel a été promulgué le Novus Ordo Missae de Paul VI.

Le Memoria en question affirme en particulier que la « révision complète et générale » qu’il envisage « ne peut pas être mise en pratique en seulement quelques jours » et doit être établie par « phases successives » (¶334). La réforme commencera avec le Bréviaire, suivi du Missel, du Martyrologe, et du reste des livres liturgiques. (¶339). Ces réformes seront approuvées par le pape à chaque étape (¶340). Le processus va culminer en un « Code de Loi Liturgique » qui sera préparé graduellement au cours de ce travail de réforme et « devra en garantir la stabilité. » (¶341 : garantire la stabilità).

Le Memoria assigne à « la deuxième étape du travail de la Commission » (¶316) des éventualités telles que l’introduction d’un cycle de lectures de la Sainte Ecriture sur plusieurs années comme le fait le Novus Ordo (¶258), l’utilisation du vernaculaire (¶314), l’encouragement de la « participation » (¶314), l’introduction de la concélébration (¶314), ou le changement de la « structure interne de la Messe même » (¶314).

En pratique, cependant, seuls quelques points de la première étape (Bréviaire) ont été introduits. Les changements propres au Missel étaient limités pour l’instant à la nouvelle Semaine Sainte.

Le « Code de Loi Liturgique » annoncé par le Memoria pour « garantir la stabilité » des réformes proposées n’a jamais été publié, bien entendu.

Les provisions du décret de 1955 par lequel ont été promulguées les nouvelles rubriques du bréviaire soulignaient également la nature transitoire des réformes. Bien que le décret établissait de nombreux changements des rubriques, il stipulait qu’il fallait « garder les livres liturgiques tels qu'ils sont, en attendant que d'autres mesures soient prises. »1

Il ressort de tout cela, de façon absolument indéniable, que Pie XII lui-même considérait les lois liturgiques des années 1950 comme transitoires — des étapes temporaires menant à autre chose.

Et de plus, ces changements ont effectivement été transitoires dans l’ordre pratique. La dernière mouture de 1958 n’a elle-même duré que jusqu’en 1960, quand Jean XXIII a publié un nouvel ensemble de rubriques, sensé servir de dépannage jusqu’à ce que Vatican II renverse tout.

Tout ce qui précède est plus que suffisant pour montrer que les lois qui ont introduit les réformes de Pie XII n’ont pas la qualité essentielle de stabilité (ou perpétuité), et ne doivent, par conséquent, plus être considérées comme des lois en vigueur.

 

II. La « cessation » et le changement de circonstances ?

« En ce qui concerne le deuxième point, je ne comprends pas en quoi consiste le changement de circonstances. S’il s’agit des intentions des modernistes d’utiliser ces réformes comme une première étape menant à la destruction massive de l’Église, alors ces circonstances n’ont en fait pas changé. Elles existaient déjà lorsque la loi a été promulguée. Et dire que ces intentions peuvent être attribuées à la loi elle-même semblerait vouloir dire que le démon aurait été plus fort que le Saint-Esprit, et aurait utilisé l’autorité de l’Église pour introduire le mal. »

Le changement de circonstances qui rend la législation des années 1950 nuisible ne consiste pas seulement dans l’intention des modernistes, mais principalement dans le fait de la promulgation de la Nouvelle Messe — un rite que tous les traditionalistes considèrent mauvais, dangereux pour la foi catholique, sacrilège et grossièrement irrévérent, voire carrément invalide.

En effet, parmi les principes et les précédents introduits par les changements liturgiques de Pie XII, nous découvrons les éléments suivants qui ont été plus tard incorporés à tout va dans la Nouvelle Messe :

(1) La liturgie doit suivre le principe « pastoral » d’éducation des fidèles.

(2) Le vernaculaire peut faire partie intégrante de la liturgie.

(3) Le rôle du prêtre est réduit.

(4) La participation des laïcs doit idéalement être vocale.

(5) De nouveaux rôles liturgiques peuvent être introduits.

(6) Les prières et les cérémonies peuvent être changées pour s’adapter aux « besoins » modernes.

(7) Les « répétitions inutiles » doivent être éliminées.

(8) L’Ordo Missae lui-même peut changer, et certaines de ses parties peuvent être supprimées.

(9) Le Credo n’a pas besoin d’être récité aux occasions plus solennelles.

(10) Le prêtre « préside » passivement à la banquette quand la Sainte Ecriture est lue.

(11) Certaines cérémonies liturgiques doivent être accomplies « face au peuple ».

(12) L’importance des saints doit être diminuée.

(13) Les pratiques liturgiques qui offensent les hérétiques, les schismatiques, et les juifs, doivent être modifiées.

(14) Les expressions liturgiques de révérence pour le Saint Sacrement peuvent être « simplifiées » ou réduites.

La législation liturgique des années 1950 a introduit ces changements ici et là, de façon limitée. Pris individuellement, aucun d’eux n’était mauvais en soi.

Mais cinquante ans plus tard, nous voyons bien que ces principes et ces précédents ont été, de fait, le premier pas vers la destruction finale de la Messe. Dans le document même de promulgation de la Nouvelle Messe, en effet, Paul VI lui-même a reconnu que la législation de Pie XII a été le début du processus de réforme.

Continuer à observer ces pratiques renforce le mensonge moderniste selon lequel la Nouvelle Messe ne serait qu’un développement organique de la vraie liturgie catholique. Il est difficile de critiquer la Nouvelle Messe pour son usage du vernaculaire, sa présidence passive du prêtre, et ses cérémonies face au peuple si vous pratiquez vous-mêmes ces choses à chaque Semaine Sainte.

 

III. Et l’indéfectibilité de l’Eglise ?

« Qu’en est-il de l’indéfectibilité de l’Église et de l’assistance du Saint-Esprit si nous affirmons qu’un hérétique a utilisé l’autorité d’un vrai pape pour promulguer une liturgie nuisible pour l’Église ? »

L’application des lois par lesquelles ont été promulguées ces changements liturgiques est devenue nuisible après le passage du temps, en raison du changement de circonstances, comme nous avons expliqué dans la deuxième partie.

Les canonistes et les théologiens moralistes (par exemple, Cocchi, Michels, Noldin, Wernz-Vidal, Vermeersch, Regatillo, Zalba) enseignent communément qu’une loi humaine peut devenir nuisible (nociva, noxia) en raison d’un changement de circonstances après le passage du temps. Dans ce cas elle cesse automatiquement d’obliger.

Par conséquent on ne peut pas dire que l’application de ce principe contredit l’enseignement de la théologie dogmatique qui dit que l’Église est infaillible quand elle promulgue des lois disciplinaires universelles.

 

IV. N’êtes-vous pas en train de trier les décisions pontificales ?

« En quoi cela est-il différent de l’attitude de la FSSPX qui passe au crible les décisions pontificales ? Si l’on ne trace pas la ligne entre les vrais et les faux papes, alors où la trace-t-on ? Il me semble qu’on ne pourrait alors plus vraiment critiquer la FSSPX pour son attitude qui consiste à choisir ce qu’elle veut parmi les décisions pontificales de leur « pape ». Ne devrait-on pas craindre davantage encore que l’on en vienne à porter des jugements semblables sur des papes antérieurs ? Qu’en est-il des lois liturgiques de saint Pie X ? de saint Pie V ? »

L’expression de « trier » les décisions du pape trouve son origine dans l’affirmation de l’abbé Franz Schmidberger qu’il faudrait cribler les enseignements de Vatican II et des papes d’après Vatican II afin de séparer ce qui est catholique de ce qui ne l’est pas.

L’essence de ce « criblage-du-pape » consiste dans un acte continuel de jugement privé exercé sur chaque enseignement et chaque loi qui émane d’un Pontife Romain vivant, couplé avec un refus de soumission à son égard. La FSSPX en a fait le mode opératoire principal de son apostolat.

Pour ceux qui n’observent pas les lois liturgiques de Pie XII, cependant, il n’existe pas de pape vivant à « passer au crible », ou auquel on pourrait refuser de se soumettre. Nous ne faisons qu’appliquer à ces lois les mêmes principes généraux que nous appliquons à toutes les autres lois ecclésiastiques. Si, en raison de la crise qui a suivi Vatican II, l’application d’une loi particulière (telle que les restrictions des délégations pour l’administrations des sacrements, les lettres dimissoriales pour les ordinations, les permissions pour édifier des églises, les facultés pour prêcher, les obligations d’obtenir un Imprimatur, etc) aurait désormais un effet dangereux, nous considérons que la loi n’oblige plus.

Dit autrement : Si comme la FSSPX vous reconnaissez quelqu’un comme un pape vivant, alors c’est lui votre législateur vivant ; vous êtes tenus de lui demander quelles lois s’appliquent, et comment les interpréter. Si vous êtes « sédévacantiste, » par contre, vous n’avez pas de législateur vivant à consulter ; quand vous avez une question sur l’application ou la non-application d’une loi, ou son interprétation, votre seul recours est de suivre les principes généraux établis par les canonistes.

 

V. Obéissance à l’Autorité Légitime ?

« Comment réconcilier cela avec le devoir d’obéir à l’autorité légitime ? Il me semble que l’on remet en question la sagesse de la législation au lieu d’accepter le jugement de l’Église sur ce point. »

Les principes énoncés aux points 1 (sur la stabilité) et 2 (sur la cessation des lois devenues nuisibles) se trouvent dans les commentaires approuvés du Code de Droit Canonique.

Si l’application de ces principes était vraiment incompatible avec la vertu d’obéissance due à l’autorité légitime, ces commentaires n’auraient jamais reçu l’approbation ecclésiastique.

* * * * *

Ceci étant dit, toutes les questions ci-dessus supposent que l’unique principe qui détermine ce que les prêtres traditionnels doivent faire en matière de liturgie est celui de la législation liturgique du « dernier vrai pape. »

Mais ceci n’est pas si simple qu’il paraisse, puisqu’avant qu’un prêtre puisse soutenir que seule la législation de Pie XII est obligeante, il doit d’abord démontrer avec certitude absolue que Jean XXIII et Paul VI (au moins avant fin 1964) n’étaient pas de vrais papes.

Sinon, il devrait logiquement se considérer obligé par tous les changements de Jean XXIII — « l’obligation légale » est votre principe directeur, en effet, n’oubliez pas — ainsi que tous les premiers changements introduits par Paul VI.2

(Parmi ces premiers changements de Paul VI on trouve ce qui suit : le prêtre ne récite jamais à la Messe ce qui est chanté par le choeur, certaines parties de l’Ordinaire sont chantées ou récitées en vernaculaire, la Secrète est dite à haute voix, la prière du « Per Ipsum » à la fin du Canon est récitée à haute voix, le « Libera Nos » est lui aussi récité à haute voix, la formule « Corpus Christi / Amen » est utilisée pour la communion des fidèles, le dernier évangile est supprimé, les lectures de la Sainte Ecriture ne sont lues qu’en vernaculaire et face au peuple, des lecteurs ou commentateurs laïcs assistent le prêtre, le « Pater Noster » est récité en vernaculaire, etc.)

Dans le cas de Roncalli et des premières années de Montini, il y avait un législateur putatif « en possession » du siège de Pierre. Si la règle d’or du culte catholique traditionnel est sensée être l’observation des lois liturgiques du « dernier vrai pape », le prêtre ne devrait-il pas alors suivre « ce qui est plus sûr » en émondant la Messe, et en recrutant des lecteurs, au cas où ?3

Puisque le principe du « dernier vrai pape » mène à d’autres problèmes, que devons-nous donc faire ?

La réponse est simple : il faut suivre les rites liturgiques qui existaient avant que les modernistes aient commencé à les altérer.

Nous autres traditionalistes répétons sans cesse notre détermination à préserver la Messe Latine traditionnelle et la tradition liturgique de l’Église. Il me semble personnellement que cette idée n’a aucun sens si par cela on s’efforce de préserver la « tradition » liturgique de cérémonies de la Semaine Sainte inventées en 1955, de rubriques du bréviaire prévues comme étant transitoires et d’ailleurs déjà dépassées, et de « réformes » qui ne durèrent pas plus de cinq ans.

La liturgie catholique que nous cherchons à restaurer devrait être celle qui nous frappe par son antiquité majestueuse, et non celle qui nous fait penser sans cesse à Bugnini.

 

[Note finale du traducteur. Il nous semble utile d’ajouter ici que depuis la parution de cet article, et en partie grâce aux recherches érudites de l’abbé Anthony Cekada sur ces questions, nombre de groupes « conservateurs », dont la FSSP, attachés à la liturgie traditionnelle de l’Église, sous les auspices des chefs modernistes, ont eux-mêmes compris que les réformes de le Semaine Sainte de 1955 ont été en effet une étape préalable aux changements qui ont conduit à la nouvelle messe. Dans leur effort de préserver et de retourner à la liturgie traditionnelles, ces groupes ont désiré retourner à la Semaine Sainte traditionnelle abolie par ces réformes. Cette demande leur a même été accordée, malgré quelques accomodations imposées. Si des personnes inspirées par l’amour de la liturgie authentique de l’Église ont été amenées à retourner à l’ancienne Semaine Sainte, et si ce retour a même été accordé par des liturgistes conservateurs du « saint-siège » actuel, malgré certaines compromissions doctrinales, il nous semble évident qu’un vrai pape aurait lui aussi non seulement permis et encouragé, mais même ordonné ce retour à la liturgie authentique de l’Église, afin de s’éloigner le plus possible de toute connotation moderniste, pratiquement inévitable dans le contexte actuel où prévaut partout le modernisme liturgique.]

1 [Note du traducteur : le sens de ce document de la Sacrée Congrégation des Rites est que seules de simples réformes qui ne demandent pas d’imprimer de nouveaux missels ont été faites, puisqu’il y aura sous peu de nouvelles révisions des rubriques. Par conséquent, on ne doit pas imprimer de nouvelles éditions de bréviaires et de missels avec les nouvelles rubriques. Le décret même qui publie ces réformes indique ainsi clairement que ces nouvelles rubriques étaient transitoires, et ne devaient pas servir plus que quelques années. Elles cesseraient d’obliger dès la promulgation de l’étape suivante des réformes (à savoir les réformes du brévaire et du missel publiées sous Jean XXIII). Retourner aujourd’hui à ces rubriques « de transition » est donc contraire au décret même qui les a publiées. Cf. Cum hac nostra aetate, du 23 mars 1955.]

2 [Note du traducteur : Quelques rares prêtres, affirmant qu’on ne peut pas fournir de preuves apodictiques de la non-papauté de Jean XXIII, et suivant cette attitude légaliste, appliquent, logiquement, ces réformes liturgiques de Jean XXIII. On voit donc bien qu’une attitude légaliste sur cette question serait loin de créer « l’union » et la « paix » des fidèles, comme il est parfois dit, sous prétexte qu’on aurait un « critère objectif ». En effet, on se retrouve dans ce cas à devoir imposer aux catholiques comme un absolu incontestable la date exacte du début de la vacance du siège, et à entièrement ignorer les principes de suppléance que les théologiens approuvés appliquent au cas hypothétique d’un pape putatif. Ces difficultés sont bien plus insurmontables que les objections levées contre le retour aux rubriques de Saint Pie X. Le retour aux rubriques de Saint Pie X se justifie par un critère qui ne se fonde pas sur des opinions théologiques de tout un chacun, mais qui au contraire fait appel à des faits avérés et universellement reconnus aujourd’hui, couplés au recours à des principes canoniques incontestables.]

3 [Note du traducteur : les théologiens établissent en effet des principes de suppléance pour les commandements d’un pape putatif. Il est par ailleurs indéniable que les réformes de Jean XXIII et les premières réformes de Paul VI ont été acceptées de tous, et sont devenues, de fait, la loi liturgique dans l’Église. Logiquement, par conséquent, le principe de la dernière loi liturgique en vigueur avant la nouvelle messe ne nous ramène pas à Pie XII, dont les réformes n’avaient d’ailleurs été introduites qu’avec la provision expresse qu’elles cesseraient dès qu’une réforme plus complète et prochaine paraîtrait. L’idée que l’on doive suivre aujourd’hui les réformes de Pie XII n’est donc (1) ni conforme au principe lui-même de « la dernière loi en vigueur » ; (2) ni conforme au décret de réforme du calendrier en 1955, qui stipulait que son obligation cesserait dès l’apparition de la prochaine réforme (ce qui est d’ailleurs arrivé). Il est donc faux de dire qu’obéir aux lois de l’Église c’est suivre les réformes de Pie XII, et ne consiste qu’à continuer ce qui se faisait avant Vatican II et la nouvelle messe. Il n’y a en effet pas de continuité, car les réformes de Pie XII avaient déjà été supplantées par des réformes ultérieures, dont elles en étaient la préparation. Ceci doit être considéré en plus de tout le contexte actuel, qui nous garantie qu’un vrai pape, aujourd’hui, ferait évidemment marche arrière, et enlèverait de ces réformes tout ce qui de près ou de loin servirait à corroborer des interprétations modernistes.]

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MHTS Newsletter - Mai 2020

Publié le par Études Antimodernistes

MHTS Newsletter - Mai 2020

 

Par Mgr Donald J. Sanborn.

 

Most Holy Trinity Seminary Newsletter, Mai 2020.

EtudesAntimodernistes.fr, Septembre 2020.

 

 

Après avoir donné des nouvelles du projet d’installation du séminaire dans le nord-est des États-Unis, à cause du nombre croissant des séminaristes et du manque de place, et après avoir annoncé un voyage en France (maintenant repoussé), Mgr. Sanborn expose ici la ligne de conduite de son Institut quant à la distribution des sacrements. En voici la traduction. Les principes et règles expliqués ici sont ceux contenus dans le Directoire Pastoral de l’Institut Catholique Romain.

 

 

[Donner et recevoir les sacrements après Vatican II]

 

Mgr Sanborn

Bien chers fidèles,

 

Notre Ligne de conduite concernant la distribution des sacrements. Les prêtres de l’Institut Catholique Romain (l’ICR) ont une ligne de conduite stricte en ce qui concerne la distribution des sacrements, position que je que voudrais expliquer puisqu’elle peut paraître dure à certains.

Pour que les sacrements soient donnés légalement, il est nécessaire que le prêtre ait reçu de l’évêque du diocèse la juridiction sacramentelle. A son tour, l’évêque du diocèse, pour exercer légalement son ministère, doit être en communion avec le Pontife romain. Il est donc facile de voir qu’il y a un ordre hiérarchique direct allant du pape au simple prêtre en passant par l’évêque.

Les mots de « juridiction sacramentelle » désigne cette autorisation de distribuer les sacrements donnée par la hiérarchie de l’Église au prêtre.

Alors, comment justifions-nous le fait que nous donnions les sacrements à une époque où il n’y a ni pape, ni évêque du diocèse à cause de leur adhésion à la promulgation d’une nouvelle et fausse religion ?

Notre justification s’appuie sur le principe d’épikie (mot grec qui veut dire équité). L’épikie est un principe connu chez les moralistes1 ; il s’exprime ainsi : en l’absence du législateur, on peut estimer l’esprit du législateur, de telle sorte qu’on juge que celui-ci permettrait quelque chose de raisonnable, mais pour lequel en temps normal on doit demander la permission.

Un exemple classique serait celui d’un séminariste dominicain qui trouve dans une librairie un livre dont il a besoin et qui est difficile à trouver. Ne pouvant pas contacter son supérieur, il présume raisonnablement que son supérieur lui donnerait la permission d’acheter le livre en question s’il était présent.

On voit donc qu’il y a deux conditions nécessaires pour utiliser l’épikie : (1) que l’acte que nous voulons accomplir soit raisonnable, puisqu’on ne pourrait se servir de l’épikie pour quelque chose d’absurde, de nocif ou hors de propos ; (2) que le législateur soit absent, c’est à dire que pour une raison ou une autre, on ne puisse avoir recours à lui.

La loi ultime qui justifie tout notre apostolat en ce temps de prise de pouvoir de la hiérarchie par les modernistes, est un adage bien connu de l’Église catholique : Le salut des âmes est la loi suprême [Salvatio animarum suprema lex]. Comme le dit l’adage, toutes les lois de l’Église s’inclinent devant cette belle et grande loi ; c’est en effet le motif et l’âme de toutes les lois inférieures de l’Église. Car l’Église existe pour le salut des âmes et pour aucune autre raison. Cet adage reflète l’essence même de l’Église et le motif même de l’Incarnation et de la Crucifixion du Christ. Personne ne peut le nier.

Nous menons un apostolat contraire à celui du Novus Ordo2. Et nous le faisons uniquement par ce que le Novus Ordo constitue une rupture substantielle avec le passé. Ce n’est pas le Catholicisme romain, mais une nouvelle religion qui nous est imposée. C’est le modernisme, condamné par saint Pie X comme « le rendez-vous de toutes les hérésies », qui a montré ses origines perverses par la perte de foi et les mœurs dévastateurs parmi les catholiques depuis le concile Vatican II. « L’Église catholique actuelle » n’a rien à voir avec l’Église catholique d’avant Vatican II.

Chant des prophéties le Samedi Saint (Séminaire de la Très Sainte Trinité)

Elle ne peut pas être un moyen de salut parce que c’est une fausse religion, mais c’est au contraire un moyen de damnation. Pour cette raison tout doit être mis en place pour assurer la survie de la vraie foi qui est l’unique moyen de salut. Ce principe déjà cité (Le salut des âmes est la loi suprême) justifie donc les mesures que nous prenons, ce « contre-apostolat » que nous menons.

Du principe que ‘Vatican II et ses réformes sont rupture et non continuité’, nous concluons qu’il est impossible que la hiérarchie qui dit être la hiérarchie catholique ait, de fait, le pouvoir d’enseigner, de diriger et de sanctifier l’Église. Du principe que ‘le salut des âmes est la loi suprême’, nous concluons que, pour assurer la préservation de la vraie foi, de la validité de l’épiscopat et de la prêtrise, la vraie messe et les sacrements, la vraie doctrine et la véritable discipline catholiques, il est nécessaire et donc justifié d’accomplir un ministère sacramental et pastoral complet.

Une personne raisonnable qui admet nos principes – que Vatican II constitue une rupture et que le salut des âmes est la loi suprême – ne peut pas contester la légalité de ce que nous faisons.

 

Pourquoi refusons-nous les sacrements à ceux qui assistent aux messes una cum ? Il est absolument nécessaire que ceux qui font appel à nous pour les sacrements comprennent que le Novus Ordo est une nouvelle religion parce que le fondement de la légitimité de notre apostolat est justement de donner les sacrements à ceux qui ont fuit le Novus Ordo comme on fuirait une fausse religion. Autrement ils n’ont aucune raison de venir à nous pour recevoir les sacrements, et nous n’avons aucune raison de leur donner les sacrements.

Si quelqu’un considère la religion Novus Ordo comme la vraie foi, comme une continuité homogène du catholicisme d’avant Vatican II, alors cette personne n’a aucune raison de venir à nous pour les sacrements. Ce serait en effet un péché mortel pour cette personne puisque nous donnons les sacrements au mépris de l’ordre de la personne qu’elle regarde comme pape. Elle doit considérer notre apostolat schismatique, « érigeant un autel contre l’autel de l’évêque local », acte qui est toujours considéré schismatique.

À l’inverse, si quelqu’un considère la religion Novus Ordo comme une déviation substantielle du catholicisme romain, il est logiquement obligé de dire qu’il est impossible que ces « papes » qui ont promulgué cette nouvelle religion soient en fait des papes catholiques.

Dans l’ordre pratique, donc, si quelqu’un vient à nous pour recevoir les sacrements, nous devons attendre de cette personne :

- qu’elle soit convaincue que le Novus Ordo n’est pas la religion catholique ;

- qu’elle adhère à la conclusion nécessaire et logique, à savoir que les papes modernistes ne peuvent pas être de vrais Papes.

Si cette personne croit que le Novus Ordo est la religion catholique, alors elle ne vient pas à nous pour les bonnes raisons. Il se pourrait qu’elle trouve que notre liturgie est plus digne et plus révérencieuse. Mais un tel motif n’est pas suffisant pour établir un contre-apostolat à celui du Novus Ordo. Par conséquent un prêtre traditionaliste ne pourrait pas donner les sacrements sur ce motif ; ce serait objectivement un péché mortel.

Si la personne croit que le Novus Ordo n’est pas la religion catholique mais pense que les papes modernistes sont de vrais Papes, ce serait alors un illogisme grave et même une hérésie implicite, à savoir que le Pontife Romain puisse imposer ou même permettre que l’Église entière adhère à de fausses doctrines, à une liturgie erronée et pernicieuse, ainsi qu’à une discipline peccamineuse. Car admettre cela serait contredire le dogme de l’indéfectibilité de l’Église catholique.

"Si Bergoglio est votre pape, alors c'est à lui que vous devriez demander les sacrements."

De plus, ceux qui participent activement à une messe una cum affirment publiquement, en dépit de ce qu’ils pensent intérieurement sur Bergoglio, que François est de fait le véritable Pontife Romain, le Vicaire de Jésus-Christ sur terre, possédant la juridiction universelle d’enseigner, de gouverner et de sanctifier les fidèles de l’Église catholique. Ils ne peuvent pas soutenir que la religion qu’il a promulguée à toute l’Église soit une fausse religion, et en même temps affirmer qu’il soit un vrai pape. Car cela serait nier le dogme de l’indéfectibilité.

Par conséquent, il serait inconséquent et incohérent que ces personnes viennent à nous pour recevoir les sacrements. Si elles étaient conséquentes et cohérentes, elles iraient demander les sacrement aux prêtres Novus Ordo. Si Bergoglio est votre pape, alors c’est à lui que vous devriez demander les sacrements.

De plus, ceux qui participent activement à la messe una cum d’un prêtre traditionaliste (par exemple, de la FSSPX) déclarent à tout le monde qu’ils sont d’accord avec la position reconnaître et résister3, qui est une doctrine non-catholique et implicitement hérétique. Ils font ainsi scandale en allant à la messe una cum.

C’est pour ces raisons, à savoir l’inconséquence et l’incohérence ainsi que le scandale que nous ne donnons pas les sacrements à ceux qui vont à la messe una cum. Car l’incohérence est toujours un signe d’erreur. La raison droite, au contraire, est claire, simple et sans contrainte précisément à cause de sa cohérence. Mais l’incohérence est une erreur ; et une erreur dans l’ordre morale est toujours un péché.

Il est donc objectivement peccamineux que ceux qui aillent à la messe una cum nous demandent les sacrements, et il est de même objectivement peccamineux que nous leur donnions les sacrements.

 

Objection : En ce temps de confusion, pourquoi ainsi pénaliser les gens qui n’y comprennent pas grand-chose et qui essaient simplement d’être de bons catholiques ?

Réponse : Nous faisons des exceptions pour les gens qui ne connaissent pas ces principes, mais nous ne les laissons pas les ignorer. Si un tel cas se présente nous prenons les personnes à part pour leur expliquer les règles pour donner les sacrements. S’il persistent à aller à la messe una cum, alors nous leur refuserons les sacrements. Mais je veux ici, insister sur le fait que le refus des sacrements se base sur le fait qu’il n’y a pas de raison valable de leur donner les sacrements ; et cela ne revient pas à dire qu’ils ne sont pas catholiques ou que ce sont des pécheurs publiques.

Expliquons cela d’une autre façon. Tout catholique baptisé a le droit de recevoir les sacrements. Cela est vrai. Mais il est aussi nécessaire qu’il soit suffisamment instruit pour pouvoir exercer ce droit. Il doit accepter les enseignements donnés ou alors il ne peut pas recevoir les sacrements. De la même façon, les instructions que nous donnons à nos fidèles ne sont pas les opinions personnelles de Mgr. Sanborn, mais sont des principes moraux qui découlent directement de la foi catholique.

Distribution des Rameaux (Séminaire de la Très Sainte Trinité)

Voici encore une autre façon d’expliquer les choses. Notre mission comme prêtres et évêques n’est pas de s’occuper des fidèles du Novus Ordo, c’est-à-dire, de ceux qui ont embrassé la nouvelle religion. Notre mission concerne uniquement ceux qui comprennent que la nouvelle religion est fausse et qu’il faut avoir recours à des prêtres qui rejettent cette nouvelle religion. Mais si, en assistant à la messe una cum, vous affirmez que Bergoglio est pape, vous affirmez aussi implicitement que sa nouvelle religion est la foi catholique. Il n’y a donc pas de raison de venir nous demander les sacrements et il n’y a pas de raisons pour nous de vous les donner. Encore une fois, si Bergoglio est votre pape, alors allez lui demander les sacrements.

Je dois ajouter ici qu’adhérer aux papes de Vatican II comme à de vrais papes conduit nécessairement au désir d’être reconnu et régularisé par eux. C’est pour cela que Mgr. Lefebvre, bien que dénonçant de façon répétée la nouvelle religion de Vatican II comme une fausse religion continua néanmoins d’essayer d’obtenir la reconnaissance de sa fraternité comme une institution légitime par la hiérarchie moderniste. Par exemple, aux consécrations de 1988 où il dénonça dans son sermon la religion Novus Ordo, il affirma aux journalistes après la cérémonie que dans cinq ans le Vatican et la fraternité seraient réconciliés. Car il est impossible qu’un catholique s’écarte et/ou désobéisse habituellement au pape et reste catholique. Admettre que ces gens sont papes c’est créer un centre de gravité pour les catholiques, centre de gravité qui les attirera à se soumettre et à entrer en communion avec eux.

Ainsi donc, la présence du nom de François dans le canon d’une messe traditionnelle (FSSPX) crée une attraction fatale vers les destructeurs de la foi catholique. Ce nom dans le canon est une reconnaissance implicite de la nouvelle religion comme étant le catholicisme romain.

 

Résumé et conclusion. Le principe qui justifie l’apostolat non autorisé des prêtres traditionalistes est que Vatican II et ses réformes constituent une rupture avec le catholicisme. Ce principe est la seule cause justifiant les fidèles à demander les sacrements aux prêtres traditionalistes exerçant un apostolat non autorisé. Puisqu’une rupture d’avec le catholicisme de la part de la hiérarchie nous montre avec certitude et nécessité qu’elle n’est pas la vraie hiérarchie catholique, à cause du dogme de l’indéfectibilité, alors il est nécessaire aussi que les fidèles tout comme le clergé considère cette hiérarchie Novus Ordo comme une fausse hiérarchie.

 

Garder le mouvement traditionaliste dans le droit chemin. Certains pourront dire que notre ligne de conduite est trop dure, que l’important est que les fidèles aient accès à la vraie messe et aux vrais sacrements. Il n’y pas lieu de s’inquiéter de telles considérations théologiques.

Une telle attitude qui prévaut aujourd’hui parmi le clergé et les fidèles est très dangereuse. Elle est implicitement basée sur une hérésie, à savoir que la foi catholique peut se passer de pape. Une telle attitude suscita en son temps le grand schisme d’Occident, quand il y eut deux, puis trois papes. Les erreurs concernant la papauté, son rôle et sa nécessité se répandirent. La conséquence en fut le conciliarisme, promu par les participants du concile de Constance en 1415, qui affirme qu’un concile général est au-dessus du pape.

Pierre d'Ailly

Pierre d’Ailly (1351-1420) est un théologien de l’Université de Paris, plus tard cardinal. Il formula l’idée que seule l’Église universelle est infaillible et que chaque Église particulière (chaque diocèse) peut errer, l’Église de Rome incluse. Il dit que le pape peut se tromper et s’est trompé plus d’une fois. Il donnait comme exemple l’erreur de saint Pierre repris par saint Paul. Ce même Pierre d’Ailly est l’auteur du conciliarisme dont nous venons de parler.

La Fraternité Saint Pie X a répété cette même doctrine qui est objectivement hérétique. Leur théorie concernant le magistère ordinaire universel est précisément que le pape et tous les évêques du monde puissent se tromper en enseignant la doctrine ; l’Église universelle rejettera simplement ces enseignement comme faux. Cela revient à dire que l’assistance du Saint-Esprit pour enseigner la doctrine n’a pas été donné aux apôtres et à leurs successeurs dans la hiérarchie, mais à l’Église universelle qui « trie » et « discerne » ainsi dans le magistère ce qui est vrai de ce qui est faux.

Un contemporain de d’Ailly, Jean Charlier de Gerson (1363-1429) aussi théologien et recteur de l’Université de Paris disait que le droit de corriger et même de déposer le souverain Pontife appartenait non seulement à un concile général, mais à l’Église universelle. Je mentionne ici ces choses car il s’agit exactement de l’approche du cardinal Burke et de ceux qui le suivent, à savoir que selon eux il est légitime de corriger le pape quand il se trompe, et pire encore, que cette correction du pape est suffisante pour sauvegarder l’indéfectibilité de l’Église. Cela signifie implicitement que et l’infaillibilité et l’indéfectibilité se trouvent ailleurs que dans la hiérarchie enseignante de l’Église catholique. Cela, c’est du protestantisme. Les protestants disent que l’infaillibilité se trouvent dans l’Écriture Sainte et non dans l’Église enseignante, ce qui a pour résultat que chacun est libre d’interpréter l’Écriture comme bon lui semble, avec l’aide du Saint-Esprit. La conséquence logique et historique est la multiplication d’innombrables sectes protestantes, chacune avec une interprétation différente, mais chacune réclamant à grands cris être assistée du Saint-Esprit.

Je donne ici ces exemples pour expliquer à nos fidèles pourquoi nous sommes inflexibles en ce qui concerne la bonne doctrine et les bonnes pratiques pastorales requises pour les sacrements. Aujourd’hui, le mouvement traditionnel doit être le gardien de la doctrine catholique, puisque la plupart des catholiques vont perdre la foi à cause de Vatican II. Par conséquent il est essentiel que nous ne tombions pas dans des erreurs nous-mêmes alors que nous essayons d’éviter celles des modernistes.

Dans ce temps d’occupation moderniste, les fidèles ne doivent pas perdre de vue le rôle et les prérogatives du pape. Le pape, comme pape, a une relation essentielle à la vérité. Il doit être la règle vivante de la foi, comme ont fait remarqué le cardinal Billot et d’autres. S’il ne remplit pas cette tâche, il ne remplit pas sa fonction de pape. Il faut en conclure que les catholiques qui font face à l’enseignement hérétique d’un pape, ne doivent pas se contenter de vivre avec lui en ignorant ses erreurs, ou en les corrigeant, mais doivent le rejeter, parce que, quand il impose des doctrines contraires à la foi catholique, il montre qu’il n’a pas le pouvoir du Christ pour enseigner, régir et sanctifier l’Église. Par analogie, les brebis s’enfuient à la vue d’un loup revêtu des habits du berger, dès qu’elles découvrent que c’est un loup.

Autrement dit, un pape qui erre doctrinalement, n’est pas seulement un « mauvais pape », ou un pape que l’on doit corriger, mais il n’est aucunement pape. C’est l’importance de la fonction du pape qui impose cette conclusion.

 

Sincèrement vôtre dans le Christ,

Mgr. Sanborn

1L’épikie est une partie de la vertu de justice par laquelle, en l’absence du législateur et dans des circonstances non prévues par le législateur, nous appliquons la loi non selon la lettre mais selon l’esprit de la loi. (Note du traducteur)

2Les mots « Novus Ordo » désigne les modernistes et plus exactement la nouvelle religion imposée par la hiérarchie moderniste. (Note du traducteur)

3Reconnaître et Résister (R&R) : la position qui consiste à reconnaître les papes modernistes comme de vrais Papes, Vicaires de Jésus-Chris, et en même temps leur désobéir habituellement et continuellement, comme si on pouvait se passer d’obéir au pape pour faire son salut, comme si on était juge de ce que le pape nous enseigne. C’est la position de la FSSPX et de la « Résistance » en générale, qui porte bien son nom pour cela. Pour plus d’info sur la position R&R, voir http://www.etudesantimodernistes.fr/r-et-r.html (Note du traducteur)

 

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MHTS Newsletter - Octobre 2018

Publié le par Études Antimodernistes

Par Mgr Donald J. Sanborn.

 

Most Holy Trinity Seminary Newsletter, Octobre 2018.

EtudesAntimodernistes.fr, Novembre 2018.

MHTS Newsletter - Octobre 2018

[Pie XII face au modernisme.]

 

Bien chers fidèles,

 

Je remercie tous ceux d’entre vous qui ont envoyé un don supplémentaire le mois dernier pour nous aider avec nos dépenses actuelles. Nous avons encore eu un problème inattendu : une fuite dans une canalisation sous les fondations (sous une dalle). L’eau s’est répandue dans la plus grande des classes, forçant les séminaristes à avoir cours dans le réfectoire. Heureusement, la réparation ne coûta « que » 1461 $. (Je m’attendais à plus.) Nous devons cependant encore réparer le carrelage qui a été cassé pour parvenir aux fondations.

 

Soixante ans depuis la mort de Pie XII. Le neuf octobre, nous avons commémoré les soixante ans de la mort de Pie XII. Cela signifie que le modernisme règne depuis maintenant soixante ans, et nous avons vu avec horreur la désintégration de tout ce qui rendait notre foi merveilleuse : la doctrine catholique, de bons et saints prêtres, une abondance de frères et de sœurs dévots et zélés, des écoles catholiques, des séminaires catholiques remplis de saints séminaristes aspirant à la prêtrise, la Messe traditionnelle en latin, les sacrements traditionnels, la Ligue pour la vertu1, les habits religieux, les prêtres en soutane et col romain, de magnifiques églises, des cérémonies élaborées, le chant grégorien et autres belles musiques d’église, la discipline, l’orthodoxie, la modestie dans les habits, les bonnes mœurs. Je pourrais encore allonger la liste. Ce que je viens de décrire, c’est le monde de mon enfance, que je considérais alors comme normal, mais que j’aimais et chérissais.

C’était le monde catholique tel que le laissa le pape Pie XII. C’était un édifice splendide et magnifique à tous les égards.

J'étais trop jeune pour m'apercevoir des changements que Jean XXIII avait opéré. Je me rappelle avoir assisté aux cérémonies de la semaine sainte qui avaient été modifiées en 1955 sous la direction de l'auteur de la nouvelle messe, le moderniste et franc-maçon Annibale Bugnini. Je n'avais jamais vu les cérémonies traditionnelles qui, d'après le pape Benoit XIV (1740-1758), sont très anciennes. Cependant, j'étais toujours un peu troublé par ces cérémonies de la semaine sainte, car elles semblaient différer du reste de la liturgie. C'est seulement des années après que je découvris que ces cérémonies, forgées par le franc-maçon en question, étaient « un pont » (ce sont ses mots) vers la réforme ultime de la liturgie qui eut lieu dans les années 1960 et qui atteignit son sommet avec l'horrible nouvelle messe en 1969.

C'est pour cette raison, en voyant plus tard ces réformes avec du recul, que nous reprîmes les rites traditionnels de la semaine sainte. Comme dirait l'abbé Cekada : « Si vous ne voulez pas passer de l'autre côté (c'est-à-dire vers la nouvelle messe), alors pourquoi prendre le pont ? »

Je me rappelle par contre le premier dimanche de l'avent 1964, jour où les premiers changements de Vatican II apparurent dans la Messe. Bien que ceux-ci n’étaient rien en comparaison de ce que nous voyons aujourd'hui, j'y sentis cependant l'odeur du modernisme. Je me rappelle rentrer à la maison après la Messe ce jour-là en me disant à moi-même : « Il y a quelque chose de protestant dans la Messe. » C’est vers cette époque que je déclarai une guerre personnelle aux réformes de Vatican II.

Pendant l'année suivante, j'essayai, comme tout le monde, de voir Vatican II avec une lumière positive et d'y comprendre quelque chose. Il y en a encore beaucoup qui essayent toujours. Quand j’étais au séminaire moderniste, je compris ce qu'était Vatican II. Je vis sa nature profondément radicale et corrompue. Je vis que ce n'était pas seulement une question de changement accidentel des manières de faire dans l'Église, mais une véritable révolution doctrinale, morale, spirituelle et liturgique. Je la combattis autant que je le pus.

Même en entrant à Ecône en 1971, cependant, je continuais à croire que d'une façon ou d’une autre Paul VI n'étais pas d'accord avec tous ces maux dans l’Église, et que c'étaient les « mauvais évêques » qui faisaient tout ce mal.

Ce qui m'ouvrit les yeux quant à la vraie nature de Paul VI fut la lecture d'un essai par l'abbé de Nantes, prêtre français, connu sous le nom de Liber Accusationis in Paulum Sextum (Le Livre d'accusation contre Paul VI). Ce prêtre, dans un travail soigneusement documenté, analysait le passé et l'enseignement de Paul VI et démontrait sans aucun doute que l'homme était un moderniste de premier ordre. Je devins alors « sédévacantiste ». C'était en 1973.

 

L’Église depuis le 9 octobre 1958. Les modernistes ont dynamité le monde idyllique du catholicisme romain que j'ai décrit ci-dessus. Avec un orgueil consommé, ils ont décidé que le catholicisme ne pourrait pas survivre au monde moderne sans se transformer pour s'y adapter. Tel est le principe fondamental du modernisme et de toutes les hérésies qui en découlent.

Le « système d'exploitation » - pour emprunter un mot au langage informatique - du monde moderne est le subjectivisme, c'est-à-dire, la négation de la possibilité même d'une vérité objective. Rien n'ai vrai, à moins que ce ne soit vrai pour vous, c'est-à-dire, à moins que ce ne soit conforme à vos expériences personnelles.

Appliqué au dogme et à la morale, l'effet en est absolument fatal. Conformer l’Église catholique au mode de pensée subjectif, c'est lui injecter un poison mortel dans les veines. Ainsi ce que nous avons vu depuis 1958 est la mort graduelle du catholicisme. L'orthodoxie, qui est l'assentiment de foi donné à la doctrine catholique, est morte. Être catholique aujourd'hui signifie simplement que vous êtes sur les registres de l'église catholique locale. Vous pouvez croire ce que vous voulez et rendre votre hérésie publique, personne ne vous blâmera. Pensez un instant à l'université de Georgetown qui est supposée être catholique, ou celle de Loyola à Chicago. Ce sont là simplement de petits exemples de ce qui existe partout dans ce monde autrefois catholique.

Ce qui définit le catholicisme, c'est l'orthodoxie. Les institutions de l’Église catholique, sa hiérarchie, ses lois, ses édifices, ses écoles, ses universités reposent sur un seul fondement qui est l'orthodoxie catholique. Si ces institutions perdent leur orthodoxie, elles perdent leur raison d'être, devenant des institutions inutiles, catholiques de nom seulement, et elles accomplissent le travail du diable.

Le catholicisme continue d'exister en ceux qui professent encore la foi catholique, qu'ils soient encore dans le Novus Ordo ou non. Ce qu’il faut c’est un schisme, c'est-à-dire que les catholiques doivent se séparer des hérétiques modernistes. Ils vivent présentement dans la même maison et doivent se séparer.

 

Les bons côtés du règne de Pie XII. Pie XII était un homme d'une orthodoxie catholique absolue et avait compris son rôle de protecteur de cette caractéristique essentielle et sacrée de l’Église catholique.

C'était un homme qui avait compris la dignité très élevée de la papauté et qui se comportait en conséquence. Jamais la papauté ne fut plus respectée que sous Pie XII. C'était une image de la dignité ecclésiastique.

Il promulgua un bon nombre de documents qui exprimaient clairement l'enseignement de l’Église sur de nombreux sujets. Parmi eux : Mystici Corporis, expliquant le Corps Mystique du Christ (1943) ; Mediator Dei, qui donnait les principes de la sainte liturgie de l’Église et mettait en garde contre quelques tendances modernistes (1948) ; Humani Generis, qui condamna en général la nouvelle théologie et mettait en garde contre des erreurs modernes et des tendances de l’époque (1950).

En 1950 également, il proclama solennellement la doctrine de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie. En 1954, il proclama l'Année Mariale, au cours de laquelle il établit la fête de Marie-Reine.

Le pape Pie XII était sévère contre le communisme, excommuniant ceux qui appartenaient au parti. Il édifia aussi les fidèles dans de nombreux messages radio, utilisant autant que possible les médias de son temps pour répandre l'évangile.

En bref, les bons côtés de son règne furent de présider une Église en bonne santé générale, et, par sa piété, sa science et sa dignité, de gagner l'admiration de beaucoup, catholiques et non catholiques.

 

Les mauvais côtés du règne de Pie XII. En 1930, quand le pape Pie XI cherchait un nouveau secrétaire pour remplacer le cardinal Gasparri, un certain cardinal Cerretti, potentiel candidat pour ce poste, décrivit le cardinal Pacelli (Pie XII) comme « indécis et mou ». Je pense que c’était là une observation exacte de son caractère, et cela fut un défaut tragique pour lui et pour toute l’Église catholique.

En d'autres termes, bien que le cardinal Pacelli avait des intentions excellentes et une orthodoxie impeccable, il lui était difficile de faire aboutir ces merveilleuses qualités à des actions concrètes.

En lisant à son sujet, j'ai aussi remarqué qu'il avait un respect exagéré, et même une sorte de vénération, pour l'érudition et les sciences physiques. Bien que ces choses doivent certainement être prises au sérieux, nous devons y faire attention en ces temps modernes à causes des préjugés extrêmement anticatholiques de nombreux savants et scientifiques. Il développa probablement cette admiration excessive pour l'érudition et la science à l'université de la Sapienza, à Rome, une des plus glorieuses institutions de la Rome papale, prise et contrôlée par le gouvernement italien maçonnique et athée à partir de 1870. En tout cas, le fait qu'il se laissait facilement impressionné par l'érudition et la science fit de lui une proie des « savants » et « scientifiques » modernistes qui rôdaient dans l’Église.

La dernière chose dont l’Église avait besoin en 1939, l'année de l'élection du Cardinal Pacelli à la papauté, c’était un pape faible et indécis, naïf en ce qui regardait les complots des modernistes. Pendant le règne de saint Pie X (1903-1914), les modernistes se contentèrent simplement de se submerger, pour réapparaître plus tard pendant le règne de Benoît XV (1914-1922) et de Pie XI (1922-1939). Ils utilisèrent alors un instrument entièrement nouveau pour répandre leur hérésie perverse : la sainte liturgie. Ils détournèrent le mouvement liturgique, solidement catholique, lancé par Dom Guéranger et d'autres au dix-neuvième siècle. Ils voulaient en faire un véhicule de l'œcuménisme, qui est un pur produit du modernisme. Proéminents dans ce mouvement liturgique moderniste furent : Pius Parsch, Dom Beauduin, Gérard Ellard, Annibale Bugnini, et beaucoup d’autres de moindre importance, auteurs de livres et pamphlets faisant avancer le même agenda.

Les modernistes firent aussi de nouveau surface dans le domaine de l’Écriture Sainte. Le cardinal Béa, confesseur de Pie XII, était proéminent parmi eux. Il y en eut beaucoup d'autres. Le modernisme biblique pris de l’essor sous le règne de Pie XII.

Enfin, il y avait la Nouvelle Théologie, une renaissance dogmatique du modernisme. Tout comme les vieux modernistes, ils [les « nouveaux théologiens »] détestaient saint Thomas et avec lui la théologie et la philosophie traditionnelles, et ils adaptèrent la théologie catholique aux systèmes de philosophie modernes. Il en résulta de sérieuses erreurs et même des hérésies. Proéminents parmi ces néo-modernistes étaient Karl Rahner, Joseph Ratzinger (plus tard Benoît XVI), Hans Hurs von Balthazar, Edward Schillebeeckx, Yves Congar, Bernard Häring, Hans Küng, Henri de Lubac, Pierre Teilhard de Chardin, et bien d'autres. Ces théologiens circulaient et écrivaient librement sous le règne de Pie XII, et bien que certains reçurent des monitions officielles du Saint Office, ils parvinrent à survivre sans trop de difficulté pendant son pontificat.2 Sous saint Pie X, ils auraient été excommuniés et réduits à l'état laïc.

Ce dont l’Église avait besoin en 1939, après trois décennies de modernisme en plein essor, c'était un autre saint Pie X, quelqu'un qui aurait réprimé l'hérésie avec sévérité.

Toutes ces choses ayant été dites, penchons-nous maintenant sur les mauvais aspects du règne de Pie XII :

  • La nomination d'évêques abominables. Les principaux évêques modernistes à Vatican II avaient été nommés par Pie XII : Köning, Döpfner, Suenens, Lercaro, Montini (futur Paul VI), Wotjyla (futur Jean-Paul II), Cushing, Alfrink, Frings. Ce furent de grandes figures au Concile. Combien d'autres évêques modernistes furent nommés dont les noms nous échappent ? Il faut aussi remarquer que Pie XII éleva au cardinalat un moderniste connu comme tel, Angelo Roncalli, et le fit patriarche de Venise, lui donnant ainsi une possibilité directe de devenir pape. Il fit aussi de Montini, un autre moderniste reconnu, l'archevêque de Milan, et donc papabile.3

  • Dommage fait à la liturgie. En 1948, le pape Pie XII établit la Commission pour la Réforme Liturgique et nomma comme secrétaire, directement en charge de cette Comission, nul autre qu'Annibale Bugnini. Il était à l’époque un moderniste connu en liturgie. En peu de temps, ce franc-maçon produisit la réforme des rites de la semaine sainte, promulguée en 1955 par Pie XII. Elle contenait de nombreux éléments qui seront plus tard incorporés dans la nouvelle messe, également mise au point par le même Bugnini, avec l'aide de six ministres protestants. D'autres changements concernant la messe, le calendrier liturgique et le bréviaire furent réalisés en 1955, 1957 et 1958. Tous ces changements allaient dans la direction de l’utlime réforme liturgique de Paul VI.

  • L’essor du modernisme dans les séminaires romains. Les séminaires romains étaient la pépinière des futurs évêques et ces séminaires furent infectés sous le nez même de Pie XII, par du modernisme de toute sorte. Bien qu'il ne fut pas moderniste lui-même, le pape Pie XII fut cependant faible et négligent par rapport à la répression du modernisme et contribua ainsi beaucoup à la ruine présente dont nous sommes témoins.

 

En résumé, le règne de Pie XII continuait avec la force vive de l'orthodoxie et la vigueur conférées par les papes précédents. En ouvrant la porte aux modernistes dans l'épiscopat, la Curie et les séminaires, il leur laissa la main libre pour détruire le catholicisme au concile Vatican II.

Sous saint Pie X, les rats modernistes s’immergèrent dans l'eau de cale du navire catholique. Après sa mort, ils se frayèrent graduellement un chemin jusqu'aux ponts inférieurs de ce même navire, jusqu'à se précipiter finalement sur le pont supérieur sous Pie XII. Il fut peu efficace pour arrêter le mouvement, mais au contraire le favorisa beaucoup par mollesse, faiblesse et négligence. Après sa mort, avec l'accession de Jean XXIII, les rats modernistes arrivèrent désormais aux commandes : au gouvernail et à la roue. On connaît la suite.

Le plus grand acte du pape Pie XII. Bien qu'il y ait de nombreux points négatifs dans le règne de Pie XII, il entreprit cependant quelque chose de très courageux en 1954 : la canonisation de saint Pie X. Ce grand pape était perçu par les modernistes comme un oppresseur sévère. Plusieurs des modernistes qui avaient « souffert » sous saint Pie X étaient encore en vie, tel Roncalli. Ils vinrent l'un après l'autre à la congrégation responsable de la canonisation, se plaindre des « horreurs » du règne du pape Pie X. Mais Pie XII les ignora, dispensa la règle des cinquante ans pour les canonisations, et éleva courageusement le grand antimoderniste à l’honneur des autels. Cela revenait à dire : « Je ne suis pas assez fort pour arrêter le modernisme, mais vous avez maintenant un saint qui l'a fait. » Il approuva ainsi toute la campagne antimoderniste de saint Pie X, pour laquelle son pontificat a une telle renommée.

Il ne faut pas s'étonner que, lorsque questionné par un journaliste français athée à propos de saint Pie X, Jean XXIII ait répondu : « Il n'est pas saint ! »

 

Sincèrement vôtre dans le Christ,

 

Mgr. Donald Sanborn

Recteur

 

1 La Ligue pour la vertu (en anglais, National Legion of Decency) est un groupe de pression créé en 1933 par les représentants de l'Église catholique romaine aux États-Unis. Le but était de purifier les productions cinématographiques qui semblaient exercer une mauvaise influence sur la population en général et les enfants en particulier. Soutenue par le pape Pie XI, qui encourageait même d'autres pays à se doter de leur propre Ligue, la Ligue pour la vertu constituait un des groupes de pression les plus forts de l'époque. En 1934, entre 7 et 9 millions de personnes (catholiques pour la plupart, mais aussi protestants et juifs) avaient prêté serment de condamner et boycotter tout film offensant la morale chrétienne. La Ligue avait son propre système de classification de films, qui concernait autant les films produits aux États-Unis que les productions étrangères importées… (Wikipédia) [NDT]

 

2 Exception faite pour les plus virulents d'entre eux. Ainsi Congar fut interdit d'enseignement. Idem pour de Lubac et plusieurs autres. Mais ils ne furent pas obligés de se rétracter ni jamais entièrement réduits au silence. [NDT]

3 C'est-à-dire, éligible à la papauté, et ayant une chance sérieuse d’être élu Pape. [NDT]

 

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Le Problème de l’Una Cum, un Problème Ecclésiologique Majeur

Publié le par Études Antimodernistes

Le Problème de l’Una Cum, un Problème Ecclésiologique Majeur

 

Par Monseigneur (alors M l’abbé) Donald J. Sanborn.

 

Sacerdotium VI, hiver 1993.

EtudesAntimodernistes.fr, Octobre 2018.

 

[Note du traducteur : Sous ce titre nous proposons une traduction partielle, avec mises à jour, de l’article Nomen Religioni Obnoxium, écrit par l’abbé, maintenant Mgr., Donald Sanborn dans la revue Sacerdotium n° VI, hiver 1993, une réponse à un article de M. Lamoureux, sur le problème de l’una cum. Nous n’avons pas traduit les parties se rapportant à l’hérésie personnelle. Quelques changements ont été apportés au texte à la demande de l’auteur.. Les autres modifications sont des modifications d’actualité, car bien des choses ont changées dans le mouvement traditionnel depuis 1993. Mis à part les références de citations, les notes sont du traducteur. Les termes de « Novus Ordo », utilisés en langue anglaise et qui reviennent fréquemment, ont pour équivalent « moderniste » ou « conciliaire » dans le langage habituels des « traditionalistes » francophones ; mais nous avons préféré laisser ces termes tels quels car ils expriment bien le changement essentiel opéré par Vatican II en matière de doctrine, liturgie et discipline ; la création d’un nouvel ordre, d’une nouvelle religion au sein des structures apparentes de l’Église catholique.

Nous apprécions la logique et la profondeur des passages traduits qui restent toujours d’actualité, et replacent la question de l’una cum dans son véritable contexte ecclésiologique.]

 

Nomen Religioni Obnoxium.

 

Au cours des nombreuses discussions qui ont eu lieu dans les quarante dernières années au sujet de la vacance du siège papal depuis les « papes » de Vatican II, il y a toujours eu une ligne de démarcation qui apparait au Te igitur de la Messe. Il s’agit bien sûr des mots una cum qui sont le sujet de notre présente discussion. Ces deux petits mots en disent long : est-il pape ou ne l’est-il pas ?

La position du groupe de l’abbé Schmidberger [la FSSPX] est bien claire : il l’est, et si vous n’êtes pas d’accord, allez voir ailleurs. Raus mit dir ! Si je ne me trompe pas ils regardent l’omission de la mention du nom comme étant un acte schismatique. Ils maintiennent cette position malgré le fait qu’ils semblent laisser un flou dans l’ordre spéculatif ; beaucoup d’entre eux parlent d’un doute à propos de la papauté de François1. L’abbé Schmidberger a même affirmé que la Fraternité n’était pas en communion avec l’Église Conciliaire qui s’identifie avec le Novus Ordo Missae. Comment un tel refus de communion n’inclurait pas François reste mystérieux. Comment peuvent-ils être si insistants à dire qu’ils ne sont pas en communion avec les conciliaires et en même temps insister que les prêtres se déclarent en communion avec le chef des conciliaires ?

Les actions parlent plus fort que les mots et la présence dans le canon de la Messe du nom odieux est une action qui montre clairement que la fraternité est en communion avec la hiérarchie Novus Ordo.

Que faire si vous n’êtes pas en communion avec la hiérarchie conciliaire, mais que la seule Messe traditionnelle à laquelle vous puissiez assister est une Messe qui est une déclaration publique de communion avec cette hiérarchie ? Est-il licite d’assister à une telle Messe ?

Au cours de cet article, j’examinerai tout d’abord l’importance des mots una cum puisqu’il y a différentes théories comme il ressort des autres articles de la revue. Ensuite je citerai des textes de divers auteurs indiquant que la mention du pape régnant est une déclaration explicite de communion ecclésiale. De là j’examinerai les problèmes ecclésiologiques de la communion avec François, et les problèmes liturgiques qui en résultent, et enfin je tirerai des conclusions morales des principes établis. Après je répondrai aux objections.

 

 

I. La signification de l’Una Cum

 

À ma connaissance il y a trois différentes opinions pour la traduction de ces mots :

  1. La première est de comprendre una comme un adjectif modifiant Ecclesia ; ce qui donne le sens de « un avec » ou « uni avec ». Le fondement de cette opinion est le fait que le Pontife romain est le principe de l’unité de l’Église catholique comme un tout, et l’évêque local le principe d’unité d’une église particulière.

  2. La seconde est de prendre una comme un adverbe modifiant offerimus. « Nous offrons … ensemble avec etc. » La raison pour cette opinion est que la Messe est un acte d’Église, offert non seulement par un prêtre en particulier, mais par toute l’Église, au nom de laquelle le prêtre agit. Puisque le Pontife romain est la tête et le principe de l’unité de toute l’Église, il est logique que son nom soit mentionné comme celui de l’offrant principal.

  3. La troisième interprétation est de prendre les mots una cum comme un lien d’apposition avec Ecclesia, par lequel on voudrait dire essentiellement « incluant » : « que nous Vous offrons pour votre sainte Église catholique, qui inclue… »

 

Quel est le sens correct des mots una cum ? Je pense que l’analyse de M. Lamoureux est correcte, c’est-à-dire que la troisième interprétation est la vraie. Une preuve qui m’en convainc est le fait qu’au temps médiévaux, le nom du roi était souvent inséré à cet endroit, aussi bien que ceux du pape et de l’évêque, lequel nom est incompatible avec les deux premières acceptations des mots una cum, mais non avec la troisième. Car le roi n’est ni le principe d’unité de l’Église, ni d’aucune façon l’offrant principal et extraordinaire. De ce point de vue, il ne diffère pas du paysan à son prie-dieu. Il est, par contre, un membre éminent du corps mystique, comme le sont le pape et l’évêque, et, comme tel, mérite une mention spéciale à la Messe et à d’autres occasions dans la liturgie sacrée. M. Lamoureux remarque utilement que l’una cum apparaît aussi dans l’Exsultet du samedi saint où doivent être placés les noms du pape et de l’évêque local et, avant 1918, le nom de l’Empereur d’Autriche. Dans ce contexte, ces noms sont clairement présents comme ceux de membres éminents du corps mystique.

Une telle conclusion cependant ne nie pas que le Pontife romain est le principe d’unité de l’Église catholique romaine, ni que la Messe est un acte ecclésial. Au contraire, ces deux vérités doivent être affirmées, et à propos de l’Église et à propos de la Messe.

 

L’auteur écrit « Jean-Paul II » en 1993. Dans l’article, nous avons remplacé le non de « Jean-Paul II » par celui de « François ».1

 

  

 

 

 

 

II. Une Déclaration de Communion Ecclésiale

 

Prier pour quelqu’un comme pape ou comme évêque du diocèse est autre chose que de mentionner le nom de sa tante préférée, ou même celui du roi ou de l’empereur. C’est plus, bien plus, que le simple geste sympathique de prier pour quelqu’un. En fait, mentionner le nom du pape et de l’évêque – mais en particulier celui du pape – a toujours été compris par l’Église comme un signe de reconnaissance de communion avec le Pontife romain. À l’opposé, la non mention délibérée de ces noms, et particulièrement de celui du pape, a toujours été interprétée par l’Église catholique comme une déclaration de non communion avec le Pontife romain. La soumission au Pontife romain est le fondement de la relation de communion parmi les membres du corps mystique, qui est l’Église catholique. (Cf. Sacerdotium V, « Communion »). La mention du nom du pape pendant la Messe a donc toujours été acceptée comme une manière d’exprimer la reconnaissance et la soumission au Pontife régnant ; son omission a toujours été entendue comme un signe d’absence de reconnaissance et de soumission au Pontife régnant. Ainsi les schismatiques orientaux omettaient ce nom dans leurs Messes, et quand ils retournèrent à l’unité de l’Église catholique, ils firent à nouveau mention de ce nom, en omettant délibérément ceux qui étaient odieux à l’Église catholique, tel que celui du patriarche schismatique.

Je présente les textes suivants comme preuve de ce qui précède :

 

Benoit XIV

Mais quoiqu’il en soit de ce point controversé de science ecclésiastique, il est suffisant pour nous d’être capable d’affirmer que la commémoraison du Pontife romain pendant la Messe, ainsi que les prières faites pour lui pendant le Sacrifice sont considérées comme étant, et sont un signe déclaratif certain par lequel le même Pontife est reconnu comme tête de l’Église, le vicaire du Christ et le successeur de saint Pierre, et devient une profession d’un esprit et d’une volonté adhérents fermement à l’unité catholique ; comme Christianus Lupus indique correctement, en écrivant sur les conciles (Tome 4 ; Edition Bruxelles ; p. 422) : Cette commémoraison est la plus haute et la plus honorable forme de communion. Cela n’est pas moins prouvé par l’autorité de Yves de Flavigny dans la Chronique p. 228, où on lit : Qu’il sache qu’il se sépare lui-même de la communion de tout le monde, celui qui ne fait pas mention du nom du pape dans le Canon, en raison de n’importe quelle dissension ; ou encore par l’autorité du très célèbre Alcuin, qui, dans son livre De Divinis Officiis (chap. 12) écrit ce qui suit : Il est certain, comme le bienheureux Pélage enseigne, que ceux qui en raison de n’importe quelle dissension, n’observe pas la coutume de mentionner le nom du Pontife apostolique dans les mystères sacrés, sont séparés de la communion de tout le monde. Ce fait est encore prouvé par la sentence plus importante du Pontife suprême Pélage II, qui occupait le trône apostolique au sixième siècle de l’Église, et qui dans une lettre gardée dans la Labbeana Collectio Conciliorum (Tome 5 ; col 794 et suiv. et col 810) a laissé ceci par écrit concernant ce qui nous préoccupe : Je suis profondément stupéfait de votre séparation d’avec toute l’Église, et je ne peux pas la tolérer ; car – lorsque le bienheureux Augustin se souvenant des mots de Notre Seigneur qui placent le fondement de l’Église dans les sièges apostoliques, dit que celui qui se sépare lui-même de l’autorité ou de la communion de ceux qui président aux mêmes sièges, et qui ne professe pas publiquement qu’il n’y a pas d’autre Église que celle qui est établie dans les racines pontificales des sièges apostoliques, est en schisme – comment ne pouvez-vous pas estimer vous-mêmes être coupés de la communion de tout le monde, si vous omettez la mention de mon nom dans les mystères sacrés, comme telle est la coutume en celui en qui, bien qu’indigne, vous voyez la fermeté du siège apostolique par la succession de l’épiscopat ?1 

Ce texte montre clairement que mentionner le nom du pape régnant n’est pas un simple geste amical, mais plutôt un test de communion avec l’Église catholique romaine, et que ne pas le mentionner est un signe certain de schisme envers l’unique et vraie Église.

 

R.P. Pierre Le Brun

UNA CUM FAMULO TUO… avec notre Pape N. votre serviteur. Saint Paul nous recommande de prier pour nos pasteurs. Nous nommons en particulier et en premier lieu l’évêque du premier siège, qu’on appelle seul par honneur et par distinction le saint Père, notre Pape, c’est-à-dire notre Père. Il est bien juste qu’en priant pour l’unité de l’Église, on prie pour celui qui est le centre de la communion, qui préside à cette Église, dit saint Iréné, avec laquelle il faut que toute autre Église convienne. Il préside comme vicaire de Jésus-Christ, comme le successeur de saint Pierre, sur lequel l’Église a été établie.2

ET ANTISTE NOSTRO N… et notre prélat N. Après le pape on nomme l’évêque qui gouverne le diocèse où l’on est. Car comme le successeur de saint Pierre est le centre de l’unité de toutes les Églises du monde, l’évêque est le centre d’unité de tout son troupeau, qui avec lui forme une église, comme dit saint Cyprien. Cette union des fidèles avec l’Évêque fait une église particulière, comme l’union de tous les fidèles et de tous les évêques entre eux fait l’Église universelle ainsi que le dit encore le même saint Docteur.3

 

Dom Ernest Graf, O.S.B.

Notons en premier lieu que le prêtre parle au pluriel. Comme le Sacrifice de la Croix, le Sacrifice Eucharistique est un sacrifice universel. La Messe est l’acte de l’Église, accompli au nom de l’Église – c’est-à-dire, pour les pasteurs et les brebis et les agneaux confiés à leurs soins. Ainsi nous faisons mention explicite du pape, le pasteur universel, de l’évêque diocésain, et finalement de tous ceux qui professent la foi catholique et apostolique.4

 

R.P. William J. O’Shea, S.S., D.D.

Il existe un représentant officiel qui symbolise et représente l’unité de l’Église dans chaque diocèse, et qui a été placé là par le Saint-Esprit pour gouverner l’Église de Dieu : à savoir l’évêque. À l’origine seul l’évêque local était mentionné : papa signifiait autrefois n’importe quel évêque, mais fut plus tard restreint au pape seul. En dehors de Rome, les mots et antistite nostro N. furent ajoutés pour éviter la confusion ; notre Canon prie maintenant pour le symbole et centre de l’unité dans l’Église à la fois au sens large et dans chaque diocèse en particulier. Et omnibus… fidei cultoribus est un ancien ajout qui réfère non aux fidèles mais aux autres évêques à travers le monde qui sont vraiment des cultores fidei : gardien de la foi catholique, apostolique et orthodoxe. La foi est désignée par ses anciens titres : elle est catholique, pour le monde entier ; apostolique, venant d’eux [des apôtres] et reposant sur leur enseignement ; orthodoxe, la vraie foi.5

 

R.P. Lucius Ferraris O.F.M.

Primo sacerdos offert sacrificium pro Ecclesia, deinde pro Pontifice speciatim ex antiquissima Ecclesiarum consuetudine, ad significandum Ecclesiæ unitatem, membrorumque cum capite communionem.6

Tout d’abord le prêtre offre le sacrifice pour l’Église, ensuite en particulier pour le Pontife de par une très ancienne coutume de l’Église, pour signifier l’unité de l’Église, et la communion des membres avec la tête.

 

Tous les auteurs parlent de façon similaire. Il est donc vrai de dire que la mention du nom du pape régnant est une déclaration de communion ecclésiale avec lui en tant que tête de l’Église catholique, et non simplement en tant que simple catholique.

 

1Benoit XIV, De Sacrosancto Missæ Sacrificio Appendix XVI ad Lib. II, §12.

2PIERRE LE BRUN, R.P. Explication littérale, historique et dogmatique des prières et des cérémonies de la messe I, (Paris : Chez la Veuve Delnaulne, 1726) pp. 409-410.

3Ibid. pp. 411-412.

4Dom Ernest Graf, O.S.B., The Priest at the Altar, (New York: Joseph F. Wagner, 1926) p. 181.

5William J.O’Shea, S.S., D.D., The Worship of the Church (Westminster, Maryland : The Newman Press, 1958) p. 393.

Ab. LUCIUS FERRARIS, O.F.M., Bibliotheca Canonica etc. (Romae: ex Typographia Polyglotta, 1886), II, p. 50 6

 

  

 

 

 

 

III. Un Cauchemar Ecclésiologique

 

La question évidente qui se pose maintenant est la suivante : Est-il licite de se déclarer en communion avec François comme tête de l’Église catholique romaine ? Je réponds non, haut et clair, puisqu’une telle action est une reconnaissance explicite de la nouvelle religion comme la foi catholique, et de la hiérarchie moderniste comme la hiérarchie de l’Église catholique. Car Ubi Petrus, ibi Ecclesia (Où est Pierre, là est l’Église). La notion du pape et celle de l’Église sont intrinsèquement inséparable, et être uni à l’un, c’est être uni à l’autre ; être séparé de l’un, c’est être séparé de l’autre.

Affirmer, cependant, que la nouvelle religion est la foi catholique, et que la hiérarchie issue de Vatican II est la hiérarchie de l’Église catholique c’est affirmer implicitement que Vatican II, avec ces hérésies sur la liberté religieuse, l’œcuménisme et l’Église, est l’enseignement du magistère ordinaire de l’Église catholique (déclaré comme tel par Paul VI), que la nouvelle Messe et les nouveaux sacrements sont catholiques et acceptables sans péché, que le code de droit canon de 1983 est un document catholique libre de toute hérésie et de tout péché.

Ainsi mentionner le nom de François au canon de la Messe c’est approuver la réforme de Vatican II dans son ensemble comme catholique et accepter toute la hiérarchie issue de Vatican II comme la hiérarchie catholique. C’est déclarer que la nouvelle religion est un moyen de salut, et que tout catholique peut parfaitement l’accepter en bonne conscience, et qui plus est, doit l’accepter sous peine de grave désobéissance et même de schisme. Ce fait devient évident quand nous entendons le reste de l’axiome ecclésiologique bien connu de saint Ambroise : Ubi Petrus, ibi Ecclesia : ubi Ecclesia, ibi nulla mors, sed vita æterna.1 (Où est Pierre, là est l’Église : où est l’Église, là n’est nulle mort, mais la vie éternelle). Si donc, François est le pape, alors il est la tête de l’Église catholique romaine et la hiérarchie avec laquelle il est en communion est la hiérarchie catholique. Il s’en suivrait alors que le magistère ordinaire de cette hiérarchie (par exemple, Vatican II) est infaillible, ses rites et sacrements sont à la fois valides et catholiques et donc entièrement acceptables et que ses lois universelles (par exemple, le code de droit canon de 1983) ne prescrivent rien de peccamineux. Car là où est l’Église, il y a la vie éternelle, et le catholique n’a pas besoin de troubler sa conscience à propos des doctrines, rites, sacrements et pratiques de cette hiérarchie.

J’accepterai plutôt la mort que d’admettre ces choses à propos de la hiérarchie de François.

Mais ce nom odieux dans le canon est une admission implicite de la légitimité de la réforme et de la nouvelle hiérarchie ; c’est tout comme le tout petit grain d’encens offert à l’empereur. Il n’est donc pas licite de mentionner le nom de François dans le canon.

La FSSPX et en général les R&R2 essaient d’éviter le problème ecclésiologique que cause la mention de ce nom en énonçant l’impossible ecclésiologie à laquelle ils adhèrent. Ils reconnaissent François comme pape et son église comme l’Église catholique et sa hiérarchie comme la hiérarchie catholique, mais disent en même temps que les fidèles doivent trier les actes de la hiérarchie pour distinguer ce qui est catholique et ce qui ne l’est pas3. Cette théorie enlève à l’Église son rôle essentiel de mère et de maîtresse infaillible de la race humaine et place cette dignité chez le « trieur », par exemple Menzingen. Elle sépare les trois choses que saint Ambroise avait si convenablement jointes ensemble : le pape, l’Église et la vie éternelle. Si les doctrines, lois et sacrements du pape et de l’Église doivent être triés, de peur que rien de non catholique, peccamineux ou empoisonné ne soit donné aux fidèles, alors la vie éternelle n’est pas intimement liée à l’Église. Si l’Église a besoin d’un trieur, alors pourquoi avoir l’Église ? A quoi sert-elle ? Le but de l’Église est d’amener les hommes infailliblement à la fin ultime surnaturelle de la vie éternelle. Elle accomplit cela par ses trois fonctions essentielles d’enseignement, de gouvernement et de sanctification. Sa doctrine est l’effet de son acte d’enseignement ; ses lois sont l’effet de son acte de gouvernement ; et la vie éternelle est l’effet de son acte de sanctification, au moyen des sacrements et du Saint Sacrifice de la Messe. Si l’Église peut errer dans ces domaines, si bien que quelqu’un doive faire le tri, alors elle peut errer dans sa mission essentielle, à savoir : mener les hommes au salut éternel. Mais si elle pouvait errer dans cette mission, c’est-à-dire, si nous pouvions aller en enfer en la suivant et en croyant en elle, alors quelle serait sa raison d’être ?

C’est pourquoi saint Ambroise a joint la vie éternelle au pape et à l’Église, puisqu’ils sont inexorablement liés ensemble dans la constitution divine de l’Église catholique. Le prêtre qui dit la Messe traditionnelle au mépris des ordres de François et du supérieur local du Novus Ordo agit ainsi parce que la nouvelle messe et les nouveaux sacrements sont mauvais, les nouvelles doctrines sont erronées et les nouvelles pratiques promulguées par la hiérarchie Novus Ordo sont peccamineuses. Il doit nécessairement conclure qu’elles ne procèdent pas de l’Église, puisque la doctrine et les pratiques universelles de l’Église ne peuvent pas être mauvaises, erronées ou peccamineuses. De cela il doit conclure que François ne peut pas être pape, car s’il l’était, l’Église serait l’auteur de doctrines et pratiques mauvaises, erronées et peccamineuses. Mais cela est de fide (de foi) impossible. Ergo.

Pape, Église et vie éternelle sont trois entités inséparables ; lorsque l’une est enlevée les autres disparaissent.

 

[...]

 

1Enarratio in Ps. XL, n° 30.

2R&R = ceux qui Reconnaissent mais Résistent au « pape ».

[Note du traducteur: Un bon exemple de ce trie est le choix fait parmi les saints d’après Vatican II. Certaines canonisations posent problème aux R&R, et pour cause. Face à cette difficulté les R&R décident eux-mêmes qui est vraiment canonisé et qui ne l’est pas ! À ce sujet, cf. les conférences 5 et 6 sur le magistère de l’Eglise sur EtudesAntimodernistes.fr] 3

 

  

 

 

 

 

IV. In Persona Ecclesiæ

 

Dans mon article « Communion » (Sacerdotium V), j’ai parlé du problème des prêtres validement ordonnés célébrant des Messes liturgiquement catholiques mais en dehors de l’Église catholique. C’est le cas des schismatiques grecs, des vieux catholiques (valides en certains cas), et même des anglicans de la High Church qui se sont faits validement ordonnés d’une façon ou d’une autre.

J’ai remarqué, en citant des autorités en la matière, que pour la validité, il est nécessaire que le ministre agisse in persona Christi à l’autel, mais que pour la catholicité de la Messe, il doit en même temps agir in persona Ecclesiæ. Saint Thomas d’Aquin explique la distinction :

Et parce que la consécration de l’Eucharistie est un acte qui découle du pouvoir d’ordre, ceux qui sont séparés de l’Église par l’hérésie, le schisme ou l’excommunication, peuvent cependant consacrer l’Eucharistie, qui, lorsque consacrée par eux contient vraiment le corps et le sang du Christ : cependant ils ne font pas cela honnêtement, mais ils pèchent en le faisant. Et ainsi ils n’obtiennent pas le fruit du sacrifice, qui est le sacrifice spirituel.

Le prêtre à la Messe parle dans les prières au nom de l’Église en l’unité de laquelle il demeure. Mais pendant la consécration du sacrement, il parle au nom du Christ dont il tient la place par le pouvoir d’ordre. Et ainsi donc, si un prêtre séparé de l’unité de l’Église célèbre la Messe, parce qu’il n’est pas dépourvu du pouvoir d’ordre, il consacre vraiment le corps et le sang du Christ : mais parce qu’il est séparé de l’unité de l’Église, ses prières n’ont pas d’efficacité.1

Certains saints et papes ont des paroles plus fortes encore à propos des Messes schismatiques :

Pape Pélage Ier : Un seul corps du Christ montre qu’il n’y a qu’une Église. Un autel divisé de l’unité [de l’Église] ne peut pas apporter la vérité du corps du Christ.2

Saint Cyprien : « Les schismatiques osent établir un autel et profaner la vérité de la divine victime par des faux sacrifices3. » Saint Cyprien voulait aussi que les prêtres schismatiques revenant à l’unité fussent réduits à l’état laïc, parlant d’eux comme ceux qui « ont essayé d’offrir à l’extérieur des sacrifices faux et sacrilèges contre l’autel unique et divin. » (contra altare unum sacrificia foris falsa et sacrilegia offere conati sunt) 4.

Saint Augustin : En dehors de l’Église catholique, il n’y a pas de place pour un vrai sacrifice.5

Saint Léon le Grand : Autrement [c’est-à-dire, en dehors de l’Église], il n’y a ni prêtres ratifiés ni vrais sacrifices.6

Saint Jérôme : Dieu hait leur sacrifices [des hérétiques] et les repoussent loin de Lui ; et lorsqu’ils se rassemblent au nom du Seigneur, Il abhorre leur puanteur et se bouche le nez…7

Le R.P. Cappello explique clairement cette distinction :

Les prêtres séparés, bien qu’ils sacrifient validement au nom du Christ, n’offrent cependant pas le sacrifice comme des ministres de l’Église, en la personne de cette même Église. Le prêtre doit par délégation de l’Église prier en son nom, intercéder et offrir, et, en cela, l’Église peut priver un prêtre séparé de sacrifier en son nom.8

De ces textes, il est clair que pour la catholicité de la Messe, il n’est pas seulement suffisant d’avoir une Messe valide, mais un autre facteur important est nécessaire : le fait que le prêtre agisse in persona Ecclesiæ, c’est-à-dire, qu’il soit commissionné par l’Église pour prier en son nom.

Ce facteur crée un terrible problème pour la Messe traditionnelle una cum. Si le prêtre dit que François est le pape et qu’il est en communion avec lui, il dit nécessairement que la religion promulguée par François et ses prédécesseurs est la religion de l’Église catholique romaine. Pour que la Messe que le prêtre célèbre mérite le nom de Messe catholique, il est nécessaire que le prêtre soit commissionné par François pour dire la Messe in persona Ecclesiæ. Sans cette mission, – sans cette autorisation de la part de celui qui a la charge de tout le troupeau du Christ, de la part de celui qui a reçu la mission du Christ d’enseigner, gouverner et sanctifier, – la Messe devient une Messe non catholique. Le prêtre catholique doit agir comme le délégué de son évêque, qui a la charge du troupeau diocésain, qui à son tour doit agir comme un délégué du pape qui a la charge de tout le troupeau. Le pape à son tour doit agir comme un agent du Christ de qui il est le vicaire. C’est la constitution même de l’Église catholique ; c’est le lien étroit de délégation et d’autorité qui fait l’Église catholique. Si le prêtre, donc, agit sans l’autorisation de l’évêque diocésain, il agit alors sans l’autorisation du pape et sa Messe et ses sacrements sont séparés à la fois du Christ et de son Église. Sa Messe n’est pas catholique, ni ses sacrements, car il n’agit pas in persona Ecclesiæ.

Comment le prêtre traditionnel agit-il aujourd’hui in persona Ecclesiæ, alors qu’il n’y a pas d’autorité pour lui permettre de dire la Messe ?

Il le fait en accomplissant la mission de l’Église qui est de sauver les âmes. Ainsi il est parfaitement légitime et nécessaire pour les prêtres de dire la Messe, de prêcher et de distribuer les sacrements puisqu’ils sont autorisés par l’Église à le faire en vertu du principe d’épikie. Ce principe, cependant, ne peut pas être invoqué si le supérieur est présent ; personne ne peut invoquer le principe d’épikie contre un supérieur présent, agissant et gouvernant. Cela n’a pas de sens puisque l’épikie est par essence une estimation de l’esprit du législateur en son absence.9

Mais la Messe una cum reconnaît un législateur à Rome et son représentant personnel dans la chancellerie locale, et détruit donc toute justification morale de l’apostolat extraordinaire accompli par les prêtres traditionnels.

Ainsi la Messe una cum finit par être une Messe objectivement schismatique, peu importe comment vous la comprenez :

  • Si, par impossible, François était le pape, la Messe traditionnelle non autorisée (par un indult) serait schismatique, puisqu’elle n’est pas dite in persona Ecclesiæ.

  • Si François n’est pas le pape, alors la Messe una cum est schismatique puisqu’elle est dite en union avec, et sous les auspices de quelqu’un qui n’est pas le pape.

Dans les deux cas, le prêtre ne peut pas la dire.

 

La seule situation dans laquelle il est licite d’exercer un apostolat extensif, habituel, « non autorisé » est dans un cas semblable au nôtre où il y a une absence prolongée de l’autorité. L’autorisation pour prêcher, dire la Messe et administrer les sacrements, serait alors présente per modum actus (pour chaque acte, de façon transitoire), c’est-à-dire dans les actes eux-mêmes pris en particulier, et ne serait pas une autorité habituelle. […]

La FSSPX fut un temps excommuniée par la personne qu’elle reconnaissait être le vicaire du Christ sur terre. Ses membres ne pouvaient pas alors invoquer contre son autorité supposée la véritable autorité de l’Église (Ecclesia supplet), puisqu’il possédait alors la plénitude de l’autorité de l’Église, selon eux. Agir ainsi est schismatique…

 

1IIIa q.28, a. 7, corpus & ad 3um.

2Ep. Ad Joan. Patr., PL69, 412.

3De Unitate Ecclesiæ, c.17. PL 4, 513.

4Ep. 72, c. 2. PL 3, 1048-1049.

5Cf. PROSPERUM AQUINATUM, Sent., sent. 15, PL 51, 430.

6Ep. LXXX Ad Anatolium, cap. 2

7In Amos, V : 22, PL 25, 1033-1034.

8CAPPELLO, Felix, M., S.I., Tractatus Canonico-moralis de Sacramentis, (Turin : Marietti, 1962) I, p. 462.

I, n° 231 ff. q. v.Manuale Theologiæ Moralis » Prümmer, Epikeia non potest licite adhiberi : (a) Si superior, qui dispensationeme legis concedere valet, facili adire queat.« 9

 

  

 

 

 

 

 

V. Conclusions d’Ordre Spéculatif

 

Les conclusions spéculatives de ce qui précèdent sont les suivantes :

 

  • Les mots una cum constituent une déclaration de communion ecclésiale avec le Pontife romain régnant et l’évêque diocésain local.

  • Cette déclaration de communion est particulièrement significative, puisque le Pontife romain est le principe d’unité de toute l’Église catholique romaine, et l’évêque local, de manière subordonnée, le principe d’unité de l’église particulière ou diocèse.

  • Parce que le Pontife romain et l’évêque local sont le principe d’unité de l’Église, la mention de leur noms dans le canon est une déclaration ecclésiologique, à savoir que l’Ecclesia dont ils sont la tête n’est autre que l’Église catholique romaine.

  • Du principe Extra Ecclesiam Nulla Salus, il s’ensuit que l’union avec le Pontife romain et à l’évêque local et la soumission à leur égard, constituent une condition sine qua non du salut éternel.

  • Des principes d’indéfectibilité de l’Église catholique romaine et de l’infaillibilité de son magistère ordinaire et de ses lois universelles, il s’ensuit que le magistère ordinaire du Pontife romain est libre de toute erreur et que les lois universelles qu’il promulgue ne peuvent rien prescrire de peccamineux.

  • Du principe que le Saint Sacrifice de la Messe est par nature un acte ecclésial, c’est-à-dire, un acte de toute l’Église, il s’ensuit que pour mériter le nom de « Messe catholique », il doit être offert in persona Ecclesiæ, c’est-à-dire, que le prêtre doit être autorisé par l’Église pour sacrifier en son nom.

  • Cette autorisation doit être obtenue de la hiérarchie de l’Église catholique dûment constituée, c’est-à-dire, le pape et l’évêque local. Ces derniers ont le pouvoir de retirer cette autorisation à un prêtre, auquel cas, s’il célébrait la Messe, il ne l’offrirait pas in persona Ecclesiæ.

  • Le principe d’Ecclesia supplet par lequel un prêtre obtient l’autorisation d’agir au nom de l’Église (in persona Ecclesiæ) dans des circonstances extraordinaires ne peut pas être invoqué contre l’autorité qui l’accorde. Ce serait une absurdité.

  • L’autorisation de l’Église ne peut pas non plus être présumée par le principe d’épikie si l’autorité de l’Église est présente et agit, puisque l’épikie présume l’absence de l’autorité. Ainsi le principe d’épikie ne peut pas être invoqué contre l’autorité présente et gouvernante. Cela serait aussi une absurdité et conduirait à l’anarchie de n’importe quelle institution.

 

Maintenant, appliquons ces principes à François comme pape ; en d’autres termes, SI FRANÇOIS EST PAPE, alors :

  • La hiérarchie dont il est la tête est la hiérarchie de l’Église catholique.

  • Les enseignements dogmatiques et moraux de Vatican II, déclarés par « Paul VI » comme étant magistère ordinaire, demande l’assentiment de la foi (cf. Vatican I), et les réformes de Vatican II, bien que peut-être pas idéales, sont catholiques et non peccamineuses.

  • Seuls les prêtres autorisés par François (et l’ordinaire du lieu en communion avec lui) disent des Messes qui sont des Messes catholiques.

  • Les Messes célébrées par des prêtres non autorisés par François et l’ordinaire du lieu ne sont pas des Messes catholiques, puisqu’elles ne sont pas offertes in persona Ecclesiæ. Ce sont au contraire des Messes schismatiques, et méritent les condamnations sévères des papes et des Pères mentionnées dans cet article.

 

Et maintenant, appliquons ces principes à François, comme non pape ; en d’autres termes, SI FRANÇOIS N’EST PAS PAPE, alors :

  • La hiérarchie dont il est la tête n’est pas formellement la hiérarchie de l’Église catholique.

  • Ni Vatican II ni ses réformes ne méritent assentiment de foi ou obéissance, mais doivent au contraire être rejetés et ignorés des catholiques. [...]

  • Les prêtres catholiques peuvent de bon droit invoquer les principes d’Ecclesia supplet et d’épikie, comme une autorisation raisonnable de leurs apostolats, à cause de l’absence d’autorité, et ainsi affirmer de bon droit que leurs Messes et sacrements sont autorisés par l’Église catholique et sont in persona Ecclesiæ.

 

 

VI. Conclusions d’Ordre Moral :

 

Les conclusions morales suivantes se déduisent de ce qui vient d’être dit :

 

Si François était le pape :

  • La seule Messe traditionnelle à laquelle on pourrait licitement assister serait une Messe autorisée par lui, à savoir une Messe célébrée avec l’Indult, par exemple une Messe de la fraternité saint Pierre.

  • Ce serait un péché grave que d’assister à une Messe non autorisée par lui, par exemple la Messe d’un prêtre de la fraternité saint Pie X, ou celle d’un prêtre non una cum, puisque ce seraient des Messes schismatiques. Leurs confessions et mariages seraient invalides.1

 

Si François n’est pas le pape : Il serait objectivement gravement illicite d’assister à une Messe qui est una cum famulo tuo Papa nostro Francisco, parce que :

  • ce serait une déclaration explicite d’union avec une fausse hiérarchie et une fausse religion (Ubi Petrus, ibi Ecclesia) ;

  • et, ce serait une participation active à une Messe qui n’est pas offerte in persona Ecclesiæ, à une Messe objectivement schismatique.


 

VII. Une Zone de Pénombre Ecclésiologique : ni oui, ni non !

 

La position de la FSSPX [et en général, des groupes R&R (Reconnaître et Résister)], est étrange en ce sens : d’un côté, ils insistent que François est le pape, mais d’un autre côté ils mettent en œuvre un apostolat étendu, incluant la consécration d’évêques, au mépris de sa condamnation, comme s’il n’existait pas.

Cela les place dans une position ecclésiologique condamnable quoiqu’ils fassent. Car si l’on regarde François comme étant le pape, alors leur apostolat est évidemment inacceptable, pour les raisons mentionnées ci-dessus, parce qu’ils n’agiraient pas in persona Ecclesiæ. D’un autre côté, si l’on dit que François n’est pas le pape, alors leur apostolat est de même inacceptable puisqu’il implique une adhésion à une fausse religion, ainsi que l’assistance à des Messes qui ne sont pas offertes in persona Ecclesiæ.

Ils se situent donc dans une zone de pénombre ecclésiologique, « ni-oui-ni-non », qui devrait [et même aurait du] être résolue un jour. Les discussions à propos de leurs prétentions à la juridiction sont un symptôme de l’impossible ecclésiologie qu’ils prônent.

Il ne faut pas oublier que la FSSPX attend toujours une insertion dans le troupeau de « l’Église » ; elle attend toujours son autel latéral dans la cathédrale moderniste. Cela fut dit clairement en 1988, à savoir que les négociations avec « Rome » continueraient, et que peut-être dans cinq ans tout serait fini.2

Ce désir d’être reconnu par Jean-Paul II, à l’époque, et par François, maintenant, est un point important à retenir, car il signifie que le groupe de l’abbé Schmidberger [la FSSPX] appartient in voto explicito à la religion promue par François, et leurs Messes una cum sont une expression de ce désir. [...]

 

1Sauf depuis quelques années pour la FSSPX, en général pour les confessions et en certains cas particuliers pour les mariages.

Cf. Mgr. Lefebvre juste après les sacres : « Dans cinq ans tout sera fini. »2

 

 

  

 

 

 

VIII. Réponses aux Objections

 

Objection I. Le prêtre qui est una cum est en bonne conscience, et veut pas faire partie d’une chose qui n’est pas catholique. Donc il n’est pas formellement schismatique. Donc sa Messe n’est pas schismatique.

Réponse. Que la plupart des prêtres qui sont una cum soient en bonne conscience, je concède. Que donc ils ne sont pas formellement schismatiques, je concède. Que donc leur Messe n’est pas schismatique, je nie. La Messe est un acte ecclésial, et cette qualité, cette catholicité, ne dépend pas de la formalité ou la matérialité du schisme du prêtre. La conscience bonne ou mauvaise du prêtre n’affecte en aucun cas l’objet de l’acte qu’est la déclaration una cum, qui est une déclaration de communion avec François en tant que pape, et qui en même temps place cette Messe sous les auspices d’une hiérarchie qui n’est pas celle de l’Église catholique. Par inadvertance, un prêtre peut jeter une hostie consacrée dans la poubelle de la sacristie. Les personnes présentes autour de lui qui savent que l’hostie est consacrée ne peuvent pas participer ou consentir à cet acte du prêtre, même si le prêtre a agi en bonne conscience. Tout le monde sait que la moralité objective d’un acte ne provient pas de l’intention de l’agent, mais de l’objet en lui-même. [...]

Objection III. Mentionner le nom de François au canon de la Messe est un mal, certes, mais il peut être toléré pour ne pas priver un grand nombre de personnes des sacrements.

Réponse. Un mal peut seulement être toléré si sa tolérance n’implique pas la commission d’un acte intrinsèquement mauvais. Mais mentionner le nom de François est intrinsèquement mauvais, car comme je l’ai dit il implique une identification de la foi catholique avec la doctrine et la religion moderniste. Le mentionner est objectivement, réellement, et véritablement in odium religionis (en haine de la religion). C’est un nomen religioni obnoxium (c’est un nom honni de la religion). Puisqu’il est mentionné en tant que pape, cela implique une identification de la religion à laquelle vous appartenez1. Cependant, c’est un acte intrinsèquement mauvais que de déclarer adhérer à une autre religion que la religion catholique et que de se soumettre à une hiérarchie qui n’est pas formellement la hiérarchie catholique. Je réalise d’un autre côté que ce que je dis présente des conséquences terribles pour beaucoup s’ils l’acceptent. Je ne vois pas cependant comment le Te igitur de la Messe ne serait pas effectivement un véritable champ de bataille ecclésiologique où une profession de foi doit être faite. La raison pour laquelle il y a eu une si grande prolifération de Messes una cum est parce que Mgr. Lefebvre a toujours cherché à obtenir la Messe traditionnelle sous les auspices de la hiérarchie moderniste. C’est en 1976 seulement, lorsqu’il déclara que l’Église de Vatican II était une église schismatique, qu’il s’écarta publiquement de cette idée. Mais même après cela, il continua à chercher une reconnaissance de la fraternité par cette église schismatique. Si Mgr. Lefebvre avait été ferme au sujet de l’Église comme il le fut au sujet de la Messe, presque aucun prêtre traditionaliste ne serait aujourd’hui una cum. On ne peut avoir la Messe catholique de façon schismatique, mais c’est exactement ce que la fraternité essaie d’avoir. Les catholiques doivent rejeter la hiérarchie moderniste comme ils rejettent la nouvelle Messe. Non faciamus mala ut eveniant bona. (Ne faisons pas le mal pour que le bien s’ensuive.)

 

Objection IV. Les laïcs peuvent assister à la Messe una cum sans nécessairement consentir aux mots una cum.

Réponse. La participation active au culte est un consentement au culte, et on présume que la personne participant activement participe à tout ce qui fait partie du culte. Le nom de François dans la Messe est exactement la même chose que la présence de François, comme pape, dans le sanctuaire. C’est un signe, une déclaration de communion ecclésiale. Un tel signe extérieur et public mérite une désapprobation extérieure et publique ; une participation extérieure équivaut à un consentement extérieur. De plus, le nom de François comme pape, comme principe d’unité de l’Église, place l’acte de culte entier (= toute la Messe) dans une catégorie schismatique, et non pas seulement ces quelques mots, puisqu’il place l’acte de culte tout entier extra Ecclesiam (en dehors de l’Église). Or, Extra Ecclesiam Nulla Salus. (En dehors de l’Église, point de salut.)


 

Conclusion

 

Il est donc évident que mentionner le nom de François au canon (1) est une déclaration explicite de communion ecclésiale avec une fausse hiérarchie ; (2) est une déclaration explicite de l’identité de la religion catholique romaine (doctrine, discipline, liturgie) avec la religion moderniste, car Ubi Petrus, Ibi Ecclesia, et (3) cause des problèmes intrinsèques et insolubles, – cauchemars théologiques, – aux prêtres traditionalistes, puisque cela place cette Messe extra Ecclesiam (en dehors de l’Église) et en fait un acte schismatique, puisque le prêtre érige autel contre autel.

La seule alternative logique pour quelqu’un qui reconnaît François comme pape est d’aller à la fraternité saint Pierre ou de dire une Messe avec indult, ou alors d’obtenir la réconciliation entre Rome et Menzingen.

 

Puisque les mots una cum sont une déclaration de communion, les affirmations suivantes sont établies :

  • Dire la Messe una cum revient à avoir François présent dans le sanctuaire pendant la Messe et à reconnaître sa papauté par des signes extérieurs, tels que des encensements, des génuflexions, etc. Bien sûr il faudrait lui donner la communion puisque si le pape n’était pas membre de l’Église catholique, qui le serait ? Ubi Petrus, ibi Ecclesia.

  • Dire la Messe una cum revient à chanter l’Oremus pro Pontifice nostro Francisco. Dominus conservet eum et vivificet eum, et beatum faciat eum in terra, et non tradat eum in animam inimicorum eius.

  • Dire la Messe una cum revient à identifier François et l’évêque moderniste du lieu avec omnibus orthodoxis, atque catholicæ et apostolicæ fidei cultoribus (avec tous ceux qui font profession de la foi orthodoxe, catholique et apostolique). Cela est absurde. C’est un mensonge. Mentir au Canon du Saint Sacrifice de la Messe ne peut pas plaire à Dieu.

 

Et s’ils sont les gardiens orthodoxes de la foi catholique et apostolique, alors, je vous en suplie au nom de Dieu, soyons avec eux, et non contre eux. Mais s’ils ne sont pas les gardiens orthodoxes de la foi catholique et apostolique, alors, je vous en supplie au nom de Dieu, soyons contre eux, et non avec eux.


 

 

UBI PETRUS, IBI ECCLESIA :

UBI ECCLESIA, IBI NULLA MORS, SED VITA ÆTERNA.

 


 

Dans une Messe una cum, le prêtre et tous ceux qui y assistent professent publiquement, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils adhèrent à la doctrine enseignée par François. Ils adhèrent à Vatican II, au magistère ordinaire de François, aux nouvelles lois universelles (comme le code de droit canon de 1983) et à la nouvelle liturgie. 1

 

  

 

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MHTS Newsletter - Juillet 2018

Publié le par Études Antimodernistes

Par Mgr Donald J. Sanborn.

 

Most Holy Trinity Seminary Newsletter, Juillet 2018.

EtudesAntimodernistes.fr,  Juillet 2018.

MHTS Newsletter - Juillet 2018

[Vatican II enseigne-t-il l’hérésie?]

 

Mgr Bernard Fellay

 

Bien chers fidèles,

 

    Bien qu’il y a deux mois je pensais que l’on aurait une pauvre année, finalement nous aurons beaucoup de séminaristes cette année. Au moment où j’écris ce bulletin, nous attendons six nouveaux séminaristes, deux du Nigéria, et quatre des Etats-Unis. Je suis heureux de voir des séminaristes américains, puisque l’apostolat qui attend ces jeunes hommes sera en Amérique, ou du moins en pays de langue anglaise.

 

    Interview de Mgr Fellay. Mgr Fellay, qui a été, jusque récemment, le supérieur de la Fraternité Saint Pie X pendant vingt-quatre ans, donna une interview au Tagespost lors de laquelle il a dit certaines choses qui méritent notre attention.

    La première de ces choses est la suivante: « Nous n’avons jamais dit que le Concile enseigna directement des hérésies. Mais il retira le mur de protection contre l’erreur, et permit en cela à l’erreur de se montrer. »

    Est-ce là une affirmation correcte? Vatican II a-t-il simplement exposé l’Eglise à l’erreur? Ou bien contenait-il en fait des hérésies? Réponse: Il contenait des hérésies.

 

    Première hérésie de Vatican II: l’oecuménisme. Le document Unitatis Redintegratio, ou Décret sur l’Oecuménisme, contient une hérésie flagrante contre le dogme catholique qui enseigne que hors de l’Eglise il n’y pas de salut. Le Concile affirme:

 

En conséquence, ces Églises et communautés séparées, bien que nous croyions qu’elles souffrent de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut, dont la vertu dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique. [Unitatis Redintegratio, n. 3][Formatage ajouté].

 

    L’Eglise catholique enseigne comme un dogme — qui fut appelé « dogme parfaitement connu » par Pie IX — qu’il n’y a pas de salut hors de l’Eglise. Le Concile affirme la proposition exactement contradictoire au dogme catholique, à savoir qu’il y a un salut hors de l’Eglise catholique, que ces religions non-catholiques peuvent procurer le salut à leurs adhérents, et sont en effet le moyen par lequel ceux-ci sont sauvés. C’est une hérésie.

 

    Deuxième hérésie de Vatican II: la liberté religieuse. L’Eglise catholique, qui professe être la vraie et unique Eglise fondée par Jésus-Christ, et en dehors de laquelle il n’y a pas de salut, comprend la liberté religieuse comme étant la liberté de l’Eglise catholique d’accomplir sa mission dans le monde entier, de s’établir partout, et de fonctionner librement comme une entité distincte de l’Etat. Elle revendique aussi la liberté de ses adhérents de professer et d’exercer leur foi catholique sans harcèlement ni persécution.

    Elle condamne l’idée, comme étant contraire à la Sainte Ecriture, selon laquelle toutes les religions jouissent de ces mêmes libertés et droits. Car affirmer une telle chose reviendrait à dire qu’une personne ou une organisation aurait un droit à faire une chose mauvaise. Mais cela est contraire à la loi naturelle, et par conséquent contraire à l’enseignement de l’Eglise. Vous ne pouvez avoir le droit de faire que ce qui est correct, et vous ne pouvez jamais avoir le droit de faire ce qui est mal.

    La liberté est le pouvoir de choisir le bien. La licence est la liberté faussement accordée à la volonté de choisir le mal. Afin qu’il y ait exercice de la vraie liberté, il est nécessaire qu’elle n’empiète sur aucun devoir. Car la liberté n’existe pas pour le mal, mais pour le bien. Par conséquent, à chaque fois que l’homme abuse de sa liberté dans le but de commettre le mal, on ne devrait pas parler de liberté, mais de licence.

    La liberté de conscience est absolument impie. Car l’homme est tenu par un devoir très strict de penser correctement concernant Dieu, et les choses qui regardent la religion tant spéculative que pratique. Or aller contre un devoir naturel très strict est une licence, et non une liberté. Et si nous parlons d’une transgression volontaire de notre devoir envers Dieu, la susdite licence est une impiété. Puisque, par conséquent, la liberté de conscience donne à l’homme le droit de penser tout ce qu’il veut concernant Dieu, cette liberté, ce droit, est en réalité une impiété.

    La liberté des religions, considérée en elle-même, est absurde. Cela est prouvé par ce que l’on a déjà dit. Car la liberté des religions trouve son unique source dans la liberté de conscience. Puisque la liberté de conscience est absurde, il s’ensuit que la liberté des religions est également absurde. Mais il faut en dire davantage. Si l’on concède la liberté des religions, on refuse à Dieu le pouvoir d’imposer aux hommes un culte déterminé, et on impose à Dieu une certaine obligation d’accepter ou au moins d’approuver toute forme de culte qui Lui est présentée par la raison humaine. Mais Dieu a commandé une forme de culte — la religion catholique. Il n’est donc pas obligé d’accepter toute forme de culte que Lui donnent les êtres humains. Il s’ensuit que les hommes ne peuvent pas, sans une irréligion et une impiété patente, rejeter les préceptes de Dieu, et être les arbitres de leur propre culte. D’autre part, il est impie de nier à Dieu la faculté de déterminer le culte, et de Lui imposer une sorte de devoir d’approuver toutes les formes de culte sans discrimination. La liberté des religions est donc absurde.

    Vatican II, cependant, enseigne que la liberté religieuse est pour l’individu et pour les organisations religieuses un droit qui découle de la notion de dignité humaine. Bien plus, il affirme que cet enseignement concernant la dignité humaine est contenu dans la révélation, mais se garde bien de présenter une référence dans la révélation où Dieu garantit le droit de croire et de pratiquer la religion de votre choix.

    Vatican II enseigne dans Dignitatis Humanae, n. 2:

 

Ce Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres.

 

    Certains essaient de défendre le Concile en disant que la seule chose qu’il cherche à dire est que personne ne doit être converti au catholicisme sous la menace du glaive. L’Eglise a toujours enseigné que la conversion ne devait pas se passer de cette manière, et a condamné toute tentative de ce genre. Mais que telle n’est pas l’intention du Concile est visible dans les paragraphes subséquents à celui cité plus haut:

 

La liberté ou absence de toute contrainte en matière religieuse qui revient aux individus doit aussi leur être reconnue lorsqu’ils agissent ensemble. Des communautés religieuses, en effet, sont requises par la nature sociale tant de l’homme que de la religion elle-même.

 

Dès lors, donc, que les justes exigences de l’ordre public ne sont pas violées, ces communautés sont en droit de jouir de cette absence de contrainte afin de pouvoir se régir selon leurs propres normes, honorer d’un culte public la divinité suprême, aider leurs membres dans la pratique de leur vie religieuse et les sustenter par un enseignement, promouvoir enfin les institutions au sein desquelles leurs membres coopèrent à orienter leur vie propre selon leurs principes religieux.

 

Les communautés religieuses ont également le droit de ne pas être empêchées, par les moyens législatifs ou par une action administrative du pouvoir civil, de choisir leurs propres ministres, de les former, de les nommer et de les déplacer, de communiquer avec les autorités ou communautés religieuses résidant dans d’autres parties du monde, de construire des édifices religieux, ainsi que d’acquérir et de gérer les biens dont ils ont besoin.

 

Les communautés religieuses ont aussi le droit de ne pas être empêchées d’enseigner et de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit.

 

    Ceux d’entre nous qui ont vécu dans un pays tel que les Etats-Unis, où la liberté religieuse décrite dans ces paragraphes est considérée comme un droit civil normal, voire sacré, peuvent ne pas réaliser la malice de ces paroles. Substituer le mot « avortement » à la place de « religion » peut rendre les choses plus claires: « Ce Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à l’avortement. » « Des cliniques d’avortement, en effet, sont requises par la nature sociale tant de l’homme que de l’avortement lui-même. » « Dès lors, donc, que les justes exigences de l’ordre public ne sont pas violées, ces cliniques d’avortement sont en droit de jouir de cette absence de contrainte afin de pouvoir se régir selon leurs propres normes, accomplir publiquement des avortements, aider leurs membres dans la pratique de leur avortement et les sustenter par un enseignement, promouvoir enfin les institutions au sein desquelles leurs membres coopèrent à orienter leur vie propre selon leurs principes d’avortement. »

    Faut-il que je continue? Il faut remarquer ici que si odieux que soit le crime de l’avortement, la profession d’une fausse religion est bien plus odieuse aux yeux de Dieu, puisque directement contraire à Ses droits solennels. On ne doit pas oublier que dans le livre de l’Exode (chapitre 32) Dieu ordonna la mise à mort de tous ceux qui avaient pris part au culte du veau d’or, et ne s’en étaient pas repentis. 23000 personnes furent mises à mort. Cet évènement important devait montrer au peuple hébreu la nécessité d’adhérer à la vraie religion, et de fuir les fausses religions. Selon Vatican II, Moïse aurait du proclamer la liberté religieuse pour tous les adorateurs du veau d’or.

    La liberté religieuse, telle qu’elle est enseignée par Vatican II, est en effet une hérésie. Elle fut solennellement condamnée par le Pape Pie IX comme étant contre les Ecritures. De plus, Monseigneur Lefebvre considérait la liberté religieuse comme une hérésie. C’est exactement ce qu’il a dit, lors d’une conversation avec l’abbé Cekada lors d’un dîner à Oyster Bay.

    Troisième hérésie de Vatican II: la nouvelle ecclésiologie. Par ecclésiologie on veut désigner la doctrine de l’Eglise concernant sa propre nature, c’est-à-dire, son essence et ses caractéristiques. Vatican II enseigne une ecclésiologie hérétique, contenue dans Lumen Gentium.

    Le dogme traditionnel de l’Eglise catholique est qu’elle, et elle seule, est la vraie et unique Eglise du Christ, et par conséquent que toute entité hors d’elle est une fausse religion. Cela comprend même les religions schismatiques de l’Est, qui peuvent avoir un sacerdoce et des sacrements valides. Si vous êtes détachés du centre — le Pape — vous n’êtes rien autre qu’une branche morte qui est tombée de la vigne.

    Vatican II a modifié cette doctrine afin d’introduire les autres dénominations chrétiennes dans l’Eglise du Christ, en disant que l’Eglise du Christ, en tant que corps organisé, subsiste dans l’Eglise catholique.

    Que signifie subsister dans? La subsistance est la perfection d’une chose par laquelle elle existe en elle-même, et non dans une autre chose. Par exemple, une couleur ne peut pas exister par elle-même, mais doit toujours exister dans une autre chose, par exemple, dans une peinture, une fleur, un vêtement. Cette « autre chose » doit avoir sa propre subsistance.

    En appliquant cela à l’ecclésiologie, si l’Eglise du Christ ne subsiste pas en elle-même, mais doit subsister dans une autre chose, cela signifie que l’Eglise du Christ est réellement distincte de ce en quoi elle subsiste, c’est-à-dire que ce sont là deux choses différentes par nature. Cela signifie que l’Eglise du Christ n’est pas l’Eglise catholique, et que l’Eglise catholique n’est pas l’Eglise du Christ. Si elles n’étaient pas deux choses de nature différente, alors elles seraient la même chose, et l’on devrait dire que l’Eglise du Christ est l’Eglise catholique, ce qui est précisément le dogme de l’Eglise catholique.

    La doctrine du « subsiste dans » signifie également que l’Eglise du Christ pourrait subsister dans une autre chose, comme l’Eglise luthérienne, par exemple.

    Cette doctrine est merveilleuse pour l’hérésie de l’oecuménisme et la liberté religieuse, mais elle détruit l’enseignement de l’Eglise selon lequel l’Eglise catholique est exclusivement l’Eglise du Christ, et vice versa. L’Eglise du Christ et l’Eglise catholique sont une seule et même chose, et de façon exclusive, si bien qu’aucune autre organisation « chrétienne » ne peut d’aucune façon se donner le nom d’Eglise du Christ. Le seul nom qui leur soit approprié est celui de secte hérétique ou schismatique.

 

    Quatrième hérésie de Vatican II: la collégialité. Cette doctrine, également contenue dans Lumen Gentium, soutient que le sujet (le possesseur) du pouvoir suprême dans l’Eglise est le collège des évêques. Voyez ce que dit le Concile:

 

L’ordre des évêques, qui succède au collège apostolique dans le magistère et le gouvernement pastoral, bien mieux dans lequel le corps apostolique se perpétue sans interruption constitue, lui aussi, en union avec le Pontife romain, son chef, et jamais en dehors de ce chef, le sujet du pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église, pouvoir cependant qui ne peut s’exercer qu’avec le consentement du Pontife romain.

 

    Ceci est une hérésie. Car l’Eglise catholique enseigne que le Pontife Romain est la tête de l’Eglise catholique. Ecoutez le Concile de Florence: « Nous définissons également que le Saint-Siège apostolique et le Pontife romain possèdent la primauté sur toute la terre; que ce Pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, le chef des Apôtres et le vrai vicaire du Christ, la tête de toute l'Église, le père et le docteur de tous les chrétiens; qu’à lui, dans la personne du bienheureux Pierre, a été confié par notre Seigneur Jésus-Christ plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner toute l’Église comme le disent les actes des conciles oecuméniques et les saints canons. » (Décret pour les Grecs, 6 juillet 1439).

    Le Pape Pie VI a condamné la doctrine suivante: « Les évêques tous ensemble et en un seul corps gouvernent la même Eglise, chacun avec pouvoir plénier. »

    Certains essaient de sauver Vatican II de l’hérésie en disant que le Concile affirme que le Pape est la tête de ce collège, qui ne peut agir sans lui. Mais cela ne sauve pas le Concile de l’hérésie, parce que le Pape ne devient dans ce cas qu’un simple membre du collège des évêques, et uniquement une condition de leur pouvoir, et non la source de leur pouvoir.

    D’autres essaient de sauver le Concile en soulignant que le document affirme que le Pape est la tête de l’Eglise: « En effet, le Pontife romain a sur l’Église, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Église, un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours exercer librement. » Mais c’est là une tentative futile. Aucune organisation ne peut avoir deux têtes, deux législateurs suprêmes. Par exemple, il est impossible que le roi et le parlement soient simultanément le législateur suprême. L’un d’eux doit avoir le dernier mot, auquel l’autre est subalterne. Le roi Charles Ier d’angleterre fut décapité pour avoir maintenu la suprématie du roi sur le parlement.

    D’autres encore veulent sauver le Concile en citant la Note Explicative Préliminaire (la Nota Praevia), mais cela n’est d’aucun secours, puisqu’elle ne fait pas partie du document accepté par les évêques. Le théologien moderniste Yves Congar l’a tout de suite remarqué, quand il était peritus au Concile. Par ailleurs, il n’y a rien dans la Nota Praevia qui annule l’hérésie conciliariste du document.

    La doctrine catholique affirme que le Pape, en tant que chef suprême de l’Eglise, peut inviter les évêques à un concile général, dans lequel, par son consentement, ils participent à son pouvoir de gouverner l’Eglise. En dehors de ces conciles généraux, l’autorité des évêques se limite à leurs diocèses. Le pouvoir de gouverner le diocèse vient du Christ, mais il leur vient par l’intermédiaire du Pontife Romain, qui peut leur retirer ce pouvoir quand il le veut. Le Pape Pie XII a enseigné dans l’Encyclique Mystici Corporis: « Pourtant, dans leur gouvernement, ils ne sont pas pleinement indépendants, mais ils sont soumis à l'autorité légitime du Pontife de Rome, et s'ils jouissent du pouvoir ordinaire de juridiction, ce pouvoir leur est immédiatement communiqué par le Souverain Pontife. » (n. 42)

 

    Monseigneur Fellay se rend aux modernistes sur la question du Concile. Il y a environ un an, le Vatican a déclaré à la Fraternité Saint Pie X qu’il ne pouvait y avoir aucun espoir de réconciliation tant que la FSSPX n’accepterait pas Vatican II et le magistère subséquent. En disant qu’il n’y a pas d’hérésie dans Vatican II, Mgr Fellay affirme que Vatican II est orthodoxe, c’est-à-dire, catholique, et n’offense pas la foi catholique.

    S’il en est ainsi, alors quelle est la raison de tout ce que nous faisons depuis cinquante ans?

 

    Monseigneur Fellay se rend également sur la question de la Nouvelle Messe. Mgr Fellay fait cette affirmation importante: « Toute Nouvelle Messe n’est pas toujours directement un scandale, mais la célébration répétée de la Nouvelle Messe mène à un affaiblissement ou même à une perte de la foi. »

    Question: comment pourrait-elle ne pas être un scandale si elle mène à la perte de la foi? Comment une Eglise infaillible et indéfectible, l’Eglise du Christ, assistée par le Saint Esprit, la colonne et le fondement de la vérité, comme l’appelle saint Paul, pourrait-elle promulguer au monde entier un rite qui mène? L’affirmation de Mgr Fellay tombe sous l’anathème du Concile de Trente: « Si quelqu’un dit que les cérémonies, les ornements et les signes extérieurs que l’Eglise catholique utilise dans la célébration des messes incitent à l’impiété, plutôt qu’aux offices de piété, qu’il soit anathème. »

    Mgr Fellay affirme dans cette même interview que la Messe traditionnelle est comme une trompette d’argent, tandis que la Nouvelle Messe est comme une trompette de cuivre:

 

Je dis seulement que si vous recevez un chef d’Etat, et que vous avez le choix entre une trompette en argent et une trompette en cuivre, choisiriez-vous la trompette en cuivre? Ce serait une insulte. Vous ne le feriez pas. Même les meilleures Nouvelles Messes sont comme des trompettes en cuivre, en comparaison à la liturgie traditionnelle. Pour Dieu, nous choisirions le meilleur.

 

    La seule conclusion que l’on puisse inférer de cette affirmation c’est que la Nouvelle Messe est une Messe catholique, simplement inférieure à la Messe traditionnelle. Après tout, ce sont toutes les deux des trompettes! La trompette en argent est simplement plus jolie que la trompette en cuivre. Je pense qu’une meilleure analogie aurait été de comparer la Nouvelle Messe non pas à une trompette en cuivre, mais à un énorme éléphant dégageant des gaz.

    Mgr Fellay, jusque récemment, était le supérieur de l’organisation qui se fait passer pour le rempart de la tradition, l’unique espérance des fidèles catholiques qui veulent se protéger de Vatican II et de ses réformes. Et pourtant il est complètement perdu en ce qui concerne les plus hauts principes directeurs de résistance à Vatican II. D’un côté il dit que la Nouvelle Messe affaiblit ou détruit la foi — ce qui veut dire que c’est un poison — et puis quelques lignes plus loin il dit que c’est une trompette de cuivre et non une trompette d’argent, signifiant qu’il n’y a qu’une différence de qualité entre les deux Messes.

    C’est pour cette raison que nous nous réjouissons de nous être séparés de la FSSPX en 1983. Nous avions vu les débuts de cette confusion théologique, cette théologie à la Maxine Waters, et nous ne voulions surtout pas y prendre part.

    Peut-être sommes-nous peu en comparaison de la FSSPX, mais nous ne sommes pas théologiquement confus. Comme disait le Père Garrigou-Lagrange: « Mille idiots ne valent pas un génie. » Et bien, de même, mille prêtres confus ne valent pas un prêtre avec la tête bien accrochée.

 

Sincèrement vôtre dans le Christ,

 

Monseigneur Donald J. Sanborn

Recteur

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