La « Résistance » Selon Saint Robert Bellarmin : Un Autre Mythe Traditionaliste

Publié le par Études Antimodernistes

Par M. l'Abbé Anthony Cekada

 

St. Gertrude the Great Newsletter, Octobre 2004.

EtudesAntimodernistes.fr, Septembre 2016.

 

 

Depuis les années 1970, d’innombrables auteurs traditionalistes, qui ont rejeté les enseignements de Vatican II et la Nouvelle Messe mais qui s’opposent au sédévacantisme, ont justifié leur propre position en recyclant sans y réfléchir la citation suivante de saint Robert Bellarmin :

 

« Tout comme il est licite de résister à un Pontife qui attaque le corps, il est tout aussi licite de résister au Pontife qui attaque les âmes ou détruit l’ordre civil ou, à plus forte raison, essaie de détruire l’Église. Je dis qu’il est licite de lui résister en ne faisant pas ce qu’il ordonne de faire et en empêchant l’exécution de sa volonté. Il n’est pas licite, cependant, de le juger, de le punir, ou de le déposer, parce que ce sont là des actes relevant d’un supérieur. » (De Romano Pontifice, II.29.)

 

Ce passage, nous a-t-on répété à de multiples reprises, soutient l’idée que le mouvement traditionaliste peut « résister » aux fausses doctrines, mauvaises lois et liturgie sacrilège que Paul VI et ses successeurs ont promulguées, tout en continuant à les « reconnaître » comme vrais Vicaires du Christ. (Cette idée étrange est aussi attribuée à d’autres théologiens comme Cajetan).

 

La même citation de Bellarmin – nous a-t-on dit aussi – détruit le principe qui soutient le « sédévacantisme » (à savoir qu'un pape hérétique perd automatiquement sa charge) parce que les sédévacantistes « jugent » et « déposent » le pape.

 

Ces conclusions sont en fait un nouvel exemple de comment le peu de rigueur intellectuelle dans les polémiques traditionalistes donne naissance à des mythes qui passent bientôt pour des vérités quasi-révélées.

 

Quiconque consulte réellement les sources originales et connaît un peu les distinctions fondamentales du droit canon en vient à un ensemble de conclusions complètement différentes quant au sens de ce fameux passage sur la « résistance », à savoir :

  1. Saint Robert Bellarmin parle ici d’un pape moralement mauvais qui donne des ordres moralement mauvais – et non pas d’un pape qui, comme les papes de Vatican II, enseigne l’erreur doctrinale ou impose des lois nuisibles.

  2. Le contexte de cette citation est un débat au sujet des erreurs du gallicanisme, et non pas du cas d’un pape hérétique.

  3. Bellarmin justifie ici la « résistance » de la part de rois et de prélats, non pas des Catholiques individuels.

  4. Bellarmin enseigne au chapitre suivant de son ouvrage (30) qu’un pape hérétique perd automatiquement son autorité.

Autrement dit, ce passage ne peut ni être appliqué à la crise actuelle ni être invoqué contre le sédévacantisme. Ici s’impose un bref commentaire sur chacun de ces quatre points.

 

 

I. De Mauvais Ordres, et non pas de Mauvaises Lois

 

Oui, les traditionalistes résistent aux fausses doctrines (par exemple, sur l’œcuménisme) et aux mauvaises lois (par exemple, la nouvelle messe) promulguées par les papes post-conciliaires.

Mais dans sa fameuse citation, Bellarmin parle d’un cas complètement différent : il a été interrogé au sujet d’un pape qui attaque injustement quelqu’un, trouble l’ordre public, ou « essaie de tuer les âmes par son mauvais exemple » (animas malo suo exemplo nitatur occidere). Dans sa réponse, il dit qu’« il est licite de lui résister en ne faisant pas ce qu’il ordonne » (…licet, inquam, ei resistere, non faciendo quod jubet).

Ces mots décrivent un pape qui donne un mauvais exemple ou de mauvais ordres, plutôt que – comme dans le cas de Paul VI et de ses successeurs – un pape qui enseigne l’erreur doctrinale ou impose de mauvaises lois. Ceci ressort clairement du chapitre 27 du De Comparatione Auctoritatis Papæ et Concilii de Cajetan, que Bellarmin cite aussitôt après pour appuyer sa position.

 

Tout d’abord, dans le titre du chapitre 27, Cajetan dit qu’il va discuter d’un genre de faute papale « autre que l’hérésie » (ex alio crimine quam hæresis). L’hérésie, dit-il, modifie complètement le statut de chrétien d’un pape (mutavit christianitatis statum). C’est le « plus grand crime » (majus crimen). Les autres sont des « crimes moindres » (criminibus minoribus) qui « ne l’égalent pas » (cetera non sunt paria, [ed. Rome : Angelicum 1936] 409).

Ni Bellarmin, ni Cajetan ne parlent donc de « résister » aux erreurs doctrinales d’un pape tout en continuant à le considérer comme un vrai pape.

 

Deuxièmement, tout au long du De Comparatione, Cajetan fournit des exemples précis de méfaits papaux qui justifient réellement l’opposition de la part de ses sujets : « soutenant les méchants, opprimant les bons, se conduisant en tyran, encourageant les vices, les blasphèmes, l’avarice, etc. » (356), « s’il opprime l’Église, s’il tue les âmes [par le mauvais exemple] » (357), « en dissipant les biens de l’Église » (359), « s’il agit manifestement contre le bien commun dicté par la charité envers l’Église militante » (360), la tyrannie, l’oppression, l’agression injuste (411), « en détruisant publiquement l’Église, » en vendant les bénéfices ecclésiastiques, et en troquant les offices (412).

 

Tout cela s’applique à de mauvais ordres (præcepta) – mais de mauvais ordres ne sont pas la même chose que de mauvaises lois (leges). Un ordre est particulier et transitoire ; une loi est générale et stable. (Pour plus de précisions, cf. R. Naz, “Précepte”, Dictionnaire de Droit Canonique, [Paris : Letouzey 1935-65] 7:116-17).

L’argument de Bellarmin et de Cajetan justifie seulement la résistance à de mauvais ordres d’un pape (vendre, par exemple, la charge pastorale d’une paroisse au plus offrant). Il ne défend pas l’idée qu’un pape, tout en conservant l’autorité qu’il reçoit de Jésus-Christ, puisse (par exemple) imposer une Messe sacrilège, protestantisée, à l’Église universelle, dont les membres pourraient alors lui « résister », tout en continuant à le reconnaître comme vrai pape.

 

 

II. Anti-Gallicanisme

Les auteurs traditionalistes ont encore déformé le passage en le sortant de son contexte. Il apparaît dans une discussion de saint Robert Bellarmin sur un problème sans absolument aucun rapport avec ceux auxquels sont confrontés les traditionalistes d’aujourd’hui : les arguments Protestants et Gallicans soutenant que l’Église ou le pape doivent être soumis à un roi ou à un concile général. Le passage en question ne fait qu’une seule phrase, dans un chapitre qui compte deux pages et demie de deux colonnes in quarto en petits caractères consacrées à ce sujet (cf. De Controversiis [Naples : Giuliano 1854] 1:413-18).

 

Plus précisément, le passage est tiré de la réponse de Bellarmin à l’argument suivant :

« Argument 7. Toute personne a le droit de tuer le pape s’il est injustement attaqué par lui. Donc, il est à plus forte raison permis aux rois ou à un concile de déposer le pape s’il met le trouble dans l’État, ou s’il essaie de tuer les âmes par son mauvais exemple. » (op. Cit. 1:417)

 

C'était la position des gallicans, qui plaçaient l’autorité d’un concile général au-dessus de celle d’un pape. Il est absurde d’affirmer qu’une phrase dans la réponse de Bellarmin à cet argument précis puisse justifier une « résistance » généralisée aux erreurs qui ont suivi Vatican II.

L’absurdité devient d’autant plus évidente quand vous remarquez que Bellarmin, aussitôt après cette unique phrase, cite le De Comparatione de Cajetan – dont les 184 pages in octavo furent écrites pour réfuter les erreurs du Gallicanisme et du Conciliarisme.

 

 

III. Une « Résistance » qui n'est pas Individuelle.

 

Replacée dans son contexte, qui plus est, la citation de Bellarmin ne justifie pas la « résistance » aux papes de la part d'individus – comme certains traditionalistes semblent le penser – mais la résistance de la part de rois ou de conciles généraux.

La position Gallicane, que Bellarmin réfute, affirmait qu’il est permis « à des rois ou à un concile » (licebit regibus vel concilio) de déposer un pape. Il n'est pas ici question de prêtres ou laïcs individuels.

 

Une fois encore, le sens de ce passage ressort clairement du chapitre 27 de Cajetan : « Les princes séculiers et les prélats de l’Église [principes mundi et prælati Ecclæsiæ], » dit-il, disposent de nombreuses moyens pour arranger une « résistance ou un obstacle à un abus de pouvoir [resistentiam, impedimentumque abusus potestatis] » (412).

Il est donc impossible de soutenir que Bellarmin et Cajetan traitaient de la question d’une résistance au pape de la part d'un catholique individuel.

 

 

IV. Saint Robert Bellarmin et le Pape Hérétique

 

Enfin, dans le chapitre suivant la fameuse citation (30), Bellarmin traite explicitement de la question : « Un pape hérétique peut-il être déposé ? » (An papa hæreticus deponi possit).

Bellarmin réfute les réponses données par différents théologiens, dont Cajetan, qui affirmait qu'un pape hérétique devait être déposé. Il fonde sa propre réponse sur le principe suivant : « Les hérétiques sont hors de l’Église avant même leur excommunication, et, dépourvus de toute juridiction, ils sont condamnés par leur propre jugement, comme saint Paul l’enseigne dans Tite 3 » (op. cit. 1:419).

Le saint conclut :

« La cinquième opinion est donc la bonne. Un pape qui est manifestement hérétique cesse automatiquement (per se) d’être pape et tête, tout comme il cesse automatiquement d’être Chrétien et membre de l’Église. C’est pourquoi, il peut être jugé et puni par l’Église. C’est l’enseignement de tous les anciens Pères qui enseignent que les hérétiques manifestes perdent immédiatement toute juridiction. »

Les écrits de Bellarmin, donc, soutiennent plutôt qu’ils ne réfutent le principe derrière la position sédévacantiste : un pape hérétique est déposé par le fait même.

 

V. Pour Résumer

 

L’idée que le célèbre passage de Bellarmin justifie la « résistance » à un vrai pape et en même temps « réfute le sédévacantisme » est fondée sur une ignorance du sens du texte et de son contexte. Il est temps que les traditionalistes cessent de diffuser des mythes aussi idiots.

Un vrai pape ne peut pas enseigner l’erreur doctrinale pendant des dizaines d’années ni promulguer une Messe sacrilège – il n'y a pas besoin de lui résister.

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Prêtres Traditionnels, Sacrements Légitimes

Publié le par Études Antimodernistes

Par M. l'Abbé Anthony Cekada

 

Pamphlet, Juillet 2003.

EtudesAntimodernistes.fr, Septembre 2016.

 

Plutôt que de nous l'interdire,

la Loi Divine nous oblige d'administrer les Sacrements.

 

De temps à autre, le catholique traditionnel va entendre quelqu'un prétendre que les sacrements qu'il reçoit sont « illicites. »

 

Parfois, les membres de la hiérarchie Novus Ordo, l'évêque diocésain ou le curé local, par exemple, renouvelleront cette accusation, citant l'une ou l'autre des dispositions du droit canon.

Ou bien le catholique traditionnel recevra un tract d'un traditionaliste populairement appelé un « home-aloner » [ndt : en français, littéralement, cela signifie : quelqu'un qui reste seul à la maison]. C'est quelqu'un qui rejette Vatican II et la nouvelle messe, mais qui, en même temps, dénonce l'administration des sacrements de tous les (ou la plupart des) prêtres catholiques traditionnels comme illégale, peccamineuse, passible d'excommunication, contre le droit canon ou, dans le cas de la confession, invalide. Donc, au lieu de recevoir les sacrements, il vous recommande de rester « seul à la maison. »

 

Au début des années 1990, j'ai écrit deux articles traitant de ces questions, "Droit Canon et Bons Sens » et « Seul à la Maison, » qui tous deux jouirent d'une assez large diffusion dans les milieux traditionalistes.

J'ai décidé de revenir sur le sujet parce que de nouveaux tracts incitant à se couper des sacrements sont apparus au cours des dernières années, dont les plus récents prétendent que le clergé traditionaliste enfreint non seulement le droit canon, mais encore le droit divin.

Cependant, des arguments crédibles fondées sur de tels concepts exigent un degré assez élevé de connaissances spécialisées en théologie morale, en droit canonique, en droit sacramentel, et en théologie dogmatique. Normalement cela ne peut être acquis qu'en suivant des cours formels de ces disciplines dans un séminaire ou une université catholique, puis en augmentant cette connaissance de base par l'étude comparative des grandes œuvres canoniques et théologiques, qui sont toutes en latin. (Certaines sont énumérées dans la bibliographie ci-dessous.)

Aucun des home-aloners que je connais n'a ce bagage, ni même ne soupçonne vraiment l'étendue de leur ignorance de ces disciplines. Il n'est donc pas surprenant de trouver dans leurs plus récents écrits deux erreurs sous-jacentes.

 

Premièrement, ces auteurs supposent que la question la plus importante qu'un prêtre catholique doit toujours se poser concernant un sacrement est de savoir s'il est « permis » ou « interdit » de le conférer.

Cela inverse tout. Le sacerdoce est non seulement un privilège qui permet simplement quelque chose ; c'est un munus ou officium (devoir) de faire quelque chose : offrir le sacrifice et distribuer les sacrements. Donc, pour un prêtre, la vraie question est toujours : « Quel sacrements suis-je maintenant obligé de conférer ? »

 

Deuxièmement, probablement parce que des travaux moins spécialisés utilisent parfois les termes indifféremment, les auteurs confondent deux concepts distincts en droit canonique qui ont trait à l'administration des sacrements : (1) la députation (la faculté légitime ou la permission par l’Église d'administrer les sacrements) et (2) la juridiction (le pouvoir de gouverner les autres dans les choses spirituelles.)

Un prêtre ou un évêque doit avoir une députation légitime pour tous les sacrements qu'il confère parce que leur « confection et administration est divinement attachée au ministère de l'Église. » (Cappello, de Sacramentis 1:49) La juridiction, d'autre part, est nécessaire seulement pour la confession.

 

Les prétendus canonistes laïcs, cependant, semblent penser que la loi exige qu'un prêtre ait une juridiction à chaque fois qu'il confère un sacrement, et ils fondent la plupart de leurs critiques sur ce principe gratuit. Mais puisque la députation suffit, de tels arguments sont sans fondement.

 

Je vais brièvement développer ces deux questions ci-dessous. La plupart de ce qui suit sert pour répondre aussi bien aux home-aloners qu'aux membres de la hiérarchie de Vatican II.

 

 

I. Loi Divine

 

L'ordre de Notre Seigneur de baptiser (Mt 28,19), de pardonner les péchés (Jn 20:22), d'offrir la Messe (Lc 22,19), etc. constitue une loi divine qui oblige tous les évêques et les prêtres catholiques jusqu'à la fin des temps.

 

Certains prêtres sont tenus en justice d'administrer les sacrements ; les autres le sont pour d'autres motifs, expliqués comme étant par charité ou en vertu de l'ordination. Voici les principes :

 

A. Obligation en justice (ex justitia).

Cette catégorie comprend tous les prêtres qui ont la cura animarum (charge des âmes).

Ce terme technique en droit canon se réfère aux prêtres qui, en raison de leur office ou d'un titre spécial de juridiction, que celle-ci soit ordinaire (un évêque diocésain, un supérieur général, un curé ou leurs équivalents) ou déléguée (coadjuteur ou vicaires), sont obligés de « paître une partie particulière du troupeau du Christ. » (Merkelbach, Summa Theologiae Moralis 3:86)

Leur obligation d'administrer les sacrements découle de « la loi divine [citations de l’Écriture Sainte] qui commande aux bergers de nourrir leurs moutons ainsi que de procurer leur bien spirituel et leur salut. » (Hervé, Manuale Theologiae Dogmaticae 4: 491)

 

Les prêtres avec la cura animarum sont gravement obligés par la loi divine de donner les sacrements aux fidèles catholiques qualifiés pour les recevoir.

 

B. Obligation de charité (ex caritate).

Les autres prêtres, qui n'ont pas de juridiction ordinaire ou déléguée (par exemple, les professeurs de séminaire, les administrateurs, les enseignants, les non affectés, les retraités, etc.), sont néanmoins également tenus d'administrer les sacrements aux fidèles, en fonction de la gravité de la nécessité d'un individu ou d'une communauté.

 

Certains auteurs affirment que leur obligation est basée sur la vertu de charité : « Quand les prêtres qui ont la cura animarum font défaut, les autres prêtres sont obligés par charité d'administrer les sacrements. [...] ...en cas d'un sérieux besoin d'une communauté, [ces prêtres] sont tenus d'administrer les sacrements, même au risque de leur vie, tant qu'il y a un espoir raisonnable d'aider et qu'il n'y a personne d'autre pour le faire. » Cela oblige sous peine de péché mortel. (Merkelbach 3:87. Emphase ajoutée.)

 

C. Obligation en Vertu de l'Ordination.

D'autres auteurs disent que ces prêtres sont tenus d'administrer les sacrements non pas simplement par charité, mais aussi en vertu de leur ordination sacramentelle même. Voici une explication :

« Ils sont tenus par une certaine obligation générale découlant de l'ordre sacré qu'ils ont reçu. En effet le Christ Seigneur les fit prêtres pour se consacrer à sauver des âmes. En raison de ce but, leur devoir spécial est d'administrer les Sacrements. Cela est évident dans le rite d'ordination, qui leur donne le pouvoir d'offrir le sacrifice et d'absoudre des péchés, et qui spécifie l'administration des autres sacrements parmi leurs autres devoirs. [...] Cette obligation est plus sérieuse en fonction de la gravité de la nécessité spirituelle des fidèles dans le diocèse où [un tel] prêtre est censé servir ou dans le lieu où il vit. Quand une telle communauté est évidemment sérieusement en besoin - quand, par exemple, en raison du petit nombre de prêtres ou de confesseurs, les gens ne peuvent pas convenablement assister à la messe le Dimanche et les jours de fête, ni recevoir l'Eucharistie, ou là où il est difficile pour les gens de fréquenter le Sacrement de Pénitence, de sorte que beaucoup restent dans le péché - un prêtre a une obligation grave d'administrer ces sacrements et de se préparer correctement à la charge de confesseur. » (Aertnys-Damen, Theologia Moralis 2:26 « .. Generali quadam obligatione tenentur ex ordine suscepto ... in necessitate simpliciter gravi talis communitatis... gravis est obligatio. »)

 

D. Application des Principes.

Ces principes sont applicables comme suit : Après Vatican II presque tous les évêques et les prêtres ayant la cura animarum ont fait défection et ont embrassé la nouvelle religion. Les quelques prêtres qui ont résisté, de leur côté, étaient des professeurs, des exclus de leur ordre religieux ou diocèse, des retraités, etc.

Ces prêtres étaient ainsi tenus par la loi divine d'administrer les sacrements aux Catholiques, qui, puisque leurs pasteurs avaient apostasié, étaient désormais « de toute évidence sérieusement dans le besoin. » Les prêtres n'avaient pas à « demander la permission. » Au contraire, ils étaient obligés, par charité et en vertu de leur ordination, de baptiser, d'absoudre, d'offrir la Messe, etc.

 

Non seulement cela, mais les évêques parmi eux (Mgr Lefebvre et Mgr Thuc) étaient obligés de conférer les ordres sacrés sur des candidats dignes qui continueraient ensuite à administrer les sacrements aux catholiques fidèles à travers le monde.

Leur obligation trouve son origine dans l'ordre sacré de l'épiscopat qu'ils avaient tous deux reçu. L'exhortation au candidat dans le rite de consécration épiscopale exprime en une seule phrase cette obligation : « Il est du devoir d'un évêque de juger, d'interpréter, de consacrer, d'ordonner, d'offrir le sacrifice, de baptiser et de confirmer. »

 

En outre, ceux d'entre nous qui ont reçu les saints ordres de Mgr Lefebvre ou Mgr Thuc n'ont évidemment aucune nomination à la cura animarum. Mais comme tous les autres prêtres, nous sommes également obligés par la loi divine, par charité et en vertu de l'ordination, d'administrer les sacrements aux fidèles qui restent dans une grave nécessité commune.

 

 

II. Députation et Mission Légitimes

 

De plus, « en ce qui concerne la légitimité... toute autorité pour administrer les sacrements provient de la mission confiée aux apôtres » par les commandements divins cités ci-dessus (baptiser, absoudre, offrir la Messe, etc.). (Billot, De Ecclesiae Sacramentis 1:179.) En effet :

« Personne ne dispose légitimement de la propriété d'une autre personne à moins qu'il ne le fasse sur sa demande. Or, les sacrements sont la propriété de Christ. Seuls ceux, donc, qui ont une mission du Christ, à savoir, ceux à qui revient la mission apostolique, les administre légitimement. » (Billot, ibid.).

 

Ceux que Notre Seigneur a obligés par la loi divine de conférer les sacrements, donc, reçoivent simultanément de Lui la députation légitime et la mission apostolique de les conférer.

 

 

III. Loi Humaine Ecclésiastique

 

Bien que certains canons du Code rappellent expressément les principes de la loi divine positive (pour avoir des exemples, voir Michels, Normae Generales Juris Canonici 1:210ff), les canons qui prescrivent comment la députation légitime de baptiser, d'absoudre, d'offrir la Messe, etc. est conférée ou obtenue ne sont pas eux-mêmes une loi divine, mais seulement une loi humaine.

 

Selon les principes généraux du droit, une loi humaine :

  1. Cesse automatiquement et positivement quand son observation devient nuisible (nociva). Pour cela, voir les œuvres des théologiens moraux et canonistes Abbo-Hannon, Aertnys-Damen, Badii, Beste, Cappello, Cicognani, Cocchi, Coronata, Maroto, McHugh-Callan, Merkelbach, Michels, Noldin, Regatillo-Zalba, Vermeersch, Wernz-Vidal, etc. dans la bibliographie ci-dessous.

  2. Cesse dans un « besoin commun, » même si la loi rendrait autrement un sacrement invalide. Ainsi, par exemple, un empêchement dirimant au mariage nécessitant normalement une dispense d'un supérieur ecclésiastique avec juridiction ordinaire cesserait d'obliger « à cause d'un besoin commun, » lorsque l'accès à une personne ayant l'autorité requise est impossible. (Merkelbach 1:353)

    Un tel besoin commun se produirait également, par exemple, « en temps de persécution ou de bouleversement dans un pays particulier. » Dans ce cas, « si le but de la loi cesserait d'une manière contraire à la communauté (c'est-à-dire, si un préjudice commun en résulterait), la loi n'obligerait pas, parce qu'elle serait à juste titre considérée comme suspendue, en raison de l'interprétation bénigne de l'esprit du législateur. » (Cappello 5:199)

  3. N'oblige pas quand elle est en conflit avec la loi divine. « Dans un conflit d'obligations, la plus haute prime. ... Le droit positif divin l'emporte sur la législation humaine. » (Jone, Moral Theology 70). « La règle suprême en la matière est la suivante : L'obligation qui prévaut est celle découlant de la loi qui, compte tenu de sa nature et de son but, est d'une plus grande importance... Les préceptes de la loi divine positive doivent prévaloir sur les préceptes du droit positif humain. » (Noldin, Summa Theologiae Moralis 1:207)

 

 

IV. Application

 

En ce qui concerne les lois ecclésiastiques humaines citées comme interdisant les prêtres catholiques traditionnels d'administrer les sacrements dans la situation actuelle :

 

A. Le Bien commun. L'application de ces lois priverait les Catholiques des sacrements et donc entraverait directement le bien commun (bonum commune) recherché par l’Église dans toutes ses lois. Ce bien commun, dit le théologien Merkelbach, est « le culte de Dieu et la sanctification surnaturelle des hommes. » (Summa Theol. Mor. 1:325 : « Dei cultus et sanctificatio supernaturalis hominum. »)

 

B. Cessation. Ces lois ecclésiastiques humaines seraient donc devenues nuisibles (nocivae), et par conséquent, selon les principes généraux du droit expliqués par les théologiens moraux et les canonistes, elles cesseraient automatiquement. (Voir III.1)

 

Cela inclut les Canons 953 et 2370, qui, autrement , interdiraient la consécration d'un évêque sans mandat apostolique (le document papal autorisant la consécration), parce que leur observation finirait par priver les fidèles des sacrements dont l'administration exige un ministre dans les Saints Ordres.

 

Cela inclut également le Canon 879.1, qui régit la juridiction pour l'absolution : « Pour entendre validement les confessions une juridiction doit être accordée expressément, soit par voie orale ou par écrit. » Le théologien moral et canoniste Prümmer caractérise spécifiquement ce canon comme « loi ecclésiastique. » (Manuale Theologiae Moralis 3:407 : « A jure ecclesiastico statuitur, ut jurisdictionis concessio a) sit expressa sive verbis sive scripto... » Italique dans l'original).

Étant donné que le canon est une loi ecclésiastique humaine et non une loi divine, l'exigence d'une attribution expresse de juridiction pourrait donc cesser en raison du « besoin commun » (voir III.2), parce que les catholiques en état de péché mortel ont besoin de l'absolution et parce que nous autres prêtres sommes obligés de la donner.

 

Notre obligation découlerait, comme l'explique St. Alphonse, « de la nature même de la fonction sacerdotale, à laquelle l'institution du Christ a lié cette obligation, et que le prêtre est tenu de remplir quand la nécessité du peuple l'exige. » (Aertnys-Damen 2:26n. « ...ex proprio Sacerdotis officio... quod Sacerdos exercere tenetur... » Italique dans l'original.)

 

C. Obligation Supérieure. De toute façon, l'obligation grave de dispenser les sacrements que la loi divine impose aux prêtres catholiques traditionnels par charité et en vertu de leur ordination a préséance sur les lois ecclésiastiques humaines citées contre eux (Voir III.3).

 

D. Députation et Mission Légitimes. En parallèle, cette même loi divine dote nécessairement les évêques et les prêtres catholiques traditionnels d'une députation légitime ou d'une mission apostolique pour distribuer les sacrements (Voir II). De plus, s'il en était autrement, Dieu imposerait une obligation grave tout en retenant tout moyen moralement licite pour l'accomplir - quod impossibile.

 

V. La Juridiction pour l'Absolution

 

Dans le cas de la députation légitime pour la confession, la loi divine exige pour l'absolution valide des pécheurs, que le prêtre possède également le pouvoir de juridiction, en plus du pouvoir des Saints Ordres. Aucun des prêtres catholiques traditionnels que je connais ne conteste ceci.

 

La juridiction est « un pouvoir moral de gouverner des sujets dans les choses qui se rapportent à leur fin surnaturelle. » (Merkelbach 3:569) Comme indiqué ci-dessus, la juridiction est soit ordinaire (attachée à un office) ou déléguée (confiée à une personne par une loi ou par un supérieur). Elle opère au for externe (l’Église en tant que société) ou au for interne (l'individu devant Dieu, ce qui signifie habituellement : dans la confession).

 

La compétence que nous prêtres catholiques traditionnels possédons nous a été déléguée par le Christ lui-même en vertu de la loi divine et opère au for interne, parce que :

 

A. Le Canon 879 cesse. La loi ecclésiastique humaine (canon 879) exigeant que la juridiction pour les confessions soit expressément accordée par écrit ou oral a cessé. (Voir IV. B)

 

B. La Loi Divine donne la Juridiction. La loi divine par laquelle le Christ accorde la juridiction à ceux à qui il ordonne de pardonner les péchés (de façon distincte du pouvoir sacramentel de le faire) se trouve dans Jean 20:21 : « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Merkelbach 3:574).

Cette loi divine dure toujours, en même temps que la juridiction du Christ nécessaire pour la remplir. Il est évident, dit le théologien Herrmann, « que ce pouvoir des clefs durera éternellement dans l’Église. En effet, puisque le Christ a voulu que l'Église dure jusqu'à la fin du monde, Il lui a également prodigué les moyens sans lesquels elle ne pouvait pas atteindre son but, le salut des âmes. » (Institutiones Theologiae Dogmaticae 2:1743. Emphase ajoutée.)

En effet, l'Église du Christ doit donner la juridiction pour l'absolution dans des circonstances extraordinaires : « L’Église doit, à cause de son but particulier, assurer le salut des âmes, et ainsi elle est donc tenue de donner tout ce qui dépend de son pouvoir. » (Cappello 2: 349. Emphase ajoutée.)

Car, bien que, comme le dit le Cardinal Billot, le droit ecclésiastique est plus orienté à lier qu'à délier, et la loi divine est plus orientée à délier qu'à lier, en fin de compte, la « juridiction instrumentale de l’Église est orientée à délier - en effet, à délier les liens qui ne dépendent pas du droit ecclésiastique, mais du droit divin. » (Tractatus de Ecclesia Christi 1:476. Emphase ajoutée.)

 

C. Dieu exerce l'Autorité. Notre juridiction déléguée au for interne n'est « pas un pouvoir ecclésiastique, mais un pouvoir divin accordé par l'autorité propre à Dieu lui-même (qui seul est en mesure de toucher directement la conscience et le lien du péché). Il opère à travers le pape mais en tant que ministre et instrument de la divinité, et donc non pas par l'autorité propre de l’Église, mais plutôt par Dieu exerçant sa propre autorité » (Merkelbach 3:569. Emphase ajoutée.)

 

 

VI. Résumé

 

Pour résumer ce qui précède :

  • La loi divine oblige les prêtres et les évêques catholiques traditionnels d'administrer les sacrements aux fidèles. (Voir I)

  • Cette même loi divine fournit également la députation légitime et la mission apostolique pour leur apostolat. (Voir II)

  • Les lois humaines ecclésiastiques (canons) dont l'application entrave l'accomplissement de cette loi divine ont cessé parce qu'elles sont maintenant nuisibles (nocivae). (Voir III & IV)

  • Cela comprend le canon 879, qui demande une attribution expresse de juridiction pour la validité de l'absolution. (Voir III.B & IV.B)

  • Au lieu de cela, la loi divine délègue directement la juridiction au for interne aux prêtres catholiques traditionnels pour l'absolution qu'ils donnent. (Voir V)

     
  • Rien de tout cela, je m'empresse de l'ajouter, ne justifie le mépris des nombreuses autres dispositions de la loi ecclésiastique réglementant l'octroi et la réception des sacrements, en particulier celles qui interdisent l'Ordination des ignorants et des inaptes.

  • Le Christ Lui-même ordonne à Ses prêtres d'administrer Ses sacrements à Son troupeau. Puisque les pasteurs dotés de juridiction pour la cura animarum ont tous fait défection et ont tous embrassé la religion moderniste, leur obligation incombe maintenant à nous, les quelques prêtres fidèles restants.

  • Nous conférons les sacrements du Christ parce qu'Il en a fait notre devoir.

 

 

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