Le problème que posent les Papes de Vatican II à la conscience catholique

Publié le par Études Antimodernistes

Par le Père Noël Barbara

 

Forts dans la Foi n° 11, 1er trimestre 1991.

EtudesAntimodernistes.fr, Décembre 2016.

 

Père BarbaraDepuis la fin du concile de notre siècle, les catholiques fidèles doivent faire face à un problème sans précédent. Pour la première fois depuis la fondation de l'Église, ceux qui veulent garder et vivre leur foi sont obligés de désobéir au pape régnant.

 

Pour résoudre un problème, il faut en tout premier lieu le voir tel qu'il se présente, tel qu'il est dans la réalité, et être disposé à accepter les exigences de la vérité dès qu'on la découvrira. En effet, quand on redoute les conséquences fâcheuses d'une solution, il n'est pas rare qu'on cherche par tous les moyens à éluder le problème ou, si on ne le peut, à le considérer non plus tel qu'il est mais tel qu'on voudrait qu'il soit. « Le plus grand travers de l'esprit, disait Bossuet, est de voir les choses non comme elles sont, mais comme on voudrait qu'elles soient. »

 

Faisant abstraction de toutes les conséquences qui pourront en découler, nous allons rappeler le problème que les papes de Vatican II posent à la conscience catholique. Nous l'examinerons le plus objectivement possible, afin de prendre conscience de sa réalité. Nous dirons ensuite quelle réponse la foi lui apporte, car, la révélation étant close, tout problème directement lié au salut trouve nécessai­rement sa solution dans la parole de Dieu enseignée par l'Église.

 

 

I. Le Problème

 

Au début de notre résistance, nous avons essayé de nous convaincre qu'en fait nous ne désobéissions pas au pape. Le pape pensait comme nous, mais il se trouvait dans l'impossibilité de le dire.

 

Après plus de vingt ans, force est de reconnaître que c'est bien au pape que nous désobéissons ; c'est à ses ordres les plus formels que nous résistons. Nous refusons la nouvelle messe, les nouveaux sacrements, les nouveaux catéchismes, la nouvelle ecclésiologie, l’œcuménisme, la liberté religieuse, autant de choses qui sont de son domaine.

 

Pour quelle raison cette désobéissance volontaire constitue-t-elle un problème pour une conscience catholique ? Tout simplement parce que l'obéissance au pape conditionne le salut éternel.

 

Certains, citant saint Robert Bellarmin, le cardinal Journet ou quelque autre autorité, essayent bien de faire croire que cette désobéissance se justifie par sa nécessité. Mais comment concilier une telle affirmation avec la recommandation de saint Paul : « Ne faciamus mala ut veniant bona. Ne faisons pas le mal pour que le bien en sorte » (Rom. III, 8) ? N'étant pas protestants, nous savons que Dieu parle aux hommes par les ministres qu'il a établis dans son Église et auxquels il a dit : « Qui vous écoute m'écoute. Boniface VIIIQui vous méprise me méprise » (Lc X, 16). Les papes n'ont pas manqué de nous rappeler cette obligation. Ils l'ont fait avec tant de force et de netteté qu'il n'est plus permis de douter que l'obéissance au pape conditionne le salut éternel :

 

« Nous déclarons, disons, définissons et prononçons qu'il est absolument nécessaire au salut de toute créature humaine d'être soumise au souverain pontife » (Boniface VIII, Unam Sanctam. Denzinger, 469).

 

« Or, dans cette unique Église du Christ, personne ne se trouve, personne ne demeure, si, PAR SON OBÉISSANCE, il ne reconnaît et n'accepte l'autorité et le pouvoir de Pierre et de ses légitimes succes­seurs » (Pie XI, Mortalium animos)1.

 

Dans ces conditions, ne serait-il pas plus sage, plus prudent, de mettre un terme à notre résistance et de nous soumettre aux ordres formels des papes de Vatican II et des évêques qui sont dans leur communion ? Après tout, puisque nous devons obéir, si ce qu'ils nous commandent est mal, ils seront les seuls à en porter la responsabilité devant Dieu.

 

C'est là que réside tout le problème. S'il s'agissait d'une erreur dans un acte isolé, pour lequel 1'infaillibilité ne serait pas engagée, une résistance passive, discrète, silencieuse, pourrait dans certains cas être admise jusqu'à ce que le pape accepte de revoir la question. Avec les papes de Vatican II, il s'agit de tout autre chose. Il s'agit de tout un ensemble d'actes continus qui sont de leur domaine et qui, de ce fait, sont couverts par l'infaillibilité. Normalement, nous devrions accep­ter toutes ces décisions. Or, c'est la fidélité à la parole de Dieu qui nous impose de résister.

 

En effet, c'est par fidélité au saint sacrifice de la Messe que nous refusons la synaxe de Paul VI dans laquelle des luthériens reconnais­sent la cène protestante. C'est par fidélité à l'Église qui a toujours enseigné que « le dogme le plus ferme de notre religion, c'est que hors de la foi catholique personne ne peut être sauvé » que nous refusons leur œcuménisme. C'est par fidélité à l'enseignement catholique que nous rejetons la liberté religieuse. Enfin, c'est par fidélité au dogme qui affirme que l'Église est le Corps mystique du Christ que nous ne pouvons accepter la nouvelle ecclésiologie.

 

1Traduction de Jacques Tescelin (Didasco. B.P. 2. Bruxelles 24). L'auteur a traduit excel­lemment « obediendo agnoscat et accipiat ». En effet, le pape met en garde contre les décla­rations que démentent les actes : c'est par l'obéissance que se manifeste la reconnaissance vraie de l'autorité et du pouvoir de Pierre.

 

 

II. La Solution du Problème

 

Le problème étant clairement posé, voyons quelle solution peut lui être apportée. Comme c'est un problème de foi, elle sera nécessai­rement du même ordre.

 

Père Guérard des LauriersJe rapporterai tout d'abord la réponse que propose1 le R.P. Guérard des Lauriers, o.p. ; elle est connue sous le nom de thèse de Cassiciacum. En voici le résumé :

 

L'Autorité pontificale est constituée comme telle, dans l'Église militante, par l'assistance du Christ au sujet élu : le Christ « est avec » le pape, et le pape « est avec » le Christ, d'une façon permanente et spéciale.

 

Chez le sujet élu, l'ultime disposition, nécessaire à la commu­nication par le Christ de cet « être avec », est l'intention effective et habituelle, c'est-à-dire le propos délibéré, de procurer le « Bien-fin » commis à l'Église, ce pour quoi son Fondateur l'a instituée.

 

L'« être avec » du Christ qui constitue l'Autorité pontificale, et l'intention habituelle de l'élu, qui en conditionne la communication, sont des réalités purement spirituelles ; elles ne tombent pas sous le contrôle des sens. On ne peut constater leur existence que par induc­tion, c'est-à-dire en observant les effets qui ne s'expliquent pas sans eux.

 

C'est en partant de cette considération métaphysique que le P. Guérard établit l'absence d'Autorité chez les papes de Vatican II. Voici son raisonnement :

 

Tout le monde peut le constater, ces papes ne travaillent pas habituellement à procurer le vrai bien de l'Église. Tout au contraire. Au nom de leur concile, ils prônent l’œcuménisme au lieu de soutenir la foi, ils ne maintiennent pas les sacrements, ils ne font pas que le vrai catéchisme soit enseigné, etc. Ce fait est si général qu'il a entraîné comme l'a reconnu Paul VI, une véritable « autodestruction de l’église. »

 

Le fait que, par leurs actes habituels, les papes de Vatican II ne manifestent pas qu'ils ont 1'intention effective d'assurer le Bien-fin de l'Église, qui est la condition sine qua non de l'Autorité pontificale, prouve indubitablement qu'ils sont dépourvus de l'Autorité qui constitue l'essentiel de la papauté2.

 

Le Révérend Père utilise aussi l'argument tiré de la publication de Dignitatis humanae, mais il s'en sert plutôt pour confirmer la justesse de son raisonnement. Il montre que l'opposition de contradic­tion qui existe entre ce document et l'enseignement irréformable de l'Église sur le même sujet « a disqualifié 1'"autorité" ». Le promulgateur de ce document et ses successeurs qui le maintiennent sont dépourvus de l'« être avec » qui constitue l'autorité pontificale. Ja­mais ils n'auraient enseigné officiellement l'erreur, jamais ils ne l'enseigneraient, s'ils possédaient l'Autorité pontificale.

 

Ces explications sont théologiquement des plus judicieuses, mais elles sont difficiles à saisir par ceux qui ne sont pas familiarisés avec la pensée de l'auteur. A son sujet, je dirais ce que saint Pierre écrivait des lettres de saint Paul « dans lesquelles il y a certains passages difficiles à comprendre » (I Pi. II, 16).

 

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Le lecteur l'aura remarqué, le Révérend Père a envisagé l'auto­rité pontificale dans son être même ou, pour parler comme les philo­sophes, ontologiquement.

 

Pour ma part, je préfère la considérer du point de vue juridi­que, en tant qu'elle est le droit que tout chef possède sur ses sujets quand il est dans son domaine. Si on l'envisage sous cet aspect, la solution du problème que les papes de Vatican II posent à la cons­cience catholique est beaucoup plus facile à saisir dans la lumière de la foi.

 

La foi, faut-il le rappeler, est cette vertu théologale qui nous fait tenir la parole de Dieu pour vraie et certaine en dépit de toutes les apparences contraires. Or, la foi enseigne qu'il faut obéir à toute autorité. « Il n'y a pas d'autorité qui ne vienne de Dieu, lisons-nous dans l'épître aux Romains, et celles qui existent ont été instituées par Dieu. C'est pourquoi celui qui résiste à l'autorité résiste à l'ordre établi par Dieu ; et ceux qui résistent attirent la condamnation sur eux-mêmes » (XIII, 1-2).

 

Or, c'est la foi théologale qui commande aux fidèles de résister aux papes de Vatican II en refusant leurs nouveautés, et la foi ne peut se contredire sans se détruire, car « tout royaume divisé contre lui-même périra » (Mt. XII, 25).

 

Cahiers de CassiciacumA la lumière de cette révélation qu'il accepte, le croyant, « en quête d'intelligence », essaye de comprendre. Il se dit : puisque Dieu sait tout, Il sait si ces papes sont ou ne sont pas revêtus de Son autorité. Comme Il ne peut se contredire, s'il nous commande de résister aux ordres que ces papes nous donnent dans leur propre domaine, Il nous assure ainsi que, dans leur propre domaine, ces papes sont démunis de l'autorité qu'ils devraient avoir ; s'ils en étaient revêtus, jamais Dieu ne nous commanderait de leur résister.

 

L'autorité pontificale constitue l'essentiel de la papauté. En effet, c'est par l'autorité qu'il est seul à posséder sur toute l'Église que l'évêque de Rome se distingue de tous les autres évêques catholiques.

 

Il est donc absolument certain qu'en nous commandant de leur résister la foi nous assure que les papes de Vatican II sont démunis de l'autorité pontificale. Ils ne sont pas les Vicaires du Christ. Ils ne font qu'occuper légalement3 le Siège de Pierre.

 

C'est donc dans la lumière de la foi théologale que le catholique trouve la solution au problème que les papes de Vatican II posent à sa conscience.

 

 

 

1« Lex orandi, lex credendi » in Cahiers de Cassiciacum I, mai 1979, pp. 23 sq.

2Sur cet important problème, on lira avec profit l'ouvrage de M. l'Abbé Bernard LUCIEN, La situation actuelle de l'Autorité dans l'Église.

3Je dis bien « légalement » et non « légitimement ».

III. Objection

 

Sans doute, diront certains, ces papes n'ont pas autorité pour commander ce que la foi nous ordonne de refuser, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne possèdent plus la papauté. En effet, jamais l'Église n'a enseigné que les supérieurs perdent leur autorité en commandant des péchés. Ainsi, quand un père de famille commande à ses enfants de pécher, ces derniers doivent lui résister. Mais il demeure malgré tout le père de ses enfants, il ne perd pas son autorité. Il en est de même pour le pape. Les fidèles doivent lui résister quand il commande le péché. Mais, bien que leur résistance soit juste, cela ne prouve pas pour autant que ce pape a perdu la papauté. Même quand on doit lui résister, le pape est toujours pape, comme le père de famille le plus coupable est toujours le père de ses enfants.

 

Cette objection est un sophisme. Pour le comprendre, rappe­lons ce qu'est l'autorité à la lumière des paroles de saint Paul. L'au­torité est une délégation que Dieu fait de son droit (de son domaine) à certaines de ses créatures. Quiconque la reçoit est revêtu de l'autorité de Dieu. Voilà pourquoi l'Apôtre dit que quiconque résiste à l'auto­rité résiste à Dieu qui l'a instituée.

 

C'est seulement au Christ que « tout pouvoir, omnis potestas, a été donné dans le ciel et sur la terre » (Mt. XXVIII, 18), l'autorité que Dieu délègue aux hommes est toujours limitée. Ainsi le prince ne la reçoit que pour les choses temporelles, et l'homme d'Église, pour les spirituelles. Dans chaque ordre le pouvoir est plus ou moins étendu : celui d'un chef d'état l'est beaucoup plus que celui d'un préfet ; celui du pape, beaucoup plus que celui d'un curé. En dehors du domaine pour lequel il a délégation, le supérieur n'a aucune autorité, aucun droit. Il en est ainsi du père de famille. L'autorité qu'il a sur ses enfants n'est pas illimitée ; elle ne s'étend ni à leur vie, ni à l'intégrité de leur corps, ni à leurs relations avec Dieu. Il n'a donc ni le droit de les tuer ou de les mutiler, ni celui de les faire pécher. Et donc, quand il commande dans ces domaines où il n'a pas autorité, ses enfants peuvent et doivent lui résister, mais lui ne perd pas une autorité qu'il n'a pas engagée. Et voilà pourquoi ce père indigne conserve son autorité paternelle.

 

Il en irait de même pour un pape qui, comme homme privé, commanderait à quelqu'un de pécher. Dans ce cas, il ne s'agirait pas du pape agissant en tant que pape, du pape enseignant à l'Église universelle la légitimité du vol, de la fornication, de l'adultère ou de quelque autre péché. Il s'agirait de l'homme privé qui, profitant de ce qu'il est pape, commanderait le péché. C'est donc à l'homme privé, à l'homme qui en cela n'a sur elle aucun droit, que résisterait la personne sollicitée. N'ayant en ce cas aucune autorité, ce pape ne pourrait ni l'engager, ni la perdre. Et voilà pourquoi il resterait pape, malgré sa conduite privée dépravée.

 

Il en est tout autrement des papes de Vatican II. Tout ce que nous refusons, la liturgie de la Messe, la liberté religieuse, l’œcuménisme, les sacrements, la catéchèse, tout est de leur domaine. C'est dans leur propre domaine que la foi nous commande de leur résister. C'est donc dans leur propre charge qu'ils sont démunis de l'autorité qu'ils de­vraient avoir. Privés d'autorité, ils sont privés de la papauté. Car la papauté n'est pas autre chose que l'autorité suprême de l’Évêque de Rome sur toute la chrétienté. Démunis de l'autorité pontificale, ils ne sont pas ou ne sont plus les Vicaires du Christ. Le Christ ne parle plus par leur bouche et la parole du Maître : « Qui vous écoute m'écoute » (Lc X, 16) ne vaut pas pour eux. Voilà la raison pour laquelle la foi nous commande de mépriser leurs ordres et leur enseignement nouveau.

 

 

IV. Conclusion

 

La réponse de la foi et celle de la métaphysique surnaturelle au problème que les papes de Vatican II posent à la conscience catholique sont aussi claires qu'apaisantes et réconfortantes.

 

Elles sont claires. Il suffit de posséder l'esprit de foi catholique pour comprendre que jamais cette vertu théologale ne nous commanderait de résister à ces papes, jamais ces papes n'auraient enseigné officiellement l'erreur, jamais ils ne la maintiendraient officiellement, s'ils étaient vraiment revêtus de l'Autori de Pierre. De cela, ceux qui vivent leur foi ne peuvent douter.

 

Aux catholiques que ce problème angoisse, cette réponse de la foi apporte donc la paix et le réconfort. Non, ils ne se sont pas trom­pés en résistant aux papes de Vatican II, en refusant les nouveautés de leur concile pour garder fidèlement la doctrine du Christ et des Apôtres telle que l'Église catholique romaine l'a toujours comprise et enseignée. Qu'ils soient donc anathèmes ceux qui tentent de nous la changer !

 

Apaisante, réconfortante, cette réponse est aussi absolue. Elle se fonde sur la parole de Dieu qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Aucun doute n'est permis, même aux simples fidèles, qui doivent toujours être prêts à répondre pour leur défense à quiconque leur demande compte de leur espérance (I Pi III, 15). Douter seulement que les papes de Vatican II n'ont pas perdu leur autorité serait douter de la véracité de Dieu. En effet, dans cette hypothèse absurde, Dieu se contredirait. Il commanderait de résister aux papes de Vatican II et menacerait de sa malédiction ceux qui Lui obéiraient en leur résistant. Non, aucun doute n'est permis aux fidèles au sujet des papes de Vatican II : puisque c'est la foi qui nous commande de leur résister, c'est elle qui nous assure qu'ils n'ont pas d'autorité.

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