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La Validité des Consécrations de Mgr Thuc

Publié le par Études Antimodernistes

NB : La lecture de ce long article fastidieux et rempli de références est beaucoup plus aisée et agréable au format PDF. Nous publions cependant le texte complet sur le blog, pour permettre une recherche internet plus facile.

Par M. l'Abbé Anthony Cekada

 

Sacerdotium n°3, Printemps 1992.

EtudesAntimodernistes.fr, Décembre 2016.

 

Mgr ThucLors d'une conversation avec l'archevêque Mgr Marcel Lefebvre en 1980, je fis allusion à mes inquiétudes quant à trouver un évêque après sa mort qui pourrait ordonner des prêtres catholiques traditionnels et confirmer nos enfants.

 

L'archevêque — à cette époque il n'avait pas indiqué s'il consacrerait un jour des évêques — répondit avec tact que la question l'inquiétait lui aussi, et que « Deus providebit » — Dieu pourvoira. Il ajouta, avec un de ces rires typiquement français, que chaque fois qu'il avait une petite toux ou qu'il reniflait dans la chapelle du séminaire d'Ecône, il pouvait presque entendre les 80 séminaristes changer en silence leur prière en une unique et fervente demande : « Seigneur, faites qu'il vive — au moins jusqu'à ce qu'il m'ordonne ! »

Cette anecdote amusante met en lumière une question sérieuse : en tant que catholiques traditionnels, les sacrements constituent le centre de notre vie spirituelle et la clé de notre salut. Nous savons que si nous voulons entendre la Messe, recevoir la Sainte Communion, avoir nos péchés absous et être fortifiés par les derniers sacrements, nous avons besoin de prêtres. Et nous savons qu'il n'y a que des évêques qui puissent faire des prêtres.

Où donc, alors, pourrions-nous aller trouver les évêques qui ordonnent des prêtres catholiques traditionnels, et faire ainsi en sorte que la Messe Latine traditionnelle continue à être célébrée sur nos autels ?

Les laïcs et le clergé ayant des liens avec la Fraternité Saint Pie X (en particulier les séminaristes nerveux) n'ont plus besoin de s'inquiéter. Le 30 juin 1988 Mgr Lefebvre et l'évêque de Campos (Brésil) en retraite, Mgr Antonio de Castro-Mayer, ont sacré quatre évêques pour la Fraternité Sacerdotale St. Pie X. Ces évêques ont à leur tour ordonné de nouveaux prêtres pour la Fraternité, et récemment ils ont sacré un évêque pour succéder à Mgr de Castro-Mayer à Campos.

Les évêques de Mgr Lefebvre se cantonnent pour leur ministère épiscopal aux chapelles et au clergé qui accepte sans condition toutes les opinions théologiques de la Fraternité et qui lui remettent le contrôle légal de leurs propriétés. De la même manière, ces évêques n'ordonneront à la prêtrise que les séminaristes qui font allégeance aux positions de la Fraternité.

De nombreux prêtres traditionalistes ne sont pas d'accord avec les positions de la Fraternité et avec ses manières de faire. Nous ne pouvons pas compter sur un évêque de Mgr Lefebvre pour que les enfants de nos chapelles reçoivent le sacrement de confirmation. Nous ne pouvons pas même trouver un séminaire qui instruise le clergé qui doit un jour nous succéder, ni imaginer que les évêques de Mgr Lefebvre puissent ordonner à la prêtrise les séminaristes que nous formons.

Mais les évêques de Mgr Lefebvre n'ont pas le monopole. Aux États-Unis, à l'heure actuelle, se trouvent six ecclésiastiques traditionnels catholiques que l'on nomme communément évêques « Thuc ». À la différence des évêques de Mgr Lefebvre, ceux de Mgr Thuc n'ont pas de liens qui les constituent en une organisation unique. Ils œuvrent indépendamment les uns des autres (comme la plupart des prêtres traditionnels), même si certains d'entre eux coopèrent ensemble dans certaines tâches apostoliques.

De même, tout comme les prêtres catholiques traditionnels, les six évêques « Thuc » sont de divers genres. Cinq d'entre eux sont âgés, et ont été formés et ordonnés à la prêtrise avant le choc des changements désastreux qui ont suivi Vatican II ; un autre (assez jeune) a reçu une formation traditionnelle et a été ordonné prêtre dans l'ancien rite bien après Vatican II. Trois étaient prêtres diocésains ; trois étaient membres de divers ordres religieux. Quatre de ces évêques coopèrent gracieusement avec les chapelles et le clergé catholique traditionnel à l'extérieur de leur milieu propre ; deux sont définitivement dans leur monde à part. Parmi ces six évêques, l'un a une réputation notoire de faiseur de troubles, l'autre n'est pas vraiment connu d'une manière ou d'une autre, et les quatre autres (dont deux récemment consacrés) sont considérés avec bienveillance dans les cercles où ils poursuivent leur apostolat, soit par leurs écrits, soit par leur ministère sacramentel.

Les évêques « Thuc » aux États-Unis se situent dans la lignée épiscopale d'un où deux hommes :

  • Mgr M.L. Guérard des Lauriers OP, antérieurement professeur à l'Université Pontificale du Latran à Rome, puis au Séminaire de la Fraternité St Pie X à Ecône, en Suisse (ce fut l'un de mes professeurs), et l'auteur du célèbre Bref examen critique du N.O.M.

  • Mgr Moïse Carmona-Rivera, prêtre diocésain d'Acapulco, qui durant des années a célébré la Messe traditionnelle pour d'importants groupes de fidèles en différents endroits du Mexique.

En 1981 Mgr Guérard et Mgr Carmona ont été sacrés évêques par un homme : Mgr Pierre Martin Ngô-dinh-Thuc ( † 1984 ), ancien Archevêque de Hué au Vietnam.

Mgr ThucMgr Thuc, nommé par Pie XI et sacré évêque en 1938, fonda le diocèse de Vinh-Long et fut nommé Archevêque de Hué en 1960. En 1963, alors que Mgr Thuc se trouvait à Rome pour le second Concile du Vatican, son frère, M. Ngô-dinh-Diem, Président du Sud-Vietnam, fut renversé et assassiné lors d'un coup d'état. Incapable de retourner au Vietnam et traité par le Vatican comme un paria, Mgr Thuc mena une maigre existence en qualité de vicaire remplaçant dans différentes paroisses de Rome.

Son intérêt pour le mouvement traditionnel semble avoir commencé au début de l'année 1975 lors de sa visite au séminaire d'Ecône de Mgr Lefebvre, en Suisse. Cet événement prendra par la suite le tour d'une bénédiction mitigée. C'est là en effet que Mgr Thuc fit la connaissance impromptue de M. l'Abbé Revaz, ancien Chancelier du diocèse de Sion, en Suisse, et professeur de Droit Canon au séminaire d'Ecône. Ultérieurement, cette même année, M. l'abbé Revaz convainquit Mgr Thuc que la solution au problème de l'Église se trouvait dans de supposées « apparitions mariales » à Palmar de Troya, en Espagne, et il pressa l'archevêque de consacrer des évêques au profit de ceux qui soutenaient Palmar, et qui voulaient préserver la Messe traditionnelle. Mgr Thuc accepta et réalisa les sacres en décembre. L'année suivante, cependant, Mgr Thuc répudia ses relations avec le groupe de Palmar.1

Les catholiques traditionnels qui discutent des activités ultérieures de Mgr Thuc au sein du mouvement traditionnel se répartissent en deux camps opposés. Le premier groupe le canonise en faisant de lui un portrait de vaillant héros, qui a rejeté avec force toutes les erreurs de l'Église post-conciliaire. Le second groupe l'insulte en le dépeignant comme un vieux dérangé qui manquait suffisamment de présence d'esprit pour pouvoir conférer des sacrements valides.

Les deux groupes se trompent. D'une part, alors que Mgr Thuc disait véritablement la messe traditionnelle, il aurait été difficile de le considérer comme un autre Athanase. Ses actes et ses déclarations sur la situation de l'Église étaient, comme pour Mgr Lefebvre, souvent contradictoires et mystifiantes. De plus, comme Mgr Lefebvre, il accepta lui aussi en apparence un accord avec le Vatican, et ultérieurement changea d'opinion. D'autre part, zigzaguer sur le plan théologique et commettre des erreurs de jugement pratique ne font que prouver qu'un archevêque (faites la part des choses) peut être humain et faillible. Cela ne prouve pas qu'il ait perdu le minimum mental que l'Église dit suffisant pour rendre ses sacrements valides.

Mais c'est ici faire quelque peu digression. Notre propos n'est pas de retracer le parcours de Mgr Thuc. Nous cherchons plutôt à déterminer si les six évêques « Thuc » des États-Unis sont ou non consacrés validement évêques – c'est-à-dire, s'ils possèdent ou non le pouvoir sacramentel que possède tout évêque catholique afin d'administrer le sacrement de confirmation, d'ordonner des prêtres qui soient réellement prêtres, et afin de consacrer d'autres évêques qui soient de vrais évêques.

Ce pouvoir sacramentel, appelé Succession Apostolique, se transmet d'un évêque catholique à tous les évêques qu'il consacre. Ceux-ci à leur tour continuent de transmettre le pouvoir sacramentel à tous ceux qu'ils consacrent, et ainsi de suite.

Pour poursuivre notre enquête, par conséquent, nous devons porter notre regard sur les consécrations épiscopales des deux prélats dont les six évêques « Thuc » aux États-Unis ont reçu leurs consécrations : Mgr Guérard et Mgr Carmona. Si les consécrations épiscopales de ces deux derniers doivent être considérées comme valides, la continuité de la transmission des ordres qui provient d'eux est de même valide.

Ceci dit, comme nous allons le démontrer plus loin, les faits pertinents et les déclarations des papes, des canonistes (experts du droit canon) et des théologiens moralistes catholiques, tout conduit à une conclusion inévitable : nous sommes obligés de considérer comme valides les consécrations épiscopales de l'Archevêque P.M. Ngô-dinh-Thuc conférées à M. L. Guérard des Lauriers et à Moïse Carmona-Rivera.

Puisque les consécrations de Mgrs Guérard et Carmona furent valides, de la même manière nous sommes obligés de considérer comme valide la lignée des ordres qui en découle, et par conséquent de soutenir que les prêtres ordonnés dans cette lignée sont de vrais prêtres, et que les évêques consacrés dans cette lignée sont de vrais évêques.


 


 

1Einsicht 11 (Mars 1982), 12. « Je n’ai plus de relations avec Palmar depuis que leur chef se proclame Pape. Je désapprouve tout ce qu’ils font. »

I. Quelques remarques concernant l'enquête.

En 1982, deux Américains commencèrent en tant qu'évêques « Thuc » aux États-Unis. Les circonstances environnant leur apparition n'auguraient rien de bon pour l'avenir, c'est le moins que l'on puisse dire.

L'un des deux était un prêtre, à l'époque relativement nouveau dans le mouvement traditionnel, et les détails concernant la façon ou les raisons pour lesquelles il avait été sélectionné en vue d'une consécration épiscopale n'ont jamais été entièrement élucidées. L'autre ne fit que courir après la mitre. En tant que prêtre, en février 1982, il se vantait de son soutien pour Jean-Paul II. Très peu de temps après, une rumeur concernant les évêques « Thuc » et leur attitude dure à l'encontre de Jean Paul II commença à se répandre. En juin il embrassa la position sédévacantiste. En août l'autre américain le sacra évêque.

Après cela, ces deux évêques passèrent à des dénonciations, firent exploser quelques chapelles, fulminèrent des « excommunications, » prétendirent fonder des diocèses, et en dehors de cela poursuivirent un programme du genre « suis-moi ou meurs », si endémique au sein du clergé traditionnel.

En janvier 1983, j'ai publié un long article exposant ces faits, en même temps qu'un portrait à-la-loupe de Mgr Thuc. Je n'y examinai pas la question de savoir si les consécrations étaient valides, mais je remarquai que « une recherche plus profonde serait nécessaire pour avoir le cœur net concernant ce que les théologiens et les canonistes considèrent comme preuve suffisante pour la validité dans un tel cas. »1

En l'absence d'une telle recherche, j'avais personnellement tendance à considérer les consécrations comme douteuses. Il en allait de même pour mes confrères prêtres dans le Nord-Est. De plus, même après notre expulsion de la Fraternité Saint Pie X en avril 1983, les activités des deux évêques « Thuc » américains rendirent l'idée d'une coopération avec eux moralement impossible. Et la question en resta à ce stade durant environ deux années.

Mgr de Castro MayerEn 1985, l'un de mes confrères, M. l'Abbé Donald Sanborn, suggéra que notre groupe se rende auprès de Don Antonio de Castro-Mayer, l'évêque de Campos à la retraite, au Brésil, afin de voir s'il accepterait d'ordonner des prêtres pour nous, ou du moins de nous donner quelque conseil. Ce prélat avait eu une forte réaction contre la Nouvelle Messe, et sa position concernant Jean Paul II était connue comme étant bien plus dure que celle de Mgr Lefebvre.

M. l'Abbé Sanborn fit une visite à Campos en avril 1985 et parla très longuement avec Mgr de Castro-Mayer. Celui-ci voulait confiner son apostolat au Brésil.

Lorsque l'abbé aborda la question de savoir qui pourrait ordonner des prêtres pour nous, Mgr de Castro-Mayer lui dit : « Allez voir Mgr Guérard ! »

L'Abbé Sanborn lui répondit qu'il avait des doutes quant à la validité de la consécration épiscopale de Mgr Guérard. L'évêque répliqua : « Si c'est valide pour Mgr Guérard, c'est valide pour moi. » L'abbé Sanborn lui expliqua quelques-unes de ses hésitations. Mgr de Castro-Mayer répondit : « Mgr Guérard est la personne la plus qualifiée au monde pour déterminer si la consécration était valide. »

A son retour l'Abbé Sanborn proposa que quelques-uns d'entre nous recherchassent les principes moraux utilisés par les théologiens pour déterminer si une consécration épiscopale est valide. Comme j'étais sceptique vis-à-vis des consécrations, je me portai volontaire pour travailler avec lui.

La recherche se révéla être un travail énorme. Depuis 1985, M. l'abbé Sanborn et moi avons à nous deux effectué au moins un millier d'heures de recherche, dont une bonne partie au sein des sections de théologie et de droit canon des bibliothèques des universités catholiques et des séminaires à travers tous les États-Unis.2

La conclusion qui commença à émerger fut, je l'admets, contraire à mon attente initiale. Point n'est besoin de preuve « spéciale » ou « supplémentaire » à produire avant de pouvoir dire qu'une consécration épiscopale est valide. Les canonistes et les théologiens traitent une consécration comme ils le feraient pour n'importe quel autre sacrement. Une fois qu'elle a été accomplie, elle est considérée comme valide, et la « charge de preuve » (s'il y en a) revient à ceux qui attaquent sa validité.

Lors d'une réunion de prêtres en septembre 1988, M. l'Abbé Sanborn distribua un bref compte-rendu interne aux prêtres sur les principes théologiques qu'il fallait appliquer. L'abbé conclut que nous devions considérer les consécrations comme valides.

De bout en bout, je trouvai que le compte-rendu était convaincant. En particulier, les commentaires de l'Abbé correspondaient à ce que j'avais découvert dans la Bulle du Pape Léon XIII, Apostolicae Curae.

Une discussion passionnée s'ensuivit. Ultérieurement, ce jour là, j'eus une discussion avec M. l'Abbé Clarence Kelly, chef de notre organisation. Je lui fis part de ce que la déclaration de Léon XIII semblait démolir mes objections concernant la validité des consécrations – tout comme les siennes. Il répliqua : « Nous ne pouvons pas dire que les consécrations [des évêques « Thuc »] sont valides – ou bien certains de nos prêtres voudront travailler avec eux. »

Arrivé à ce point, je conclus que les arguments contre la validité des consécrations reposaient peut-être sur quelque chose d'autre que les normes objectives de la théologie sacramentelle.

Après avoir quitté la Société de St Pie V en juin 1989, M. l'Abbé Sanborn et moi continuâmes à comparer nos notes de recherches. Ce qui suit est le produit de nos efforts de collaboration. La part du lion, en termes de crédit, appartient à M. l'Abbé Sanborn, qui par sa forte détermination en vint à retrouver les sources théologiques et les décrets pontificaux.


 


 

1The Roman Catholic 5 (Janvier 1983), 8.

2Entre autres : Catholic University, St. John’s, Fordham, Xavier, Marquette, Detroit, Dunwoodie, Douglaston, St. Francis et le Josephinum.

II. Le Fait des Consécrations.

Commençons notre enquête en posant deux questions simples :

  • Le 7 mai 1981 à Toulon, en France, Mgr Thuc a-t-il accompli le rite de consécration épiscopale pour M. L. Guérard des Lauriers en utilisant le rite traditionnel catholique ?

  • Le 17 octobre 1981 à Toulon, en France, Mgr Thuc a-t-il accompli le rite de consécration épiscopale pour Moïse Carmona en utilisant le rite traditionnel catholique ?

La réponse aux deux questions est oui.

Mais, notez bien que nous avons utilisé une expression maladroite. Nous avons demandé si l'archevêque Thuc avait accompli le rite de consécration épiscopale pour deux personnes, plutôt que de demander s'il les avait consacrées. Pourquoi ?

Pour attirer l'attention sur une distinction importante entre deux choses :

  • Le fait du sacrement – c'est-à-dire, est-ce qu'une cérémonie a eu lieu ? et

  • La validité du sacrement – c'est-à-dire, est-ce que la cérémonie a fonctionné ?

Les canonistes et les moralistes catholiques tels que les Pères Cappello1, Davis2, Noldin3, Wanenmacher4, et Ayrinhac5 présument que cette distinction comme étant évidente. Cette distinction est également suivie par les tribunaux ecclésiastiques quand ils doivent juger de la validité d'un mariage6 ou d'une ordination7. Les faits d'abord, la validité ensuite.

Dans cette section, par conséquent, nous n'allons pas nous occuper de la question de la validité (les consécrations ont-elles fonctionné ?), mais simplement de la question du fait (Est ce que la cérémonie a eu lieu ; est-ce que Mgr Thuc a accompli le rite ?).

Certainement, les consécrations ont eu lieu. Mais puisque quelques prêtres traditionnels ont fait valoir que le fait des consécrations n'était pas « prouvé » ou « certain, » ou qu'il ne pouvait pas être « reconnu, » nous allons prendre quelques instants pour prouver ce qui est évident.


 

A. Des « Limbes juridiques. »

Quand les choses étaient normales dans l’Église, il était facile de certifier le fait qu'une consécration épiscopale avait eu lieu. On allait voir quelqu'un ayant autorité. La personne faisait une recherche dans les registres officiels. Si une personne habilitée de l’Église avait dûment enregistré la consécration dans le registre, la loi de l’Église regardait celle-ci comme un fait – « prouvé » aux yeux de la loi ecclésiale. Il en allait de même pour les baptêmes, les confirmations et les ordinations sacerdotales.

Si ces registres officiels étaient perdus, ou avaient été accidentellement détruits, on procédait autrement. On apportait la preuve à quelqu'un ayant autorité – un évêque diocésain, ou le juge d'un tribunal au Vatican, par exemple. La personne compétente examinait la preuve et éditait un décret en déclarant qu'untel et untel avaient bien reçu le sacrement.

Ces clercs jouissaient d'un pouvoir légal appelé la juridiction ordinaire – autorité, dérivant en dernier ressort du pape, pour commander, faire des lois, punir et juger. Une partie de cette autorité consistait dans le pouvoir d'établir aux yeux de l’Église le fait qu'un certain acte sacramentel avait été posé – et ainsi le faire fonctionner comme pendant du plan sacramentel, au Registre des Actes.

Dans les deux cas – celui des registres officiels ou celui des décrets hiérarchiques – quelqu'un jouissant d'une juridiction ordinaire exerçait son pouvoir. Il jugeait avoir suffisamment de preuves légales pour pouvoir dire qu'une ordination particulière avait été accomplie. Il la faisait figurer dans le registre officiel, ou faisait paraître un décret. Le fait de l'ordination était désormais établi devant la loi.

A la différence de ceci, considérons ma propre ordination. C'est un fait que Mgr Lefebvre m'a ordonné à la prêtrise à Ecône, en Suisse, le 29 juin 1977. Mais ce fait n'a pas été légalement établi. Il n'est pas inscrit au registre des ordinations du diocèse de Sion, comme le requiert la loi de l'Église. Si l'Église devait retrouver la normalité au cours de ma vie, j'irais à quelqu'un ayant une juridiction ordinaire. Celui-ci prendrait alors connaissance des preuves, et émettrait un décret qui établirait légalement le fait de mon ordination.

Où en est le fait des consécrations « Thuc » ? Au même endroit que mon ordination, que les sacres « Lefebvre », et que tous les sacrements que confère le clergé catholique traditionnel : dans une sorte de limbes juridiques. Puisque personne dans le mouvement traditionnel ne possède une juridiction ordinaire, personne n'a le pouvoir d'accepter la preuve légale lorsque un sacrement particulier a été conféré, pour l'établir ensuite comme un fait devant la loi de l’Église. Il s'agit là d'une fonction qui relève de juges ecclésiastiques ayant reçu leur autorité d'un pape.

Néanmoins, nous, catholiques traditionnels, pouvons établir et établissons le fait que nous avons conféré ou reçu des sacrements. Le moyen que nous utilisons est la certitude morale, un concept simple que nous allons appliquer aux consécrations « Thuc, » de la même manière que nous le faisons pour tout autre sacrement.


 


 

1F. Cappello, Tractatus Canonico-Moralis De Sacramentis, (Rome: Marietti 1961), 1:21. « Quoties rationabile seu prudens adest dubium de collato sacramento necne aut de collati sacramenti valore. » Emphase ajoutée.

2H. Davis, Moral and Pastoral Theology. (New York: Sheed and Ward 1943), 3:25. The « validity of a sacrament bestowed. » Emphase ajoutée.

3H. Noldin & A. Schmitt, Summa Theologiae Moralis (Innsbruck: Rauch 1940), 3:27. “In sacramentis… dubium facti habetur, si dubitatur, an sacramentum reipsa collatum sit vel quomodo collatum sit, nempe cum debita materia, forma et intentione. » Emphase originale.

4F. Wanenmacher, Canonical Evidence in Marriage Cases, (Philadelphia: Dolphin 1935), 500. « …when the fact of baptism has been established, but the validity remains doubtful… » Emphase ajoutée.

5H. Ayrinhac, Legislation on the Sacraments (New York: Longmans 1928), 6. « Should a prudent doubt exist as to the fact of their administration or their validity … » Emphase originale.

6Code de Droit Canon, Canon 1014. « in dubio standum est pro valore matrimonii, donec contrarium probetur… »

7Voir S.C. Sacrements, Décret du 9 Juin 1931, Acta Apostolicae Sedis 23 (1931), 457ss.

B. Documentation.

A la différence des consécrations « Lefebvre » de 1988, les consécrations « Thuc » ont reçu peu ou pas du tout de publicité aux États-Unis. Toutefois, il est facile d'apporter des preuves concernant le fait que les cérémonies ont eu lieu. En voici quelques sources :Sacre de Mgr Guérard

  • Les photographies publiées de la consécration de Mgr Guérard le 7 mai 1981.1

  • Les photos publiées des consécrations de Mgr Carmona et de Mgr Adolfo Zamora le 17 octobre 1981.2

  • Les titres de journaux accompagnant des déclarations selon lesquelles Mgr Thuc avait consacré selon Le Pontifical Romain (édition de 1908).3

  • Une interview de 1988, menée sous serment, avec le Dr Kurt Hiller, qui a été présent aux deux consécrations et qui a tenu le livre du rite (le Pontifical Romain) pour Mgr Thuc lorsque celui-ci a accompli le rite de consécration.4

  • Un serment solennel du Dr Eberhard Heller, qui était également présent aux deux consécrations, attestant que les évêques Guérard, Carmona et Zamora ont été sacrés évêques par l'archevêque Mgr Thuc et que « les consécrations ont suivi le Pontifical Romain (Rome : 1908). »5

  • Une lettre du cardinal Joseph Ratzinger à l'Archevêque Mgr Thuc, qui traite de « l'enquête fondée » du Vatican concernant les consécrations, et qui note explicitement que Mgr Thuc a consacré Guérard, Carmona et Zamora.6

  • Une déclaration du Vatican de 1983 qui mentionne par leurs noms ceux qui ont été sacrés et (comme on peut s'y attendre) dénonce les consécrations.7

  • Une lettre publiée de Mgr Thuc, datée du 11 juillet 1984, dans laquelle il fait savoir qu'il a conféré l'épiscopat en 1981 à « plusieurs prêtres, particulièrement le R.P. M.L. Guérard des Lauriers, O.P., Moïse Carmona, et Adolfo Zamora ».8

  • Une interview avec Mgr Guérard, publiée, dans laquelle il atteste que Mgr Thuc l'a consacré le 7 mai 1981, que « la consécration était valide », que « le rite traditionnel a été suivi intégralement (excepté pour la lecture du mandat Romain) », et que « Mgr Thuc et moi avions l'intention de faire ce que fait l’Église.»9

  • Une interview avec Mgr Guérard où il a encore affirmé qu'il avait été consacré le 7 mai 1981, et que le rite avait été suivi intégralement.10

  • Une interview avec le Père Noël Barbara, conduite sous serment, dans laquelle le Père Barbara a déclaré qu'il avait rendu visite à Mgr Thuc en 1982, et que Mgr Thuc a fait ensuite connaître qu'il avait réellement consacré Mgr Guérard et Mgr Carmona.11

Sacre de Mgr GuérardToutes ces sources, évidemment, sont en accord avec la question-clé : le fait que l'évêque Mgr Thuc ait accompli le rite de consécration épiscopale au profit de Mgr Louis Guérard des Lauriers le 7 mai 1981, et au profit de Moïse Carmona et Adolfo Zamora le 17 octobre 1981.

Les déclarations du Dr Heller, du Dr Hiller, de Mgr Guérard et les titres des photos (rédigés par le Dr Heller), qui plus est, sont en accord avec un autre problème clé : le fait que Mgr Thuc a utilisé le rite traditionnel pour procéder aux consécrations.


 

C. Un fait établi

Face à cette documentation, le lecteur conclut à bon droit que c'est un fait que Mgr Thuc a accompli ces consécrations, et un fait qu'il a utilisé le rite catholique traditionnel. Pourquoi ? Les documents convergent tous vers les mêmes faits de base. Les parties concernées n'ont jamais changé leur histoire concernant ces faits. Ceci « sonne vrai. »

Le « son de la vérité » que nous entendons, quand nous considérons des faits à ce sujet ou dans toute autre matière, provient de la certitude morale, une référence du bon sens que nous utilisons à tout bout de champ.

Les théologiens moralistes catholiques disent que la certitude morale apparaît quand nous prenons conscience de ce qu'il est impossible pour nous d'être dans l'erreur au sujet d'un fait particulier, puisque le contraire de ce fait est si invraisemblable que nous prenons aussitôt conscience qu'il serait imprudent de le croire.12 Ceci implique de considérer le contraire de quelque chose pour examiner combien il est vraisemblable ou non.

Ici, un exemple**nous aidera : je n'ai pas vu mourir Elvis Presley. Cependant sa femme, le médecin, le shériff, et l'entrepreneur disent tous qu'il est mort. Je prends en considération le contraire : que Elvis vit et rôde dans les allées de mon supermarché. Mais ceci signifierait que les quatre personnes qui ont vu son corps mort et qui disent qu'il est mort sont des menteurs, impliqués dans une énorme conspiration. Ceci est tellement improbable que je ne pourrai jamais le croire possible. Je suis donc parvenu à une certitude morale concernant un fait : Elvis — « The King »— est mort, bien sûr.

Mgrs Zamora, Thuc et CarmonaPour parvenir à une certitude morale au sujet des consécrations « Thuc, » par conséquent, on se demande si le contraire de la preuve que nous possédons est suffisamment vraisemblable pour être crédible : c-à-d, que Mgr Thuc n'a pas accompli la consécration de Mgr Guérard ni de Mgr Carmona, ou bien que s'il les a accomplies, il n'a pas utilisé le rite traditionnel.

Ceci présuppose des scénarios tels que le suivant : (1) que Mgr Thuc, Mgr Guérard, Mgr Carmona, Mgr Zamora (maintenant décédé), et deux laïcs sédévacantistes ont menti, ont falsifié des photos à deux occasions, ont commis un parjure dans deux cas, et se sont impliqués dans une conspiration complexe et bien orchestrée. (2) Que les six différentes personnes les plus directement impliquées ont été complètement trompées au sujet du fait que deux consécrations épiscopales ont eu lieu. (3) Que Guérard, Carmona et Zamora ont ultérieurement procédé à des ordinations et à des consécrations épiscopales dont ils savaient qu'elles étaient entièrement nulles et non avenues. (4) Que Guérard, Carmona et Zamora, aidés et assistés par les docteurs Hiller et Heller, ont autorisé Mgr Thuc à les consacrer avec un rite autre que le rite catholique traditionnel. (5) Les personnes impliquées dans ces consécrations ont aussi trompé les officiels du Vatican au sujet de l'événement, ou bien ont obtenu du Vatican qu'il participe à la conspiration.

Ces scénarios, évidemment, sont ridicules et absurdes, et aucune preuve n'existe qui puisse les soutenir. Mais ils constituent l'unique genre de théorie que quelqu'un puisse mettre en avant s'il veut dire que nous n'avons aucune certitude morale au sujet du fait des consécrations de Mgr Thuc. Et si quelqu'un trouve ces alternatives crédibles ou vraisemblables, tout ce que je peux lui dire est : gardez les yeux bien ouverts au supermarché.

Ceci nous laisse avec une certitude morale au sujet du fait des consécrations « Thuc, » certitude « qui exclut toute peur d'erreur et tout doute sérieux ou prudent ».13 Voici tout ce que les théologiens demandent pour un sacrement quel qu'il soit. Puisque nous n'avons aucun terrain sérieux de discussion pour remettre en cause le fait que les consécrations ont eu lieu et que l'ancien rite a été utilisé, nous devons considérer ces deux occurrences comme des faits établis.


 


 

1Einsicht 12 (May 1982), 4–6.

2Einsicht 11 (March 1982), 14–19.

3Einsicht 11 (March 1982), 14. “Bischofsweihe S.E. Mgr. M.-L. Guérard des Lauriers, o.p.: in Toulon am 7.Mai 1981; Konsekrator: S.E. Mgr. Pierre Martin Ngô-dinh-Thuc: nach dem ‘Pontificale Romanum summorum pontificum jussu editum a Benedicto XIV et Leone XIII. Pont. Max.’ (Ratisbonae, Romae, etc. 1908).” “Bischofsweihe S.E. Mgr. Moises Carmona und S.E. Mgr. Adolfo Zamora in Toulon am 17 Oktober 1981; Konsekrator: S.E. Mgr. Pierre Martin Ngô-dinh-Thuc: nach dem ‘Pontificale Romanum’ (Ratisbonae, Romae, etc. 1908, S. 520 ff).

4Clarence Kelly, et al., Interview with Dr. Kurt Hiller, Munich, February 1988, passim.

5Eberhard Heller, “Eidesstattliche Erklärung zu den Bischofsweihen von I.E. Mgr. M.L. Guérard des Lauriers, Mgr. Moises Carmona und Mgr. Adolfo Zamora,” Einsicht 21 (July 1991), 47. “Um noch bestehende Zweifel an den von S.E. Mgr. Pierre Martin Ngo-dinh-Thuc gespendeten Bischofsweihen. die z.B. von bestimmten Personen und Gruppen in den U.S.A. geäußert werden, und weil seine Excellenz inzwischen verstorben ist, er sich also dazu selbst nicht mehr äußern kann, erkläre ich an Eides statt, da ich den betreffenden Konsekrationen durch Mgr. Ngo-dinh-Thuc persönlich beiwohnte: Ich bezeuge, daß S.E. Mgr. M.L. Guérard des Lauriers O.P. am 7.Mai 1981, I.E. Mgr. Moises Carmona und Mgr. Adolfo Zamora am 17 Oktober 1981 in Toulon/ Frankreich von S.E. Mgr. Pierre Martin Ngo-dinh-Thuc zu Bischöfen der hl. katholischen Kirche geweiht wurden. Die Konsekrationen erfolgten nach dem ‘Pontificale Romanum’ (Rom 1908). Mgr. Ngo-dinh-Thuc spendete die Weihen im Vollbesitz seiner geistigen Kräfte und in der Absicht, der Kirche aus ihrer Notsituation herauszuhelfen, die er in seiner ‘Declaratio’ über die Sedisvakanz vom 25. Februar 1982 präzisierte. München, den 10. Juli 1991. E. Heller.”

6Ratzinger à Mgr Thuc, Lettre du 1er Février 1983. « Après le délai nécessaire à une enquête fondée, la S. Congrégation pour la Doctrine de la Foi a pu s’assurer qu’au moins depuis 1981… vous avez également conféré… l’ordination épiscopale au religieux français M.L. Guérard des Lauriers, OP, ansi qu’aux prêtres mexicains Moises Carmona et Adolfo Zamora. »

7S.C. Pro Doctrina Fidei, Notificatio 12 March 1983, Acta Apostolicae Sedis (April 1983).

8L’Osservatore Romano, édition anglaise, 24 décembre 1984.

9Sodalitium 4 (May 1987), 24. « Affermo che questa Consecrazione è valida… Atteso che: 1) il rito tradizionale è stato integralmente osservato (fatto eccezione della lettura del ‘mandato romano’!): 2) Mons. Thuc ed io avevamo l'intenzione di fare ciò che fa la Chiesa. » Emphase originale.

10Joseph F. Collins, Notes of Interview with Guérard, La Charité (France), August 1987.

11Clarence Kelly, et al., Interview with Noël Barbara, Greenwich CT, May 1990.

12Voir J. McHugh & C. Callan, Moral Theology, New York: Wagner 1929), 1:643. « Judgments are morally certain, when error is impossible according to what is customary among mankind, the opposite of what is held by the mind being so unlikely that it would be imprudent to be moved by it. »

*Adnotatio editoris: Ne quid a devotis etiam rudis lectoribus celeretur, auctor reverendus planum facit se dicere fabulam, latius in Statibus Foederatis Americae ab ephemeridibus aliis sordidis diffusam, quod E. Presley, citharoedum ac divum populo gratissimum (qui «Rex» appellabatur et obiit circa idibus Augusti, anno MCMLXXVII), non vero obiisse, sed vivit jam, quasi in occulto, interdum tamen se videndum praestans, praesertim uxoribus tabernas aromatarias frequentibus — exemplum immo vividum, etiamsi nimirum ab auctoribus probatis haud hucusque citatum.

13McHugh & Callan, 1:645.

III. La Validité des Consécrations

Nous en venons maintenant à la question qui est à l'origine de cette étude :

  • Sommes-nous obligés de considérer les consécrations « Thuc » comme valides – c'est-à-dire, comme ayant fonctionné ?

  • Nous fondant sur les principes qu'appliquent le droit canon et la théologie morale à tous les sacrements, nous sommes obligés de répondre oui.

Pour en comprendre la raison, nous n'avons qu'à rappeler combien peu de choses sont requises pour accomplir une consécration épiscopale valide, et aussi de quelle manière la loi de l’Église et les théologiens moralistes considèrent ces points à satisfaire dans un cas donné, sauf s'il existe une preuve positive du contraire.


 

A. "Recette" pour la Validité.

Mgr McKennaParmi les très nombreuses et belles cérémonies de l’Église Catholique, le rite d'une consécration épiscopale est certainement le plus splendide et le plus élaboré. Il se déroule lors de la fête d'un Apôtre, et en général devant un important rassemblement de fidèles. Dans sa forme la plus solennelle, l'évêque qui accomplit le rite est assisté par deux autres évêques (appelés « Co-Consécrateurs»), 11 prêtres, 20 servants et 3 maîtres de cérémonie.1 Il faut environ quatre heures pour accomplir une consécration épiscopale en observant toutes les directives complexes de la cérémonie.

Toutefois, accomplir une consécration épiscopale validement ne prend que 15 secondes environ.

C'est à peu près la durée nécessaire à un évêque pour l'imposition des mains sur la tête d'un prêtre et la récitation des 16 mots de la formule requise par l'Église pour la validité.

Ce qui vient d'être dit peut choquer le lecteur laïc. Mais le cas est semblable à quelque chose que chacun de nous a pu apprendre en classe de catéchisme. Tout ce dont vous avez besoin pour baptiser quelqu'un validement est de l'eau ordinaire et la courte formule (je te baptise, etc..). C'est si simple que même un musulman ou un juif peut l'effectuer correctement si quelqu'un voulait vraiment être baptisé. Et une fois l'eau versée et la courte formule récitée, vous auriez été aussi bien baptisé, et seriez devenu aussi chrétien que si le Pape lui-même l'avait fait à la Basilique Saint-Pierre.

La ' recette ' que formule l'Église pour une consécration épiscopale valide est tout aussi simple. Outre un évêque validement sacré pour accomplir le rite, ainsi qu'un prêtre validement ordonné qui veuille recevoir la consécration, il n'y a que trois ingrédients essentiels pour la validité :

(1) L'imposition des mains par l'évêque qui consacre (que l'on nomme techniquement la matière du sacrement).

(2) La formule essentielle en 16 mots récitée par l'évêque qui consacre (que l'on nomme la forme du sacrement).2

(3) l'intention minimale de la part de l'évêque consécrateur « de faire ce que fait l’Église » (que l'on nomme l'intention ministérielle).

Même si l'on doit observer toutes les cérémonies prescrites dans le rite, les trois éléments ci-dessus mentionnés constituent tout ce qui est requis pour qu'une consécration épiscopale soit valide.


 

B. Charge de réfuter

Lorsque l'on est certain du fait qu'un véritable évêque a accompli une consécration en utilisant un rite catholique, est-il ensuite nécessaire de prouver positivement que l'évêque n'a pas omis l'un de ces éléments essentiels durant la cérémonie ?

Non. Le simple fait qu'un évêque ait utilisé un rite catholique est en soi une certification évidente de validité, qui par la suite ne requiert aucune preuve supplémentaire. La validité devient supposée, et le contraire devrait être prouvé. Et ceci ne peut-être mené à bien que par la démonstration selon laquelle l'une des trois conditions ci-dessus exprimées, essentielles à la validité, s'est trouvée absente (ou probablement absente) lors de l'accomplissement de la cérémonie.

Ceci s'applique à tous les sacrements et est évident du point de vue de :

1. La pratique pastorale ordinaire. L'enregistrement des sacrements au jour le jour dans les registres suppose comme évident que le ministre du sacrement a accompli les choses essentiellement nécessaires à la validité. Les registres de baptême et d'ordination ne parlent pas du tout de termes techniques tels que « la matière, » « la forme » ou « l'intention du ministre ». Et les certificats mentionnent simplement qu'untel et untel ont reçu un sacrement « avec les cérémonies et les solennités adéquates et convenables, » ou simplement « selon le rite de la Sainte Église Romaine ». Ils ne disent rien de plus, parce que la loi de l'Église ne requiert rien de plus. De tels sacrements sont considérés comme valides sans preuve supplémentaire.

2. Les canonistes. Les Canonistes parlent de la « Reine des présomptions, qui regarde comme valide l'acte ou le contrat, jusqu'à ce que l'invalidité soit prouvée »3. Elle s'applique aux sacrements de la manière suivante : si quelqu'un vient devant les tribunaux de l'Église pour remettre en cause la validité d'un baptême catholique,4 d'un mariage5 ou d'une ordination6, c'est à lui que la charge de prouver cette déclaration sera imputée. Il devra montrer que quelque chose d'essentiel manquait lorsque le sacrement a été conféré.

3. La Loi ecclésiastique et la théologie morale. Ces sources interdisent de ré-administrer sous condition un sacrement, à moins qu'il y ait un doute « prudent » ou « positif » au sujet de sa validité (Voir IV.-A ci-dessous). Comme exemple de doute qui ne ferait pas partie de cette catégorie, le théologien moraliste dominicain Fanfani parle d'un prêtre qui ne se souviendrait pas s'il a ou non récité la formule sacramentelle essentielle. « Il ne devrait rien répéter, » dit Fanfani. « et même, il pêche s'il le fait — car tout ce qui a été fait doit être supposé avoir été fait correctement, à moins que le contraire soit établi positivement ».7 Que les parties essentielles du rite aient été réalisées est, une fois de plus, considéré comme une chose évidente.

Le canoniste Gasparri (plus tard cardinal et compilateur du Code de Droit Canon de 1917) propose comme principe général : « …un acte, spécialement un acte aussi solennel que celui d'une ordination, doit être regardé comme valide aussi longtemps que l'invalidité n'aura pas été clairement démontrée. »8

4. Même les cas inhabituels. Les canonistes et les moralistes étendent même ces principes à des cas où une personne autre que le ministre catholique habituel utilise un rite catholique afin de conférer un sacrement. Si une sage-femme qui dit avoir réalisé un baptême d'urgence est sérieuse, digne de confiance et instruite dans la façon de faire des baptêmes, dit le théologien Merkelbach, « il n'y a aucune raison de douter sérieusement de la validité du baptême ».9

En définitive, l'Église tient si fortement à la validité d'un sacrement administré selon le rite catholique qu'elle en étend le principe non seulement aux catholiques, mais aussi aux schismatiques. Conséquemment, les ordinations et les sacres épiscopaux reçus de la part d'évêques Orthodoxes, ou des évêques Vieux Catholiques de Hollande, d'Allemagne et de Suisse « sont à considérer comme valides, à moins que dans un cas particulier il faille admettre un défaut essentiel.»10

Ce qui vient d'être dit, bien sûr, reflète le côté raisonnable de l'Église. Elle ne nous demande pas de réfuter des accusations entortillées et gratuites — « Prouvez-moi de façon positive que vous n'avez pas omis de faire ce que vous êtes supposé faire pour rendre le sacrement valide ». Autrement, il faudrait former quantité de témoins spécialement qualifiés pour accomplir une vérification indépendante de la validité chaque fois qu'un prêtre confère un sacrement.

Il est donc facile de comprendre pourquoi un sacrement administré avec un rite catholique doit être considéré comme valide jusqu'à ce que le contraire soit positivement établi.


 


 

1J. Nabuco, Pontificalis Romani Expositio Juridico-Practica (New York: Benziger 1945), 1:218.

2Pour la validité, il n'est pas même nécessaire que l'évêque prononce les mots de façon rigoureusement exacte, tant qu'il n'en change pas la signification de façon substantielle. Voir E. Regatillo, Jus Sacramentarium (Santander: Sal Terrae 1949), 873.

3Wanenmacher, 408.

4Wanenmacher, 500. « De façon similaire, lorsque le fait du baptême a été établi, mais que cependant la validité demeure douteuse, il existe une présomption générale favorable à la validité. Ceci est spécialement vrai du baptême catholique, et la présomption n'est levée que par la preuve stricte du contraire. »

5Wanenmacher, 411. « Selon le Code, le mariage a la faveur de la loi : donc, lorsqu'il y a un doute, nous devons tenir que le mariage est valide jusqu'à ce que le contraire soit prouvé (c. 1014). »

6S. Woywood, Practical Commentary on the Code of Canon Law (New York: Wagner 1952), 1905. « Un ordre sacré est présumé valide jusqu'à ce que son invalidité soit établie par preuve de sorte qu'il ait été reçu avec manque d'intention de la part du demandeur. »

7L. Fanfani, Manuale Theorico-practicum Theologiae Moralis (Rome: Ferrari 1949), 4:50. « E contra minister qui leviter tantum aut negative tantum, dubitat, de bona administratione alicuius sacramenti, e.g. non recordatur se verba formae pronuntiasse, nil repetere debet, quinimmo peccat si facit: omne enim factum, supponendum est rite factum, nisi positive constet contrarium. » Emphase ajoutée.

8P. Gasparri, Tractatus de Sacra Ordinatione (Paris: Delhomme 1893), 1:970. « …tum quia actus, praesertim adeo solemnis qualis est ordinatio, habendus est ut validus, donec invaliditas non evincatur. »

9B. Merkelbach, Summa Theologiae Moralis (Bruges: Desclée 1962) 3:165. « Ubi ergo persona omnino seria, etiam mera obstetrix, quae sit fide digna, circumspecta, et in ritu baptizandi instructa, assereret infantem a se rite baptizatum esse, non esset cur de valore Baptismi serio dubitaretur ; … »

10U. Beste, Introductio In Codicem (Collegeville MN: St. John’s 1946), 951. « Hinc ordines collati ab episcopis schismaticis ecclesiae orientalis, iansenistis in Batavia (Hollandia), veterum catholicorum in Germania et Helvetia, validi habendi sunt, nisi in casu particulari vitium essentiale admissum fuerit. »

C. Validité.

Pour qu'une consécration épiscopale soit valide, ce qui est requis est ainsi minimal. Et quand un rite catholique est utilisé pour une consécration ou tout autre sacrement, la pratique ordinaire pastorale, les canonistes, la loi de l'Église et les théologiens moralistes ne demandent aucune preuve supplémentaire pour la validité du sacrement — même lorsqu'il est administré par une sage-femme ou un schismatique. C'est bien plutôt la validité qui devrait être positivement réfutée.

Mgr Guérard et Mgr McKennaLorsque nous en venons à considérer les consécrations de Mgr Guérard et de Mgr Carmona, trois faits primordiaux sont absolument certains :

(1) L'Archevêque Mgr Thuc était un évêque validement consacré.

(2) Il a accompli le rite de consécration épiscopale pour Mgr Guérard le 7 mai 1981, et pour Mgr Carmona le 17 octobre 1981.

(3) L'Archevêque Mgr Thuc a utilisé un rite catholique pour les deux consécrations.

Nous avons un évêque consacré validement. Il a accompli le rite de consécration épiscopale. Il a utilisé un rite catholique. Aucune preuve supplémentaire n'est nécessaire. Par conséquent :

Nous sommes obligés de considérer les consécrations épiscopales que Mgr P.M. Ngô-dinh-Thuc a conférées sur M.L. Guérard des Lauriers et sur Moïse Carmona-Rivera comme valides.


 

IV. Objections Douteuses

Mgr Guérard des LauriersComme annoncé ci-dessus, Mgr Antonio de Castro-Mayer acceptait la validité des consécrations de Mgr Guérard. Il en va de même du nonce apostolique aux États-Unis, l'archevêque Mgr Pio Laghi. En condamnant la consécration de Mgr Guérard comme « illicite », il a aussi reconnu qu'elle était « valide ».1 Une question posée à un tel prélat à propos de Mgr Carmona aurait probablement provoqué des réponses semblables.

Même si des hommes d'Église aussi opposés entre eux théologiquement que l'Évêque de Campos et le représentant officiel de Jean Paul II aux États-Unis ont pu reconnaître la validité des consécrations, quelques prêtres catholiques traditionnels en sont restés perplexes. Quelques-uns ont trouvé avec honnêteté certains sujets déroutants. D'autres ont dénoncé agressivement la validité des consécrations comme «.douteuse.».

Nous allons traiter de ce dernier groupe maintenant. Toutes leurs objections reposaient sur un ou deux points : (A) Une affirmation gratuite que des théologiens appelleraient un « doute négatif », qui en tant que tel ne peut pas être utilisé pour remettre en question la validité d'un sacrement. (B) Une exigence supposée de la loi de l’Église ou de la théologie morale qui s'est révélée avoir été inventée par ceux qui objectaient.


 

A. Les doutes « négatifs »

La seule manière par laquelle un sacrement puisse vraiment être dit douteux est d'établir un doute positif (ou prudent) à propos de la validité. Un doute est positif quand il repose sur une base qui est clairement objective et fermement enracinée dans la réalité. Dans le cas d'un sacrement, il doit être fondé sur une preuve solide qui indique que quelque chose d'essentiel a probablement été omis.

Pour instaurer un doute positif concernant la validité des consécrations « Thuc », par conséquent, on devrait prouver que, lorsque le rite a été accompli, un défaut substantiel a eu lieu, ou bien a probablement eu lieu concernant l'un des éléments substantiels suivant :

  • L'imposition des mains.

  • La formule essentielle de 16 mots.

  • L'intention minimale de l'évêque « de faire ce que fait l’Église ».

Cependant personne de ceux qui étaient présents aux consécrations « Thuc » n'a jamais dit que l'un de ces manques ait eu lieu.

En l'absence de toute preuve d'un tel défaut, ceux qui objectent mettent en avant des spéculations personnelles, des songes, des conjectures, des hypothèses et leur outil favori des questions rhétoriques au sujet de ce qui, peut-être ou peut-être pas, pourrait possiblement avoir eu lieu ou pas pendant les « 15 secondes essentielles » de la consécration.

La principale caractéristique de telles objections, cependant, c'est qu'elles sont subjectives c'est-à-dire, qu'elles sont enracinées non point dans une connaissance de ce qui est arrivé au cours du rite, mais dans le manque de connaissances personnelles de l'objecteur concernant ce qui est arrivé. De telles objections sont ce que les théologiens moralistes nomment des doutes négatifs (ou imprudents). Et des doutes négatifs ne rendent pas le sacrement « douteux ».

Nous nous limiterons à quelques doutes négatifs parmi les plus fréquemment répétés.


 

1ère Objection. Que se passerait-il si quelque chose d'essentiel avait été omis et que nous n'en sachions rien ? Serait-il indispensable que nous en soyons absolument sûrs ? N'est-il pas prudent de se poser la question ? N'est-il pas prudent de douter ? N'avons-nous pas besoin d'encore plus de preuves ? Etc.

Mgr Guérard des LauriersC'est ici que nous voyons tout un troupeau de doutes négatifs arrivant dans le tonnerre au grand galop. Observez comment fonctionne la procédure : de nombreuses questions. Des montagnes d'inquiétudes noires. Mais aucun fait pertinent et vérifiable. Et aucun principe saillant tiré du droit canonique ou de la théologie morale.

La réponse est simple : les canonistes catholiques, les théologiens moralistes et les papes nous ont dit ce qui rend la validité d'un sacrement moralement certain. Ce sont là les prescriptions que nous devons suivre. Nous prenons droit le chemin qui consiste à nous faire notre propre religion lorsque nous avons la prétention de pouvoir en demander plus.


 

2ème Objection. Je mets en cause le fait que Mgr Thuc « a fait ce que l’Église veut faire », donc il faut considérer les consécrations comme douteuses.

  • Un prêtre ou un évêque qui confère un sacrement n'a pas besoin de « prouver » qu'il a l'intention de faire ce que fait l’Église. On présume automatiquement qu'il a l'intention de faire ce que signifie le rite. Ceci est une doctrine théologique certaine, enseignée par l’Église. Et refuser ceci est « théologiquement téméraire »2. Léon XIII a confirmé spécifiquement ce principe en considération des Saints Ordres lorsqu'il a dit que quelqu'un qui fait usage sérieusement et correctement de la matière et de la forme « est pour cette raison même présumé avoir voulu faire ce que fait l’Église ».3

Nous avons cité plus haut la déclaration du canoniste Gasparri selon laquelle une ordination doit être considérée comme valide jusqu'à ce que l'invalidité ait été démontrée. Il dit également qu'un évêque qui confère les Ordres Sacrés n'est jamais supposé avoir l'intention de ne pas ordonner quelqu'un tant que le contraire n'a pas été prouvé. Car personne ne devrait être présumé malfaisant, ajoute-t-il, à moins qu'il ait déjà été prouvé qu'il l'est.4

Par conséquent, attaquer l'intention ministérielle de Mgr Thuc n'est pas permis.

  • La simple tentative de le faire, qui plus est, trahit un grand esprit de présomption. Faire des recherches et disputer de cas où des ordinations sont remises en cause en raison d'un manque d'intention était le travail d'un Tribunal au Vatican nommé le Saint Office. Le pape en personne, plus tard, confirmait expressément la décision du Tribunal.

  • Le clergé traditionnel indépendant, par conséquent, n'a ni le droit ni l'autorité d'attaquer l'intention ministérielle d'un archevêque Catholique sacré validement. L'idée en elle-même est stupide.

     


 

1P. Laghi [à E. Berry], Lettre du 28 Septembre 1988. « En réponse à votre question du 23 septembre 1988, l'ordination épiscopale de Mgr Guérard des Lauriers, bien qu'elle fut valide, fut gravement illicite. »

2B. Leeming, Principles of Sacramental Theology (Westminster md: Newman 1956), 482. « This principle is affirmed as certain theological doctrine, taught by the Church, to deny which would be theologically rash… the minister is presumed to intend what the rite means... » Souligné par l'auteur.

3Bulle Apostolicae Curae, 13 Septembre 1896. « Iamvero quum quis ad sacramentum conficiendum et conferendum materiam formamque debitam serio ac rite adhibuit, eo ipso censetur id nimirum facere intendisse quod facit Ecclesia. »

4Tractatus de Sacra Ordinatione, 1:970. « Proinde numquam praesumitur ministrum talem intentionem non ordinandi habuisse in ordinatione peragenda, donec contrarium non probetur; tum quia nemo praesumitur malus, nisi probetur… » Emphase originale. De manière identique, les principes ci-dessus réfutent les arguments de ceux qui croient que l'évêque consécrateur de Mgr Lefebvre, le Cardinal Liénart, était un Maçon (accusation gratuite) et que par suite les ordinations de Mgr Lefebvre sont « douteuses. »

3ème Objection. Je pense que Mgr Thuc était fou ou sénile, et donc que les sacres doivent être considérés comme douteux.

Ceci est une variante de la deuxième objection, car elle attaque l'intention ministérielle de Mgr Thuc. De ce que nous avons dit ci-dessus, il découle également que cela n'est pas permis.

Mgr ThucLes objecteurs, notez bien, n'indiquèrent pas même un seul témoin, ou document, pour soutenir leur charge selon laquelle Mgr Thuc était « fou » ou « sénile » lorsque se déroulèrent les sacres. En soulevant simplement la question, bien sûr, ils suggéraient qu'elle pouvait avoir une base factuelle : Prouvez nous qu'il n'était pas fou ou sénile. C'est la même chose que de demander gratuitement : Prouvez que vous ne battez pas votre femme.

  • Le « niveau » minimum d'intention requise pour conférer un sacrement de façon valide est l'intention virtuelle. Une discussion étendue sur ce concept technique n'est pas possible ici. Tout ce que nous avons besoin de dire est que cette intention virtuelle garantit qu'un sacrement est valide, même si le prêtre ou l'évêque est distrait intérieurement avant et pendant tout le déroulement du rite sacramentel.

L'intention virtuelle, dit le théologien Coronata, « est certainement présente chez quelqu'un qui réalise des actions sacramentelles de façon habituelle ».1 Le simple fait de revêtir ses ornements pour monter à l'autel est considéré comme suffisamment probant pour l'intention virtuelle.

Mgr Thuc célébrait régulièrement la Messe traditionnelle avant et après les consécrations — et avec beaucoup de dévotion, m'a raconté l'un de mes amis laïcs qui un jour en fut le témoin. Il est ridicule d'en déduire que, lorsqu'il revêtait [ses ornements] et réalisait les consécrations épiscopales, qui durent trois heures, Mgr Thuc n'était soudainement plus capable de manifester le strict minimum d'une intention virtuelle.

  • Mgr ThucDe toute façon, ceux qui l'ont véritablement connu rejettent ces accusations. Le docteur Eberhard Heller, qui était présent aux deux consécrations, a juré sous serment que Mgr Thuc « a conféré les consécrations en toute possession de ses moyens intellectuels.»2 Mgr Guérard, de la même manière, a déclaré que Mgr Thuc était d'un « esprit profond », « parfaitement lucide »3 et « avait l'intention de faire ce que fait l’Église »4. M. l'Abbé Thomas Fouhy, prêtre traditionnel néo-zélandais, passa deux jours à Toulon, en France, avec Mgr Thuc en 1983. L'Archevêque, selon M. l'Abbé Fouhy, était tout sauf stupide, et discuta avec compétence de différentes questions de théologie et de droit canon. Il s'entretint de façon grandiose avec l'Abbé Fouhy donnant des détails au sujet du voyage qu'il avait effectué en Nouvelle-Zélande en 1963. L'Abbé Fouhy ajouta qu'il n'y avait aucun doute que Mgr Thuc fût compétent.5

Mais il y a aussi les adversaires de l'archevêque au sein du mouvement traditionnel. Les R.P. Barbara et Gustave Dalmasure ont rendu visite à Mgr Thuc, chacun de leur côté, en janvier 1982. Tous deux étaient opposés aux sacres et demeurent encore critiques à son encontre. Mais tous deux attestent encore qu'il était en parfaite possession de ses facultés.

Le P. Barbara déclare que la validité des consécrations est hors de doute. C'est lui qui croit que l’Église Conciliaire est à l'origine de la rumeur qui s'en prend à l'état mental de Mgr Thuc.6

  • J'ai reçu les photocopies de quatre documents écrits de la main propre de Mgr Thuc. Ils sont toutes postérieures aux sacres. Son écriture est claire, ferme et plus facile à lire que la mienne. Les documents sont clairement l'œuvre d'une personne cohérente, dont la compétence à conférer un sacrement valide est inattaquable.

L'un des documents est une lettre du 30 juillet 1982 à Mgr Guérard transférant une correspondance. Deux autres documents sont des déclarations : la première, concernant sa rupture avec le groupe de Palmar de Troya7 ; la seconde, déclarant sa position concernant la vacance du Saint-Siège8.

Le dernier document est une lettre de 1982 (en latin) répondant à une question de Mgr Guérard. Plusieurs mois après sa consécration, Mgr Guérard avait entendu dire que Mgr Thuc avait auparavant concélébré une fois dans le rite du Novus Ordo, le Jeudi-Saint 1981, avec l'évêque de Toulon. L'Archevêque y admettait que cela était vrai — mais il terminait avec une phrase touchante que voici : « J'espère que Dieu ne m'a pas jugé aussi cruellement [que vous], car j'ai erré de bonne foi ».9

Un homme qui peut écrire une telle déclaration jouissait évidemment de toutes ses facultés.

  • Nous en venons donc à esquisser la conclusion adéquate : l'enseignement catholique protège l'intention sacramentelle de Mgr Thuc de toute agression. Et, à la lumière des déclarations venant de l'archevêque, et de ceux qui le connaissaient, les principes de la morale catholique imposent à toute personne qu'elle doit cesser de répéter cette calomnie sans fondement qui veut qu'il ait été incapable de conférer un sacrement valide.


 


 

1M. Conte a Coronata, De Sacramentis: Tractatus Canonicus (Turin: Marietti 1943) 1:56. « Virtualis enim intentio, ut iam vidimus, est intentio ipsa actualis quae cum distractione operatur. Talis intentio certe habetur in eo qui de more ponit actiones sacramentales. »

2« Eidesstattliche Erklärung…, » loc. cit., « Mgr. Ngo-dinh-Thuc spendete die Weihen im Vollbesitz seiner geistigen Kräfte. »

3Collins, Notes d'entrevue avec Mgr Guérard.

4Sodalitium 4 (May 1987), 24. « Atteso che… Mons. Thuc ed io avevamo l'intenzione di fare ciò che fa la Chiesa. »

5Conférence, Cincinnati, 13 décembre 1991.

6Joseph Collins, Notes de l'entrevue avec le R.P. Noël Barbara, novembre 1989.

7Déclaration du 19 décembre 1981, réimprimée dans Einsicht (Mars 1982).

8Déclaration du 25 février 1982. Le texte fut transcrit et réimprimé dans Einsicht (Mars 1982).

9Mgr Thuc à Mgr Guérard, lettre non datée [début 1982]. « Excellentissime Domine: Recepi litteras tuas tantum his diebus, quia non sum in urbe Toulon jam ab uno mense. In illa epistola, voluisti cognoscere utrum concelebravi, anno praeterito, in die quinta Sanctae hebdomadae cum Episcopo hujus diocesis. Utique, cum illo Episcopo celebravi, quia illa die non potui celebrare in meo domo secundum legem Ecclesiae. Tu dixisti quod ego commisi peccatum, quia secundum te, Missa illius episcopi erat invalida. Spero quod Deus non me judicavit ita crudeliter, quia erravi in bona fide. + P.M. Ngô-dinh-Thuc. »

B. Les « exigences » inexistantes.

Alors que nous poursuivions notre recherche, ceux qui faisaient objection aux consécrations de Mgr Thuc nous disaient encore et encore, à M. l'Abbé Sanborn et à moi-même, que « l’Église requiert » ceci ou cela pour qu'une consécration épiscopale soit considérée comme valide, que les consécrations ne remplissaient pas les conditions, et qu'elles étaient par conséquent « douteuses ».

La plus grande partie de ces objections étaient liées au fait que, à l'exception de Mgr Thuc et des postulants, il n'y avait que deux laïcs présents aux cérémonies.

A chaque fois nous découvrions finalement que « l'exigence » supposée n'avait simplement pour origine que l'objecteur, et non l’Église. En voici un éventail :


 

1ère Objection. Sans certificat signé une consécration épiscopale est douteuse.Certificat de Consécration

  • Il n'existe aucun canon de l'Église disant que manquer de produire un certificat rend automatiquement douteuse une consécration épiscopale. La certitude morale concernant le fait qu'un sacrement ait eu lieu est tout ce qui est exigé pour le considérer comme valide. (Voir plus haut, II. A,C).

  • Dans tous les cas, le registre diocésain des ordinations, et non le certificat émanant de l'évêque consécrateur, est l'enregistrement officiel d'une consécration épiscopale.

     

2ème Objection. Les consécrations ont constitué un fait « secret », plutôt qu'un fait « notoire ». la charge de prouver un fait secret repose sur ceux qui le déclarent, et puisque cette charge de preuve n'a pu être remplie, les consécrations sont douteuses.

Cette objection est purement incantatoire.

  • Nulle part le droit canon ne dit qu'une consécration épiscopale réalisée avec seulement deux laïcs est un fait « secret » ou bien qu'une telle consécration est douteuse. Les objecteurs ont fabriqué cette règle.

  • De toutes façons deux témoins suffisent pour faire un acte légalement « public » selon le droit canon. Le mariage, par exemple, de par sa nature, est toujours considéré comme un sacrement public. Cependant il peut être contracté derrière des portes fermées (pour éviter un embarras, par exemple) devant deux témoins. Leur présence le rend légalement « public » même si le fait que le sacrement ait eu lieu n'est pas connu de beaucoup.

  • La référence à des faits « secrets » ou « notoires » est tirée de règles en vue de preuve que veut le droit canon, qui ne s'appliquent que lorsque deux parties adverses s'opposent au tribunal, tel le cas de MM Perry et Masson, devant un juge ecclésiastique lors d'un procès ecclésiastique.

De toute évidence, l'audience n'est pas ouverte. Elle ne s'ouvrira pas avant que la hiérarchie de l’Église ne soit restaurée. Le pouvoir juridique du Tribunal, en attendant, ne revient pas aux objecteurs.

Et si l'audience était ouverte, les objecteurs seraient expulsés du tribunal : selon le droit canon, il n'y a que trois sortes de personnes qui puissent mettre en question la validité d'une ordination ou d'une consécration.1 Toutes les autres personnes, dit le canoniste Cappello, n'ont pas le droit d'accuser.2


 

3ème Objection. Sans « témoins qualifiés » une consécration épiscopale est douteuse.

  • Aucune loi ecclésiastique ne prescrit que des témoins, qualifiés ou non, doivent être présents lors d'une consécration épiscopale pas plus qu'une consécration est douteuse sans eux. Redisons le, les objecteurs ont fabriqué une obligation à partir de rien.

     

4ème Objection. Sans au moins deux prêtres présents pour attester qu'elle a été accomplie validement, une consécration épiscopale est douteuse.

  • Cette « exigence » n'existe pas, et se trouve directement contredite par des actes autorisés venant du Saint-Siège.

  • La fonction de prêtre-assistant n'est pas, comme semblent le suggérer les objecteurs, d'attester la validité d'une consécration. Le Pape Benoît XIV dit clairement que la raison pour laquelle il y a des prêtres-assistants est d'ajouter à la solennité de l'acte liturgique et de permettre d'observer les prescriptions des rites.3

  • En pays de mission, les consécrations épiscopales étaient souvent accomplies sans prêtre assistant.4 Cette pratique a été autorisée par le Pape Alexandre VII,5 le Pape Clément X6 et le Pape Pie VI7. Le Bref de Pie VI, en fait, s'adressait à des évêques exerçant alors dans ce que l'on appelait le Tonkin et la Cochinchine — parties du Vietnam où se trouvaient les diocèses de Mgr Thuc.

  • L’Église ne donnait pas simplement la permission pour que des consécrations puissent s'accomplir en l'absence de deux prêtres-assistants, mais dans certains cas elle l'a spécifiquement ordonné. Dans un cas, Rome donna l'ordre non seulement d'accomplir une consécration secrètement et sans assistants, mais même sous le sceau de la confession8.

Lors d'un cas plus récent, le Pape Pie XI ordonna en 1926 que le Nonce apostolique en Allemagne accomplisse une consécration épiscopale secrète en l'absence de qui que ce soit. Le nonce était le cardinal Eugenio Pacelli, plus tard Pape Pie XII, bien sûr. Pacelli fit passer à Rome une demande afin d'être autorisé à avoir au moins un prêtre présent — non pas, notez bien, pour servir de « témoin », mais simplement pour que le Cardinal puisse disposer de quelqu'un pour tenir le missel sur les épaules du nouvel évêque comme il est prescrit pour la récitation de la Préface.9

  • Pie XI envoya l'évêque que Pacelli consacra, Mgr. d’Herbigny, en Russie, dans le but de sacrer des évêques secrètement. Celui-ci mena à bien la première consécration de ce genre le 21 avril 1926 au profit d'un certain Abbé Neveu. La consécration se déroula en l'absence de prêtres-assistants et en présence de deux laïques — circonstances identiques à celles des consécrations de Mgr Thuc. Mgr. d’Herbigny ne produisit aucun certificat.10

Il est évident que l’Église n'autoriserait pas — encore moins commanderait — à un évêque d'accomplir une consécration épiscopale sans prêtre-assistant si ceci était « douteux ». Il est impossible, par conséquent, de soutenir que les consécrations de Mgr Thuc sont « douteuses » en se basant sur cela.


 

5ème Objection. Sans dispense papale, une consécration épiscopale accomplie en l'absence de deux prêtres-assistants est douteuse.

  • Encore une fois, aucune loi ni aucun canoniste ne soutient ceci.

  • Les enseignements des canonistes contredisent directement cette objection. Bouix dit froidement : « Même s'il y avait une consécration sans aucun assistant et sans que l'on obtienne une dispense pontificale, ce serait tout de même valide »11. Regatillo, écrivant en 1953, va même plus loin. Il dit qu'une consécration accomplie sans dispense serait valide même si l'évêque « est l'unique personne présente à la consécration »12.

  • Le Pape Alexandre VII 13, le Pape Clément XI et le Pape Benoît XIV ont déclaré que des consécrations accomplies sans de telles dispenses sont valides.14


 


 

1Celui qui reçoit le sacrement, son ordinaire diocésain, et l'ordinaire du diocèse où a été conféré ce sacrement. Voir Canon 1994.1. « Validitatem sacrae ordinationis accusare valet clericus peraeque ac Ordinarius cui clericus subsit vel in cuius diocesi ordinatus sit. »

2Voir Cappello 4:683. « Aliae personae extraneae procul dubio jure accusandi carent. »

3De Synodo Diocesana 13.13.7. « Et utroque casu aliquid desideratur, quod ad ejusdem actus solemnitatem, et praescriptorum rituum observantiam pertinet; quandoquidem in prima facti specie deest duorum Antistitum praesentia a sacris canonibus statuta; in altera vero desideratur praesentia duorum Sacerdotum, quos Pontifex adhibendos voluit. »

4Z. Zitelli, Apparatus Juris Ecclesiastici (Rome: 1888), 23. « Siquando necessitas postulet vel impossibilitas adsit tres habendi Episcopos, Romani Pontificis erit indulgere ut consecratio ab uno fiat Episcopo cum assistentia duorum Sacerdotum, qui in dignitate ecclesiastica constituti sint, vel etiam a solo Episcopo absque ulla assistentia, ut saepe usu venit in locis sacrarum missionum. »

5S. Many, Praelectiones de Sacra Ordinatione (Paris: Letouzey 1905), 519. « Alexander VII, brevi Onerosa, 4 Feb. 1664, concessit ut aliqua episcopalis ordinatio, apud Sinas, fieret ab uno tantum episcopo, cum assistentia duorum presbyterorum, et etiam, si opus esset, sine illorum assistentia. »

6Bref Decet Romanum, 23 décembre 1673, 3. Le Pape confirma spécifiquement les privilèges accordés par Alexandre VII, parmi lesquels, « …munus consecrationis cum assistentia aliorum duorum presbyterorum, etiamsi non essent episcopi, nec in ecclesiastica dignitate constituti, si adessent, sin minus, etiam sine illorum assistentia… »

7Bref Exigit Pastoralis, 22 juillet 1798. « …munus consecrationis cum adsistentia aliorum duorum presbyterorum, etiamsi non sint Episcopi, nec in ecclesiastica dignitate constituti, si adfuerint, sin minus etiam sine illorum assistentia… »

8J. McHugh, The Casuist (New York:Wagner 1917), 5:241.

9P. Lesourde, Le Jésuite Clandestin: Mgr. Michel d’Herbigny (Paris: Lethielleux), 70. Dans le compte-rendu de sa consécration secrète, Mgr. d’Herbigny écrit : « Le Nonce expliqua que Rome lui avait d’abord prescrit d’être seul avec le Père d’Herbigny. Il avait fait valoir que, sans la présence d’au moins un assistant, la cérémonie lui semblait irréalisable, ne serait-ce que pour maintenir le Missel sur les épaules du consacré. »

10Voir Lesourde, 76 et suivantes.

11D. Bouix, Tractatus de Episcopo (Paris: Ruffet 1873), 1:243. « Sed etiamsi fiat consecratio absque ullis assistentibus, et absque obtenta Pontificia dispensatione, adhuc valida erit. »

12E. Regatillo, Interpretatio et Jurisprudentia Codicis J.C. (Santander: Sal Terrae 1953), 465. « Unus episcopus sufficit ad validitatem consecrationis, dummodo ritum essentialem cum debita intentione ponat. Idque etsi sine pontificia dispensatione unicus sit qui consecrationi intersit. » Italique ajouté.

13Bref Alias, 27 février 1660. « Quantum spectat ad sacramentum et impressionem characteris fuisse validam. »

14De Synodo Diocesana 13.13.9-10. « …consecrationem hujusmodi validam, licet illicitam, esse censuerunt… ratam firmamque, sed illicitam Consecrationem pronuntiavit. » Souligné par Benoit XIV, en citant le décret de Clément XI du 26 novembre 1718.

Conclusions

Les catholiques traditionnels, depuis longtemps habitués à des controverses dans lesquelles la bonté et la malice des personnes ou des organisations tiennent le devant de la scène, pourraient trouver dans ce qui vient d'être dit sécheresse et insipidité. Nous n'avons pas du tout passé notre temps à argumenter sur les qualités personnelles des parties concernées — sur le fait de savoir si oui ou non Mgrs Thuc, Guérard, ou Carmona étaient bons, prudents, logiques, réguliers, ou perspicaces sur le plan théologique.

De telles discussions n'ont aucune prise, quelle qu'elle soit, sur la question de savoir si oui ou non un sacrement est valide. Elles concernent ce que les théologiens appellent la probité du ministre. Et c'est une vérité de la foi catholique que l'administration valide d'un sacrement ne dépend pas de la probité du prêtre ou de celle de l'évêque.1

La question de savoir si les consécrations « Thuc » furent valides, par conséquent, se réduit à quelques principes secs et à une poignée de faits :

(1) Tout ce qui est exigé pour accomplir validement une consécration épiscopale est une imposition des mains, une formule en 16 mots, et l'intention minimale « de faire ce que fait l’Église. »

(2) Une fois le fait établi qu'un évêque validement consacré a accompli une consécration épiscopale en utilisant un rite catholique, ces éléments essentiels sont présumés. La validité de la consécration ne requiert aucune preuve supplémentaire ; au contraire, son invalidité devrait être prouvée et la charge d'une telle démonstration incomberait à l'accusateur. Ceci est évident du point de vue de la pratique pastorale ordinaire, de celui des canonistes, du droit canon et de la théologie morale. Ce principe s'étend même à des consécrations épiscopales accomplies par des schismatiques.

(3) Trois faits essentiels sont hors de discussion : (a) Mgr Thuc était un évêque validement consacré. (b) Il a accompli le rite de consécration épiscopale au profit de Mgr Guérard le 7 mai 1981, et de Mgr Carmona le 17 octobre 1981. (c) Mgr Thuc a utilisé un rite catholique pour les deux consécrations.


 

Nous avons un évêque validement consacré. Il a accompli des consécrations épiscopales. Il a utilisé un rite catholique. Nous sommes obligés, par conséquent, de considérer les consécrations épiscopales que Mgr P.M. Ngô-dinh-Thuc a conférées à M.L. Guérard des Lauriers et à Moïse Carmona Rivera comme valides.

Puisque ces consécrations furent valides, nous sommes tout aussi obligés de considérer les évêques « Thuc » aux États-Unis comme validement consacrés, et comme possédant le pouvoir sacramentel de confirmer, d'ordonner, et de sacrer des évêques.

Armoiries de Mgr Thuc

                                                           

Bibliographie

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1Cappello, 1:36. « In ministro non requiritur nec status gratiae, nec vitae probitas, imo nec ipsa fides, ad validam sacramentorum confectionem vel administrationem. Haec est veritas catholica de fide. » Emphase originale.

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Le problème que posent les Papes de Vatican II à la conscience catholique

Publié le par Études Antimodernistes

Par le Père Noël Barbara

 

Forts dans la Foi n° 11, 1er trimestre 1991.

EtudesAntimodernistes.fr, Décembre 2016.

 

Père BarbaraDepuis la fin du concile de notre siècle, les catholiques fidèles doivent faire face à un problème sans précédent. Pour la première fois depuis la fondation de l'Église, ceux qui veulent garder et vivre leur foi sont obligés de désobéir au pape régnant.

 

Pour résoudre un problème, il faut en tout premier lieu le voir tel qu'il se présente, tel qu'il est dans la réalité, et être disposé à accepter les exigences de la vérité dès qu'on la découvrira. En effet, quand on redoute les conséquences fâcheuses d'une solution, il n'est pas rare qu'on cherche par tous les moyens à éluder le problème ou, si on ne le peut, à le considérer non plus tel qu'il est mais tel qu'on voudrait qu'il soit. « Le plus grand travers de l'esprit, disait Bossuet, est de voir les choses non comme elles sont, mais comme on voudrait qu'elles soient. »

 

Faisant abstraction de toutes les conséquences qui pourront en découler, nous allons rappeler le problème que les papes de Vatican II posent à la conscience catholique. Nous l'examinerons le plus objectivement possible, afin de prendre conscience de sa réalité. Nous dirons ensuite quelle réponse la foi lui apporte, car, la révélation étant close, tout problème directement lié au salut trouve nécessai­rement sa solution dans la parole de Dieu enseignée par l'Église.

 

 

I. Le Problème

 

Au début de notre résistance, nous avons essayé de nous convaincre qu'en fait nous ne désobéissions pas au pape. Le pape pensait comme nous, mais il se trouvait dans l'impossibilité de le dire.

 

Après plus de vingt ans, force est de reconnaître que c'est bien au pape que nous désobéissons ; c'est à ses ordres les plus formels que nous résistons. Nous refusons la nouvelle messe, les nouveaux sacrements, les nouveaux catéchismes, la nouvelle ecclésiologie, l’œcuménisme, la liberté religieuse, autant de choses qui sont de son domaine.

 

Pour quelle raison cette désobéissance volontaire constitue-t-elle un problème pour une conscience catholique ? Tout simplement parce que l'obéissance au pape conditionne le salut éternel.

 

Certains, citant saint Robert Bellarmin, le cardinal Journet ou quelque autre autorité, essayent bien de faire croire que cette désobéissance se justifie par sa nécessité. Mais comment concilier une telle affirmation avec la recommandation de saint Paul : « Ne faciamus mala ut veniant bona. Ne faisons pas le mal pour que le bien en sorte » (Rom. III, 8) ? N'étant pas protestants, nous savons que Dieu parle aux hommes par les ministres qu'il a établis dans son Église et auxquels il a dit : « Qui vous écoute m'écoute. Boniface VIIIQui vous méprise me méprise » (Lc X, 16). Les papes n'ont pas manqué de nous rappeler cette obligation. Ils l'ont fait avec tant de force et de netteté qu'il n'est plus permis de douter que l'obéissance au pape conditionne le salut éternel :

 

« Nous déclarons, disons, définissons et prononçons qu'il est absolument nécessaire au salut de toute créature humaine d'être soumise au souverain pontife » (Boniface VIII, Unam Sanctam. Denzinger, 469).

 

« Or, dans cette unique Église du Christ, personne ne se trouve, personne ne demeure, si, PAR SON OBÉISSANCE, il ne reconnaît et n'accepte l'autorité et le pouvoir de Pierre et de ses légitimes succes­seurs » (Pie XI, Mortalium animos)1.

 

Dans ces conditions, ne serait-il pas plus sage, plus prudent, de mettre un terme à notre résistance et de nous soumettre aux ordres formels des papes de Vatican II et des évêques qui sont dans leur communion ? Après tout, puisque nous devons obéir, si ce qu'ils nous commandent est mal, ils seront les seuls à en porter la responsabilité devant Dieu.

 

C'est là que réside tout le problème. S'il s'agissait d'une erreur dans un acte isolé, pour lequel 1'infaillibilité ne serait pas engagée, une résistance passive, discrète, silencieuse, pourrait dans certains cas être admise jusqu'à ce que le pape accepte de revoir la question. Avec les papes de Vatican II, il s'agit de tout autre chose. Il s'agit de tout un ensemble d'actes continus qui sont de leur domaine et qui, de ce fait, sont couverts par l'infaillibilité. Normalement, nous devrions accep­ter toutes ces décisions. Or, c'est la fidélité à la parole de Dieu qui nous impose de résister.

 

En effet, c'est par fidélité au saint sacrifice de la Messe que nous refusons la synaxe de Paul VI dans laquelle des luthériens reconnais­sent la cène protestante. C'est par fidélité à l'Église qui a toujours enseigné que « le dogme le plus ferme de notre religion, c'est que hors de la foi catholique personne ne peut être sauvé » que nous refusons leur œcuménisme. C'est par fidélité à l'enseignement catholique que nous rejetons la liberté religieuse. Enfin, c'est par fidélité au dogme qui affirme que l'Église est le Corps mystique du Christ que nous ne pouvons accepter la nouvelle ecclésiologie.

 

1Traduction de Jacques Tescelin (Didasco. B.P. 2. Bruxelles 24). L'auteur a traduit excel­lemment « obediendo agnoscat et accipiat ». En effet, le pape met en garde contre les décla­rations que démentent les actes : c'est par l'obéissance que se manifeste la reconnaissance vraie de l'autorité et du pouvoir de Pierre.

 

 

II. La Solution du Problème

 

Le problème étant clairement posé, voyons quelle solution peut lui être apportée. Comme c'est un problème de foi, elle sera nécessai­rement du même ordre.

 

Père Guérard des LauriersJe rapporterai tout d'abord la réponse que propose1 le R.P. Guérard des Lauriers, o.p. ; elle est connue sous le nom de thèse de Cassiciacum. En voici le résumé :

 

L'Autorité pontificale est constituée comme telle, dans l'Église militante, par l'assistance du Christ au sujet élu : le Christ « est avec » le pape, et le pape « est avec » le Christ, d'une façon permanente et spéciale.

 

Chez le sujet élu, l'ultime disposition, nécessaire à la commu­nication par le Christ de cet « être avec », est l'intention effective et habituelle, c'est-à-dire le propos délibéré, de procurer le « Bien-fin » commis à l'Église, ce pour quoi son Fondateur l'a instituée.

 

L'« être avec » du Christ qui constitue l'Autorité pontificale, et l'intention habituelle de l'élu, qui en conditionne la communication, sont des réalités purement spirituelles ; elles ne tombent pas sous le contrôle des sens. On ne peut constater leur existence que par induc­tion, c'est-à-dire en observant les effets qui ne s'expliquent pas sans eux.

 

C'est en partant de cette considération métaphysique que le P. Guérard établit l'absence d'Autorité chez les papes de Vatican II. Voici son raisonnement :

 

Tout le monde peut le constater, ces papes ne travaillent pas habituellement à procurer le vrai bien de l'Église. Tout au contraire. Au nom de leur concile, ils prônent l’œcuménisme au lieu de soutenir la foi, ils ne maintiennent pas les sacrements, ils ne font pas que le vrai catéchisme soit enseigné, etc. Ce fait est si général qu'il a entraîné comme l'a reconnu Paul VI, une véritable « autodestruction de l’église. »

 

Le fait que, par leurs actes habituels, les papes de Vatican II ne manifestent pas qu'ils ont 1'intention effective d'assurer le Bien-fin de l'Église, qui est la condition sine qua non de l'Autorité pontificale, prouve indubitablement qu'ils sont dépourvus de l'Autorité qui constitue l'essentiel de la papauté2.

 

Le Révérend Père utilise aussi l'argument tiré de la publication de Dignitatis humanae, mais il s'en sert plutôt pour confirmer la justesse de son raisonnement. Il montre que l'opposition de contradic­tion qui existe entre ce document et l'enseignement irréformable de l'Église sur le même sujet « a disqualifié 1'"autorité" ». Le promulgateur de ce document et ses successeurs qui le maintiennent sont dépourvus de l'« être avec » qui constitue l'autorité pontificale. Ja­mais ils n'auraient enseigné officiellement l'erreur, jamais ils ne l'enseigneraient, s'ils possédaient l'Autorité pontificale.

 

Ces explications sont théologiquement des plus judicieuses, mais elles sont difficiles à saisir par ceux qui ne sont pas familiarisés avec la pensée de l'auteur. A son sujet, je dirais ce que saint Pierre écrivait des lettres de saint Paul « dans lesquelles il y a certains passages difficiles à comprendre » (I Pi. II, 16).

 

*

*                          *

 

Le lecteur l'aura remarqué, le Révérend Père a envisagé l'auto­rité pontificale dans son être même ou, pour parler comme les philo­sophes, ontologiquement.

 

Pour ma part, je préfère la considérer du point de vue juridi­que, en tant qu'elle est le droit que tout chef possède sur ses sujets quand il est dans son domaine. Si on l'envisage sous cet aspect, la solution du problème que les papes de Vatican II posent à la cons­cience catholique est beaucoup plus facile à saisir dans la lumière de la foi.

 

La foi, faut-il le rappeler, est cette vertu théologale qui nous fait tenir la parole de Dieu pour vraie et certaine en dépit de toutes les apparences contraires. Or, la foi enseigne qu'il faut obéir à toute autorité. « Il n'y a pas d'autorité qui ne vienne de Dieu, lisons-nous dans l'épître aux Romains, et celles qui existent ont été instituées par Dieu. C'est pourquoi celui qui résiste à l'autorité résiste à l'ordre établi par Dieu ; et ceux qui résistent attirent la condamnation sur eux-mêmes » (XIII, 1-2).

 

Or, c'est la foi théologale qui commande aux fidèles de résister aux papes de Vatican II en refusant leurs nouveautés, et la foi ne peut se contredire sans se détruire, car « tout royaume divisé contre lui-même périra » (Mt. XII, 25).

 

Cahiers de CassiciacumA la lumière de cette révélation qu'il accepte, le croyant, « en quête d'intelligence », essaye de comprendre. Il se dit : puisque Dieu sait tout, Il sait si ces papes sont ou ne sont pas revêtus de Son autorité. Comme Il ne peut se contredire, s'il nous commande de résister aux ordres que ces papes nous donnent dans leur propre domaine, Il nous assure ainsi que, dans leur propre domaine, ces papes sont démunis de l'autorité qu'ils devraient avoir ; s'ils en étaient revêtus, jamais Dieu ne nous commanderait de leur résister.

 

L'autorité pontificale constitue l'essentiel de la papauté. En effet, c'est par l'autorité qu'il est seul à posséder sur toute l'Église que l'évêque de Rome se distingue de tous les autres évêques catholiques.

 

Il est donc absolument certain qu'en nous commandant de leur résister la foi nous assure que les papes de Vatican II sont démunis de l'autorité pontificale. Ils ne sont pas les Vicaires du Christ. Ils ne font qu'occuper légalement3 le Siège de Pierre.

 

C'est donc dans la lumière de la foi théologale que le catholique trouve la solution au problème que les papes de Vatican II posent à sa conscience.

 

 

 

1« Lex orandi, lex credendi » in Cahiers de Cassiciacum I, mai 1979, pp. 23 sq.

2Sur cet important problème, on lira avec profit l'ouvrage de M. l'Abbé Bernard LUCIEN, La situation actuelle de l'Autorité dans l'Église.

3Je dis bien « légalement » et non « légitimement ».

III. Objection

 

Sans doute, diront certains, ces papes n'ont pas autorité pour commander ce que la foi nous ordonne de refuser, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne possèdent plus la papauté. En effet, jamais l'Église n'a enseigné que les supérieurs perdent leur autorité en commandant des péchés. Ainsi, quand un père de famille commande à ses enfants de pécher, ces derniers doivent lui résister. Mais il demeure malgré tout le père de ses enfants, il ne perd pas son autorité. Il en est de même pour le pape. Les fidèles doivent lui résister quand il commande le péché. Mais, bien que leur résistance soit juste, cela ne prouve pas pour autant que ce pape a perdu la papauté. Même quand on doit lui résister, le pape est toujours pape, comme le père de famille le plus coupable est toujours le père de ses enfants.

 

Cette objection est un sophisme. Pour le comprendre, rappe­lons ce qu'est l'autorité à la lumière des paroles de saint Paul. L'au­torité est une délégation que Dieu fait de son droit (de son domaine) à certaines de ses créatures. Quiconque la reçoit est revêtu de l'autorité de Dieu. Voilà pourquoi l'Apôtre dit que quiconque résiste à l'auto­rité résiste à Dieu qui l'a instituée.

 

C'est seulement au Christ que « tout pouvoir, omnis potestas, a été donné dans le ciel et sur la terre » (Mt. XXVIII, 18), l'autorité que Dieu délègue aux hommes est toujours limitée. Ainsi le prince ne la reçoit que pour les choses temporelles, et l'homme d'Église, pour les spirituelles. Dans chaque ordre le pouvoir est plus ou moins étendu : celui d'un chef d'état l'est beaucoup plus que celui d'un préfet ; celui du pape, beaucoup plus que celui d'un curé. En dehors du domaine pour lequel il a délégation, le supérieur n'a aucune autorité, aucun droit. Il en est ainsi du père de famille. L'autorité qu'il a sur ses enfants n'est pas illimitée ; elle ne s'étend ni à leur vie, ni à l'intégrité de leur corps, ni à leurs relations avec Dieu. Il n'a donc ni le droit de les tuer ou de les mutiler, ni celui de les faire pécher. Et donc, quand il commande dans ces domaines où il n'a pas autorité, ses enfants peuvent et doivent lui résister, mais lui ne perd pas une autorité qu'il n'a pas engagée. Et voilà pourquoi ce père indigne conserve son autorité paternelle.

 

Il en irait de même pour un pape qui, comme homme privé, commanderait à quelqu'un de pécher. Dans ce cas, il ne s'agirait pas du pape agissant en tant que pape, du pape enseignant à l'Église universelle la légitimité du vol, de la fornication, de l'adultère ou de quelque autre péché. Il s'agirait de l'homme privé qui, profitant de ce qu'il est pape, commanderait le péché. C'est donc à l'homme privé, à l'homme qui en cela n'a sur elle aucun droit, que résisterait la personne sollicitée. N'ayant en ce cas aucune autorité, ce pape ne pourrait ni l'engager, ni la perdre. Et voilà pourquoi il resterait pape, malgré sa conduite privée dépravée.

 

Il en est tout autrement des papes de Vatican II. Tout ce que nous refusons, la liturgie de la Messe, la liberté religieuse, l’œcuménisme, les sacrements, la catéchèse, tout est de leur domaine. C'est dans leur propre domaine que la foi nous commande de leur résister. C'est donc dans leur propre charge qu'ils sont démunis de l'autorité qu'ils de­vraient avoir. Privés d'autorité, ils sont privés de la papauté. Car la papauté n'est pas autre chose que l'autorité suprême de l’Évêque de Rome sur toute la chrétienté. Démunis de l'autorité pontificale, ils ne sont pas ou ne sont plus les Vicaires du Christ. Le Christ ne parle plus par leur bouche et la parole du Maître : « Qui vous écoute m'écoute » (Lc X, 16) ne vaut pas pour eux. Voilà la raison pour laquelle la foi nous commande de mépriser leurs ordres et leur enseignement nouveau.

 

 

IV. Conclusion

 

La réponse de la foi et celle de la métaphysique surnaturelle au problème que les papes de Vatican II posent à la conscience catholique sont aussi claires qu'apaisantes et réconfortantes.

 

Elles sont claires. Il suffit de posséder l'esprit de foi catholique pour comprendre que jamais cette vertu théologale ne nous commanderait de résister à ces papes, jamais ces papes n'auraient enseigné officiellement l'erreur, jamais ils ne la maintiendraient officiellement, s'ils étaient vraiment revêtus de l'Autori de Pierre. De cela, ceux qui vivent leur foi ne peuvent douter.

 

Aux catholiques que ce problème angoisse, cette réponse de la foi apporte donc la paix et le réconfort. Non, ils ne se sont pas trom­pés en résistant aux papes de Vatican II, en refusant les nouveautés de leur concile pour garder fidèlement la doctrine du Christ et des Apôtres telle que l'Église catholique romaine l'a toujours comprise et enseignée. Qu'ils soient donc anathèmes ceux qui tentent de nous la changer !

 

Apaisante, réconfortante, cette réponse est aussi absolue. Elle se fonde sur la parole de Dieu qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Aucun doute n'est permis, même aux simples fidèles, qui doivent toujours être prêts à répondre pour leur défense à quiconque leur demande compte de leur espérance (I Pi III, 15). Douter seulement que les papes de Vatican II n'ont pas perdu leur autorité serait douter de la véracité de Dieu. En effet, dans cette hypothèse absurde, Dieu se contredirait. Il commanderait de résister aux papes de Vatican II et menacerait de sa malédiction ceux qui Lui obéiraient en leur résistant. Non, aucun doute n'est permis aux fidèles au sujet des papes de Vatican II : puisque c'est la foi qui nous commande de leur résister, c'est elle qui nous assure qu'ils n'ont pas d'autorité.

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Vérité et Immutabilité du Dogme

Publié le par Études Antimodernistes

Par le R.P. Garrigou-Lagrange O.P.

 

Revue Angelicum XXIV, p. 124-139 ; 1947.

EtudesAntimodernistes.fr, Novembre 2016.

 

 

Dans le numéro d'Avril-Juin 1947 du Bulletin de Littérature ecclésiastique publié par l'Institut Catholique de Toulouse, Mgr Bruno de Solages a examiné l'article que nous avons récemment publié dans l'Angelicum, 1946, fasc. 3-4 : « La nouvelle théologie où va-t-elle ? »

Nous voudrions répondre brièvement ici, d'une façon objective, aux objections qui nous ont été faites1.

 

* * *

 

M. Maurice BlondelNous avons critiqué surtout la nouvelle définition de la vérité proposée par M. Blondel, quand il a écrit dans les Annales de Philosophie chrétienne, 15 juin 1906, p. 235 : « A l'abstraite et chimérique ' adaequatio speculativa rei et intellectus ' se subsitue la recherche méthodique de droit, l'adaequatio realis mentis et vitae ».

En rapportant ce texte, nous avons oublié de transcrire le mot speculativa, mais cela ne change rien au sens, car il est manifeste qu'il s'agit, en cette définition traditionnelle, de la vérité spéculative. Notre critique reste entière ; peut-on appeler « chimérique » cette définition traditionnelle et faut-il lui en « substituer » une autre : la conformité de l'esprit avec les exigences de la vie et de l'action ? Cette nouvelle définition de la vérité ne glisse-t-elle pas vers le pragmatisme, comme le lui reprochait M. Emile Boutroux dans sa critique de la philosophie de l'action (Cf. Science et religion 1908, p. 296).

Alors de multiples questions se posent pour un métaphysicien et un théologien2.

La définition traditionnelle de la vérité selon la conformité au réel et à ses lois immuables est communément admise pour la vérité des premiers principes3, pour la conclusion des preuves de l'existence de Dieu4, pour l'affirmation du fait de la révélation et de la force probante du miracle5 pour la vérité de tous les dogmes révélés6. Si cette définition traditionnelle de la vérité est déclarée « chimérique » et s'il faut lui en « substituer » une autre, que valent les définitions conciliaires qui la supposent ? Faut-il se contenter pour toutes ces vérités de la conformité de l'esprit ou du jugement avec les exigences de la vie et de l'action humaine, qui évolue toujours ?7

1Comme dans notre premier article, nous nous plaçons uniquement au point de vue des idées, en parlant le moins possible des personnes. Ainsi procédait S. Thomas, qui généralement ne nommait pas les théologiens de son temps, dont il ne pouvait admettre les opinions ; il se contentait de dire : « Quidam dicunt... »

Nous regrettons d'être obligé de citer encore M. M. Blondel avec qui nous avons eu par lettres de bonnes relations. Mais nous y sommes obligés parce que plusieurs renchérissent aujourd'hui sur ses thèses les plus ruineuses et sur l'emploi dangereux d'un vocabulaire qui prête à équivoque. Ce qui nous force à le citer, c'est l'évidente influence de sa philosophie de l'action, avant tout apologétique, sur la pensée de plusieurs théologiens actuels. Il reste bien entendu que nous considérons uniquement le sens objectif et les implications logiques des assertions de M. Blondel, sans lui attribuer en rien l'application qui en est faite en des domaines qui ne sont plus le sien, à plus forte raison sans mettre en cause sa foi personnelle, ni même le bien que sa philosophie a fait à certains esprits. Nous constatons que ses derniers ouvrages marquent une intention manifeste de redressement, et contiennent une grande élévation de pensée.

Pour bien entendre ce qui suit, il faut bien voir contre le nominalisme qu'il y a distance sans mesure entre l'idée intellectuelle de l'être intelligible et une image sensible accompagnée d'un nom commun, entre le jugement, dont l'âme est le verbe être, et une association empirique de deux images, entre le raisonnement, qui manifeste une raison d'être, et des consécutions empiriques, qui ne rendent pas intelligible la conclusion empirique à laquelle elles conduisent.

2Sans doute, nous ne connaissons pas tout ce qu'il y a dans le réel, même dans les infiniment petits, en quoi notre connaissance diffère de beaucoup de celle des anges et surtout de celle de Dieu. Mais la vérité est formellement dans le jugement. Et l'on se demande ici quelle est la vérité des jugements qui sont universellement reconnus dans l’Église comme vrais.

3De par l'évidence nécessitante de leur valeur réelle.

4Elles n'ont pas seulement une certitude subjectivement suffisante comme la preuve Kantienne de l'existence de Dieu, mais une certitude objectivement suffisante de par la force même de la démonstration, indépendamment des exigences de l'action.

5Le fait de la révélation est affirmé de par la force probante des signes divers qui le confirment, et non pas seulement parce qu'il correspond à nos aspirations qui trouvent une satisfaction dans la religion chrétienne. Cf. Conc. Vatic. Denz. 1790, 1813, 2145.

6Il est affirmé propter auctoritatem Dei revelantis que Jésus est Dieu et non pas seulement que nous devons nous comporter à son égard comme à l'égard de Dieu.

7C'est pourquoi 12 propositions extraites de la philosophie de l'action ont été condamnées par le S. Office le 1er décembre 1924 (Cf. Monitore ecclesiastico, 1925, p. 194 sq.). Parmi elles, nous l'avons montré, il y a la nouvelle définition de la vérité qui conduit à deux propositions modernistes, à celle qui nie l'immutabilité de la vérité : « Veritas non est immutabilis plus quam ipse homo... » Denz. 2058, et à celle sur la nature du dogme : « Dogmata fidei retinenda sunt tantummodo juxta sensum practicum, id est tanquam norma praeceptiva agendi, non vero tanquam norma credendi ». Denz. 2026.

Si la religion chrétienne n'était que la forme incontestablement la plus haute de l'évolution naturelle du sentiment religieux, ses dogmes et ses préceptes pourraient toujours évoluer intrinsèquement ; mais elle est incomparablement supérieure, elle est d'origine essentiellement surnaturelle, et la doctrine qu'elle enseigne est la parole immuable de Dieu.

M. Blondel dans ses derniers ouvrages a-t-il rétracté les mots « chimérique » et « substituer » ? Nous répondions : nous ne pouvons pas l'affirmer et nous citions un texte de l'ouvrage L'Être et les êtres, 1935 p. 415. Le voici plus complètement : « Aucune évidence intellectuelle, même celle des principes, absolus de soi et possédant une nécessaire valeur ontologique, ne s'impose à nous avec une certitude spontanément et infailliblement contraignante, pas plus que notre idée réelle du Bien absolu n'agit sur notre volonté, comme si nous avions déjà l'intuitive vision de la parfaite bonté seule capable de captiver notre plus libre amour ».

Alors, avons-nous dit, comme ici-bas notre amour de Dieu est libre, il suit que l'option par laquelle nous adhérons à la valeur ontologique du principe de contradiction est libre aussi, contrairement à ce qu'annonce le titre de cette même page 415, qui parle d'une option intellectuelle « préalable à l'emploi du libre arbitre ». De plus il est dit ibid., p. 419 : « Comprend-on maintenant quelle élaboration initiale, quelle option intellectuelle s'opèrent dans les esprits selon qu'ils se laissent prendre par la séduction du monde ou qu'ils s'affranchissent par la préférence accordée à la vérité toute désintéressée ».

Cette préférence n'est-elle pas libre ? La liberté de l'option a été affirmée plusieurs fois par M. Blondel dans ses précédents ouvrages, nous allons le rappeler1. Ici dans L'Être et les êtres, p. 415-422, il y a un louable effort pour rejoindre le réalisme traditionnel et répondre à l'objection incessante : mais les premiers principes ont une évidence nécessitante. Il finit par le reconnaître p. 418, pour ceux qui se placent à un point de vue supérieur et « regardent les choses de haut en bas », c'est-à-dire pour les sages. Mais, disons-nous, les sages ne pourraient pas parvenir à cette certitude métaphysique réfléchie, si déjà l'intelligence naturelle de tout homme n'adhérait spontanément à cette vérité : nul être ne peut en même temps exister et ne pas exister2. Le nier, ou en douter c'est le naufrage et la mort de l'intelligence3.

Alors pour interpréter avec bienveillance ce chapitre de M. Blondel, il faut au moins admettre que la proposition de la p. 415 : « Aucune évidence intellectuelle… ne s'impose à nous... » n'est pas vraie en soi. Ce qui est vrai, c'est seulement ceci : « certains esprits sont si mal disposés qu'ils cherchent à se soustraire à l'évidence naturelle du principe de contradiction comme loi de l'être ». Même Protagoras, Kant ou Hégel conduits par leurs préjugés et leur propre dialectique sophistique à nier la valeur réelle de ce principe ou à la mettre en doute, admettent au même moment que Protagoras ne peut pas simultanément être Protagoras et ne pas l'être4.

De temps en temps M. Blondel revient encore à sa première orientation qui s'exprimait ainsi dans l'Action de 1893, p. 435 : « La connaissance de l'être implique la nécessité de l'option : l'être dans la connaissance n'est pas avant, mais après la liberté du choix ». Voilà bien l'option libre, et même d'après le contexte, l'option qui préfère librement Dieu à tout le créé, qui préfère « L'Être qui illumine toute raison et en face de qui il faut que toute volonté se prononce » ibid. Cette assertion revient constamment dans l'Action de 1893, p. 297, 341, 350, 426, 435, 437, 463. Nous avons cité longuement ces textes ailleurs : Dieu son existence et sa nature, 6e éd. 1936, pp. 44-525.

M. Blondel ne peut pas oublier ce qu'il a écrit dans son premier livre, p. 350 : « Seule l'action porte sur le tout, c'est pourquoi d'elle seule ressort l'indiscutable présence et la preuve contraignante de l'Etre. Les subtilités dialectiques, quelques longues et ingénieuses qu'elles soient, ne portent pas plus qu'une pierre lancée par un enfant contre le soleil »6.

Il est par suite très difficile à celui qui a conçu la philosophie de l'action, et qui toute sa vie a pensé ainsi, de rétracter ce qu'il a écrit en 1906 au sujet de la connaissance spéculative : « A l'abstraite et chimérique « adaequatio speculativa rei et intellectus » se substitue la recherche méthodique de droit, l'adaequatio realis mentis et vitae ».

C'est ce qui sépare la philosophie de l'action de celle de l'être. La première, qui est un pragmatisme supérieur, définit la vérité en fonction de l'action, comme il fallait s'y attendre, tandis que la seconde la définit en fonction de l'être. Autrement la philosophie de l'action cesse d'être ce qu'elle est, pour s'identifier avec celle de l'être.

Saint Thomas d'AquinCe qui caractérise cette dernière, c'est cette assertion de Saint Thomas (qui est fort loin de toutes les citations que nous venons de rapporter) : de Veritate, q. 1., a. 1 : « Illud quod primo intellectus concipit quasi notissimum et in quo omnes conceptiones resolvit est ens ». Ce qui est connu d'abord par l'intelligence, c'est l'être, comme le coloré est ce qui est connu d'abord par la vue, et le sonore par le sens de l'ouïe. Cette conception de l'être est immédiatement suivie de deux jugements : 1° l'être s'oppose contradictoirement au néant, ce qui est ne peut pas en même temps être et ne pas être ; 2° aliquid exsistit, quelque chose existe : le sujet pensant et le réel extramental, par ex. mon corps, la terre qui me porte, l'aliment dont je me nourris. Ces affirmations sont antérieures à toute option libre, nous ne sommes pas libres de les admettre ou de les rejeter ; dès qu'on les considère on y adhère nécessairement.

S. Thomas dit de même Ia, q. 5, a. 2 : « Primo in conceptione intellectus cadit ens…, unde est proprium objectum intellectus, sicut sonus est primum audibile ; ita ergo secundum rationem prius est ens quam bonum ».

Or cette assertion fondamentale de la philosophie de l'être ou ontologie, nous ne la retrouvons pas dans la philosophie de l'action. Celle-ci est comme une transformation, non pas de l'ontologie, mais de l'éthique qui est la philosophie de l'agir humain. Or l'éthique demande un fondement ontologique : la notion de bien suppose en effet celles de l'être et du vrai, autrement il ne saurait être question d'un vrai bien, mais d'une apparence de bien, dans le mouvement de l'action qui ne serait peut-être que sentimentalisme et non pas véritable amour.

Pour que la volonté tende vers le bien véritable, et non pas illusoire, il faut qu'elle soit profondément rectifiée par l'intelligence qui seule peut connaître l'être, le réel, le vrai, et aussi le bien véritable et non pas seulement apparent. Seule l'intelligence peut juger de lui par un jugement vrai, c'est-à-dire conforme au réel, selon la définition traditionnelle de la vérité.

On tomberait dans un cercle vicieux, si l'on voulait se contenter ici d'un jugement prudentiel conforme à la volonté droite, à la bonne intention, puisqu'il s'agit précisément d'expliquer la rectitude de la volonté, par sa tendance au véritable bien7.

Et donc ce que nous ne saurions admettre, c'est que la définition traditionnelle de la vérité : « adaequatio rei et intellectus », la conformité du jugement avec le réel et ses lois immuables, définition présupposée par tous les Conciles, soit appelée chimérique, et qu'il faille lui en « substituer » une autre qui glisse vers le pragmatisme, comme l'avait justement noté M. Boutroux, aussi nettement que bon nombre de théologiens.

Dans l'essence même de l'intelligence il y a une relation immédiate à l'être intelligible, son objet et non pas seulement à ce qui est à faire. Par suite enlever à l'intelligence cette relation immédiate à l'être, c'est la blesser à mort, jusque dans sa nature même.

1Du reste que serait une option non libre ? Option veut dire choix, et le choix proprement dit est libre. M. Blondel, pressé par les objections des théologiens, ne parle plus maintenant d'une option libre, mais il tient cependant toujours beaucoup au mot option ; et il ne parle pas comme les théologiens classiques le désireraient d'adhésion naturelle et nécessaire à la valeur réelle des premiers principes, à cause de leur évidence nécessitante.

2Cf. S. Thomas, Ia IIae q. 17, a. 6.

3On nous a reproché de vouloir imposer à tous le thomisme, ici nous demandons seulement qu'on admette la valeur réelle du principe de contradiction. On ne peut pas moins demander.

4M. M. Blondel confond assez souvent, même dans ses derniers ouvrages, des déformations accidentelles avec la nature d'une faculté essentiellement relative à son objet propre. C'est ainsi qu'il écrit dans La Pensée (1934) t. II, p. 431 : « Trompeuse la prétendue intuition sensible… Trompeuse la soi-disant intuition de la conscience… si sujette à des illusions subjectives… Trompeuse la trop claire intuition des vérités mathématiques et rationnelles, qui peuvent bien marquer des relais de la connaissance… pour faire place à des rénovations sous la double poussée d'expériences élargies et d'une intelligence plus plastique ». Item La Pensée, t. I, p. 131 : « La notion d'objet et l'usage qu'on en fait d'ordinaire est un de ces découpages, une de ces majorations illégitimes que nous ne cessons de dénoncer comme le mensonge chronique, comme l'improbité ruineuse dont se meurt mainte philosophie ».

Mais alors comment conserver la doctrine du Concile du Vatican qui dit que l'ordre de la connaissance surnaturelle se distingue de celui de la connaissance naturelle non seulement par son principe, mais par son objet inaccessible à la connaissance naturelle de l'homme et de l'ange : « Hoc quoque perpetuus Ecclesiae catholicae consensus tenuit et tenet, duplicem esse ordinem cognitionis non solum principio, sed objecto etiam distinctum etc. » (Denz. 1795, 1816).

On trouve dans les deux volumes de La Pensée (1934) des assertions non moins critiquables en plusieurs endroits, t. I, p. 130-136, 170-172, 175, 179, 180, 349, t. II, 39, 66, 67, 90, 96, 196.

Voir dans La Pensée II, p. 66-69 ce qui est dit de l'option libre et son rôle dans la connaissance, même en celle de la valeur réelle des premiers principes.

5On lisait dans l'Action de 1893, p. 297 : « La métaphysique a sa substance dans la volonté agissante. Elle n'a de vérité que sous cet aspect expérimental et dynamique : elle est une science moins de ce qui est que de ce qui est fait être et devenir ».

Ibid. p. 341 : « Une preuve qui n'est qu'un argument logique demeure toujours abstraite et partielle. Elle ne conduit pas à l'être ; elle n'accule pas nécessairement la pensée à la nécessité réelle. Une preuve qui résulte du mouvement total de la vie, une preuve qui est l'action même, aura, elle au contraire, « cette vertu contraignante ». »

Ibid. p. 350 : « La notion d'une cause première ou d'un idéal moral, l'idée d'une perfection métaphysique ou d'un acte pur, toutes ces conceptions de la raison humaine, vaines, fausses, idolâtriques, si on les considère isolément comme d'abstraites représentations, sont vraies, vives, efficaces, dès que solidaires, elle sont, non plus un jeu de l'entendement, mais une certitude pratique ». En d'autres termes, elles sont vraies par conformité aux exigences de la vie et de l'action et non pas par la force objective des preuves de l'existence de Dieu. Cf. ibid., p. 437, 438. Nous ne voyons pas que l'auteur ait rétracté toutes ces positions.

6Il écrivait encore dans l'Action de 1893, p. 463 : « Pour la science entre ce qui paraît être à jamais et ce qui est, quelle différence saurait-on découvrir ? Et comment distinguer la réalité même d'avec une invincible et permanente illusion ou pour ainsi parler, d'avec une apparence éternelle ? Pour la pratique, il en est autrement : en faisant comme si c'était seule elle possède ce qui est, si c'est vraiment ».

Ibid., p. 437 sq : « La connaissance qui avant l'option était simplement subjective et propulsive, devient, après, privative ou constitutive de l'être (suivant que l'option est mauvaise ou bonne)… La seconde de ces connaissances, celle qui succède à la détermination librement prise… au lieu de nous mettre en présence de ce qui est à faire, recueille dans ce qui est fait, ce qui est. C'est donc vraiment une connaissance objective… Le vouloir résout le problème proposé par l'entendement ».

7C'est ce que S. Thomas a dit Ia-IIae, q. 19, a. 3, ad 2 : « Pour les moyens à choisir, la rectitude de la raison (ici de la prudence) consiste dans la conformité à l'intention droite de la fin que l'on doit atteindre. Mais cette intention de la volonté présuppose la connaissance intellectuelle vraie de la fin à atteindre ». Cette dernière connaissance est vraie par conformité, non pas à l'intention droite, mais au réel. M. Emile Boutroux (Science et Religion, 1908, p. 296) objecte de même contre la philosophie de l'action. « Mais la volonté demande une fin » et une fin qui soit jugée par l'intelligence selon la conformité au réel. Autrement comment être sûr d'éviter le sentimentalisme des faux mystiques ? L'Encyclique Pascendi (Denz. 2081) l'a noté : Comment discerner l'expérience religieuse vraie de celle d'une fausse religion ?

L'Immutabilité des Formules Dogmatiques

 

Selon Mgr Bruno de Solages, lorsque le P. Bouillard, Conversion et grâce chez S. Thomas d'Aquin, 1944, p. 219 a écrit : « une théologie qui ne serait plus actuelle serait une théologie fausse » il « n'affirme nullement cette monstruosité qu'une théologie qui aurait été vraie à un moment donné devienne objectivement fausse « quand l'esprit évolue », mais qu'elle sera fausse subjectivement, c'est-à-dire interprétée en un sens faux par un esprit qui ne donnerait plus, par suite de son évolution même, le même sens aux diverses notions dont usait cette théologie ».

Je répondrai : si le P. Bouillard n'a voulu dire que cela, il s'est bien mal exprimé en une question si grave, où il faut très attentivement veiller à la propriété des termes. De plus cela reviendrait à cette vérité de la Palisse : une théologie qui n'est plus actuelle est mal comprise par ceux qui n'en saisissent plus les notions. En réalité le P. Bouillard p. 224 dit : « Pour que la théologie continue d'offrir un sens à l'esprit, puisse le féconder et progresser avec lui, il faut qu'elle aussi renonce à ces notions ». Il entend : comme on a renoncé au système astronomique de Ptolémée1.

Il nous parle de la relativité de la notion de cause formelle que « la pensée moderne a abandonnée en renonçant à la physique aristotélicienne » (p. 224).

Or s'il fallait renoncer à cette notion qui se trouve partout dans la théologie de S. Thomas, cette théologie serait fausse objectivement, et non seulement en plusieurs de ses parties importantes, mais dans sa totalité, car selon S. Thomas aucune nature ne serait plus concevable, ni celle des êtres sensibles, ni celle des anges, ni celle de Dieu. On ne pourrait plus parler de ce qui les constitue formellement, et avec la cause formelle disparaîtrait la notion des autres causes : matérielle, efficiente et finale. Voilà ce qu'un métaphysicien voit d'emblée, et il est clair qu'il ne faut pas confondre les hypothèses scientifiques qui se succèdent avec les vérités immuables.

Pour éviter le relativisme, le P. Bouillard p. 220 dit : « Si les notions, les méthodes, les systèmes changent avec le temps, les affirmations qu'ils contiennent demeurent, quoiqu'elles s'expriment en d'autres catégories ».

Concile de TrenteEnfin il en vient à dire, p. 221, au sujet du Concile de Trente qui a employé (sess. 6, cap. 7, can. 10) dans son enseignement sur la justification la notion de cause formelle : « N'a-t-il pas par le fait même consacré cet emploi et conféré à la notion de grâce-forme un caractère définitif ? Nullement… Il a utilisé à cette fin les notions communes de la théologie du temps. Mais on peut leur en substituer d'autres sans modifier le sens du Concile ».

J'ai bien lu très attentivement ce qui précède cette phrase et ce qui suit, mais elle n'en est pas rendue plus acceptable. Je le répète : Comment peut-on maintenir le sens de cet enseignement du Concile : « la grâce sanctifiante est la cause formelle de la justification », si l'on doit renoncer à la notion de cause formelle, et si on lui en substitue une autre même analogue (le don incréé qui est le Saint-Esprit est analogue au don créé, on ne peut pourtant pas dire que la grâce habituelle est le don incréé de Dieu).

Si l'on substitue une autre notion à celle du Concile, le sens de son affirmation n'est plus le même. Il faut se contenter de dire : la grâce a été conçue à l'époque du Concile de Trente comme la cause formelle de la justification, mais aujourd'hui il faut la concevoir autrement. Cette conception passée n'est plus actuelle, et donc elle n'est plus vraie, car une doctrine qui n'est plus actuelle, a-t-il été dit, est une doctrine fausse « qui n'offre plus un sens à l'esprit », qui puisse « le féconder et progresser avec lui », elle ne peut donc plus être admise, comme un adolescent ne peut plus porter des habits d'enfant, et comme nous ne pouvons plus admettre l'ancienne astronomie.

Ici encore nous ne sommes pas tombés dans un contresens.

On nous objecte cependant : le P. Bouillard ne parle pas de deux notions unies par le verbe être.

Je réponds : il dit, p. 220 : « si les notions, les méthodes, les systèmes changent, les affirmations qu'ils contiennent demeurent » et il ajoute que même les notions conciliaires peuvent changer.

Mais alors je demande : qu'est-ce qu'une affirmation sinon l'union d'un sujet et d'un prédicat par le verbe être, par ex. : la grâce est la cause formelle de la justification, la transsubstantiation est requise par la présence réelle. L'affirmation suppose deux notions unies par le verbe être.

Si donc les notions changent, s'il faut renoncer à celle de cause formelle et lui en substituer une autre même analogue, comment peut subsister le sens de cette affirmation du Concile de Trente : « la grâce est la cause formelle de la justification » ? Un même rapport ne peut demeurer entre deux notions, si elles sont essentiellement instables ou changeantes. Autant dire, remarquions-nous, qu'un crampon de fer peut immobiliser les flots de la mer.

Nous maintenons donc notre critique2.

 

* * *

 

Quant à l'assertion du P. de Lubac, Surnaturel, 1946, p. 254 : « Rien n'annonce chez S. Thomas la distinction que forgeront plus tard un certain nombre de théologiens thomistes entre Dieu auteur de la nature et Dieu auteur de l'ordre surnaturel etc. », les quatre textes de S. Thomas que nous avons cité en note, selon leur sens obvie et communément reçu, montrent que S. Thomas n'a pas seulement annoncé cette distinction, mais qu'il l'a admise. Nous avons cité beaucoup d'autres textes de lui relatifs à cette question, dans un traité De Revelatione, 4e éd. 1945, tome I, p. 315-376, et nous y avons examiné et réfuté, p. 364, la théorie du surnaturel proposée au XVIIIe s. par Noris et Berti, à laquelle somme toute revient aujourd'hui le P. de Lubac3.

1Il dit aussi p. 211 : « Si les auteurs savent que la théologie n'a pas toujours existé dans son état actuel dans la connaissance des théologiens du moins se représentent-ils inconsciemment qu'elle était déjà donnée telle quelle dans le domaine des vérités éternelles, et que l'intelligence discursive n'a eu qu'à la découvrir, à la reconstruire peu à peu. Une étude historique révèle au contraire… la relativité des notions ».

Lorsque Léon XIII dans l'Encyclique Aeterni Patris parlait de la stabilité de la doctrine de S. Thomas, considérée en ce qu'elle a de primordial et d'essentiel, il entendait bien que ce que le saint Docteur a enseigné est vrai dans le domaine des vérités éternelles. Ce n'est pas là un préjugé auquel les théologiens d'aujourd'hui devraient renoncer. C'est toute cette Encyclique qu'il faut relire à ce sujet.

De même sa Sainteté Pie XII dans un Discours publié par l'Osservatore Romano du 23-24 sept. 1946, contrairement à certaines opinions nouvelles, a parlé des principes immuables sur lesquels repose la doctrine de saint Thomas.

2Le meilleur des contextes ne suffit pas à sauver une proposition, si par elle même elle est fausse. Et même les plus graves erreurs sont souvent proposées dans un contexte qui leur donne une apparence de vérité. On se tromperait alors, si l'on parlait de l'intuition vraie ou de l'âme de vérité qui est en elles, alors qu'il n'y a là qu'une parcelle de vérité, détournée de son sens, et qui rend l'erreur plus séduisante et plus dangereuse, comme il arrive dans les sophismes les plus spécieux.

3On demande où S. Thomas a parlé de la béatitude naturelle (non pas en cette vie, celle dont ont parlé les plus grands philosophes païens), mais après la mort. Il y a fait allusion en parlant de l'état des âmes des enfants morts sans baptême. Ils ont, selon lui, non pas la béatitude naturelle parfaite, mais une certaine béatitude naturelle imparfaite. Cf. De Malo, q. 5, a. 2 et 3. Nous l'avons expliqué dans notre De Gratia, 1947, p. 410. Le P. de Lubac, comme Noris et Berti, ne paraît pas conserver la vraie notion de la nature humaine ; celle-ci ne paraît pas avoir pour lui de limite déterminée (de par l'objet propre de notre intelligence), elle est ouverte comme nature en un tel sens qu'on ne peut plus voir où finit le naturel et où commence le surnaturel, où finit la nature et où commence la grâce. D'où les critiques adressées à S. Thomas, qui, lui, a une notion déterminée de la nature et de la nature humaine, de telle sorte que le surnaturel dépasse vraiment ses forces et ses exigences, contrairement à ce qu'a dit Baius. Nous avons parlé longuement de ces questions ailleurs : De Revelatione, loc. cit.

* * *

 

Quelques autres remarques.

Lorsque le P. Gaston Fessard dans les Etudes de Nov. 1945, p. 269-270 a parlé « du bienheureux assoupissement que protège ce thomisme canonisé, mais aussi, comme disait Péguy, enterré », il n'aurait voulu parler, nous dit-on, que du thomisme du P. de Tonquédec et non du thomisme lui-même.

Mais le thomisme du P. de Tonquédec n'a été canonisé par personne, et Péguy n'a pas parlé de lui, que je sache.

Si nous avons demandé : « deux théologies peuvent-elles être en même temps vraies, si elles s'opposent contradictoirement sur leurs thèses capitales ? » c'est qu'on a parlé ces dernières années de la vérité simultanée du thomisme, du scotisme et molinisme, comme si la vérité intégrale était un polyèdre. Nous avons rappelé alors que le thomisme et le scotisme s'opposent contradictoirement sur plusieurs thèses principales, de même que le thomisme et le molinisme, par ex. l'un affirme que la grâce est efficace par elle-même, l'autre le nie. Là encore nous n'avons fait aucun contresens.

On nous parle enfin d'un manque de probité qu'il y aurait à citer des feuilles polycopiées distribuées clandestinement depuis 1934 au clergé. C'est pourtant un fait que personne n'ignore ; on sait aussi le mal qu'elles font à la jeunesse qui s'y laisse prendre. S'il y a manque de probité, est-il le fait de celui qui dénonce un scandale, ou le fait de celui qui le provoque ?1

Il paraît que si nous avions vécu au XIIIe siècle, nous aurions demandé la condamnation de Saint Thomas ! Cela suppose que tel ou tel des théologiens actuels, dont nous ne pouvons admettre les conclusions, est le Saint Thomas de notre temps. On verra dans un siècle ou deux quel sera à ce sujet le jugement de l'histoire. En tout cas ces deux Saints Thomas ne seraient guère d'accord l'un avec l'autre.

Il n'est pas interdit à un théologien de dire que telle position nouvelle conduit selon lui à l'hérésie, et même qu'elle lui paraît hérétique. Il le dit seulement du point de vue de la science théologique et de ses déductions, sans parler auctoritative comme le ferait un juge dans un tribunal ecclésiastique2.

Quant au problème de l'évolution, il importe de bien distinguer le domaine des hypothèses scientifiques proposées à l'examen, c'est-à-dire celui des apparences sensibles, et le domaine de l'être, qui est celui de la métaphysique, où il faut admettre une intervention spéciale de Dieu pour la production de la vie végétative, de la vie sensitive, et de la vie intellectuelle. A plus forte raison en faut-il une toute spéciale pour produire en l'homme la vie de la grâce.

Il est enfin absolument impossible d'admettre que l'Incarnation du Verbe et la Rédemption soient des moments de l'évolution. Et si cette évolution est expliquée dans le sens de la métaphysique hégélienne, condamnée par le Concile du Vatican3, ce serait une hérésie proprement dite, et même plus qu'une hérésie ; ce serait l'apostasie complète, car l'évolutionnisme absolu et panthéistique de Hégel ne laisse subsister aucun des dogmes chrétiens : en niant le vrai Dieu réellement et essentiellement distinct du monde, il nie tous les mystères révélés dont il ne conserve que le nom4.

 

1Nous n'avons pas du tout parlé de la personne inconnue qui a pris la responsabilité de distribuer ces feuilles. Mais nous avons pu constater, comme beaucoup d'autres, l'effet qu'elles ont produit et produisent encore en plusieurs de ceux qui les lisent.

2Dans ce que nous avons écrit, nous avons critiqué des idées en laissant les personnes de côté le plus possible. C'est se placer à un tout autre point de vue d'écrire un plaidoyer pour les personnes.

Plusieurs des représentants de la théologie nouvelle que nous avons cités ont été déjà indiqués avant nous par quelques uns de leurs amis, en particulier dans les Etudes de Sept. 1946, p. 253 sq.

On s'explique fort bien que Benoît XIV dans la Const. Sollicita ac provida du 9 juillet 1753, en fixant la discipline pour la prohibition des livres, demande qu'on lise attentivement un livre dans son entier et qu'on ne le juge pas par une ou deux propositions détachées du contexte, car il se peut, dit-il, que « ce qui est obscur en un endroit, soit plus clairement dit dans un autre » et que le sens en devienne alors acceptable. C'est bien certain. Mais, sans porter un jugement sur tout un livre, on peut citer une ou plusieurs de ses propositions qui sont ou au moins paraissent manifestement fausses ou dangereuses par les conséquences qui en dérivent, surtout lorsqu'elles ne se trouvent pas expliquées et rendues acceptables par un autre endroit plus clair et plus excplicite.

3cf. Denzinger, Enchiridion, n. 1804, n. 3 — Vacant, Etudes sur le Concile du Vatican, t. I, p. 213, 344, 362 : l'évolutionisme panthéiste de Hégel.

4C'est ce que nous avons montré ailleurs : De Revelatione, 4e édition 1945, p. 219-258.

* * *

 

Nous ne pouvons donc que maintenir ce que nous avons dit en particulier en ce qui concerne la définition traditionnelle de la vérité « adaequatio rei et intellectus », la conformité du jugement avec le réel et ses lois immuables. Cette définition n'est pas chimérique, il ne faut pas lui en substituer une autre qui glisse vers le pragmatisme. Ce serait blesser mortellement l'intelligence ; ce serait oublier que cette définition traditionnelle est supposée par tous les Conciles et requise pour l'immutabilité du dogme. On ne saurait donc être trop attentif aux paroles de Sa Sainteté Pie XII dans le discours publié par l'Osservatore Romano du 19 Sept. 1946 : « Plura dicta sunt, at non satis explorata ratione ' de nova theologia ', quae cum universis semper volventibus rebus, una volvatur, semper itura, numquam perventura. Si talis opinio amplectenda esse videatur, quid fiet de numquam immutandis catholicis dogmatibus, quid de fide unitate et stabilitate ? ».

A l'heure actuelle, dans le profond désarroi des esprits, nous avons besoin plus que jamais d'une foi ferme, vive, pénétrante et rayonnante ; elle cesserait d'être vive et forte, si elle perdait sa fermeté et l'immutabilité de son adhésion « aux paroles qui ne passeront point » et qui sont exprimées en notions humaines assez stables pour rester immuablement vraies pendant tous les siècles (*).

 

(*) Même dans La Philosophie et l'esprit chrétien, publié par M. M. Blondel en 1946, on trouve encore à côté de belles pages des assertions comme celles-ci (t. II, p. 261) : « On s'aperçoit davantage que l'idée d'étayer l'obsequium rationabile fidei sur des arguments abstraits, sur une fixité de notions, sans relations plastiques avec l'évolution normale des méthodes de pensée et des mentalités toujours en mouvement, risque de conduire à une conception statique et close d'un formalisme qui a pu être adapté à un moment de l'histoire où à une idée toute extrinséciste d'une religion imposée une fois pour toutes, par des témoignages marqués de la date et des habitudes d'esprit de leur temps, abstraction faite des problèmes à la fois permanents et mouvants et de l'enracinement vital des vérités à croire et des obligations à observer dans les profondeurs des âmes humaines et des éléments constructifs de la conscience morale et métaphysique…1 Rien n'est donc plus contraire à la vivante idée du christianisme que cette double thèse dont certains avaient voulu faire une condition sine qua non d'une orthodoxie intégriste : un sommaire littéralement fixé en fonction d'une terminologie et d'une doctrine construite avec des notions comme matériaux, et une superposition pure et simple de l'ordre surnaturel à une philosophie se suffisant, fermée sur elle-même sans soupirail, même obscur, vers une clarté plus haute et une vie plus abondante ».

Il faut pourtant admettre la fixité des notions de révélation, de surnaturel, de foi, d'évidente crédibilité, de signes divins de la Révélation, de miracle. Sans doute ces notions sont d'abord confuses, puis distinctes, mais elles doivent être stables, pour que les jugements qui les unissent par le verbe être soient eux-mêmes irréformables. Cela est requis par l'enseignement même de l’Église sur la nature de la révélation et son objet ; enseignement qui se résume en ces propositions immuables extraites surtout du Concile du Vatican, et que rapporte justement Denzinger : Stricte dicta revelatio seu locutio Dei ad homines est possibilis et utilis, 1807 sq., supernaturalis 1637, 1787, 2020 sqq., quoad veritates religiosas naturales moraliter necessaria, quoad supernaturales absolute necessaria 1786, 1808 ; signis externis credibilis fieri potest 1622 sqq. 1627, 1638 sq. 1651, 1790, 1793, 1812 ; non est imperfecta neque ut talis per progressum perficienda, 1637 sq. 1656, 1705, 1800 ; neque ullo modo in alium sensum mutanda est 1818. — Praeter veritates etiam rationi omnino impervia sunt 1616 sq. 1642 sqq. 1655, 1795, 1816, immo etiam angelicam intelligentiam transcendunt, 1673, quae cum progressu scientiae demonstrari non possunt 1642, 1796, 1818, tamen rationi non contradicunt sed eam superant 1671, 1795 et semper obscura manent quamdiu in hac vita peregrinamur a Domino, per fidem enim ambulamus et non per speciem (II Cor., V, 6) 1796 ; et Fides requirit notitiam certam de facto revelationis 1623, 1790, 1812, 2106. Toutes ces propositions sont immuablement vraies et ne peuvent l'être que si les notions qu'elles unissent par le verbe être sont parfaitement stables elles aussi.

1Mais qui donc, dirons-nous, a fait une telle abstraction ? Ce ne sont pas les théologiens traditionnels.

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La nouvelle théologie où va-t-elle ?

Publié le par Études Antimodernistes

Par le R.P. Garrigou-Lagrange O.P.

 

Revue Angelicum XXIII, p. 126-145 ; 1946.

EtudesAntimodernistes.fr, Octobre 2016.

 

 

Dans un livre récent du P. Henri Bouillard, Conversion et grâce chez S. Thomas d'Aquin, 1944, p. 219, on lit : « Quand l'esprit évolue, une vérité immuable ne se maintient que grâce à une évolution simultanée et corrélative de toutes les notions, maintenant entre elles un même rapport. Une théologie qui ne serait pas actuelle serait une théologie fausse1. »

R.P. Garrigou-Lagrange O.P.Or dans les pages précédentes et les suivantes on montre que la théologie de S. Thomas en plusieurs parties importantes n'est plus actuelle. Par exemple S. Thomas a conçu la grâce sanctifiante comme une forme (principe radical d'opérations surnaturelles qui ont pour principe prochain les vertus infuses et les sept dons) : « Les notions utilisées par S. Thomas sont simplement des notions aristotéliciennes appliquées à la théologie » (ibid., p. 213 sq.).

Que s'en suit-il ? « En renonçant à la Physique aristotélicienne, la pensée moderne a abandonné les notions, les schèmes, les oppositions dialectiques qui n'avaient de sens qu'en fonction d'elle » (p. 224). Elle a donc abandonné la notion de forme.

Comment le lecteur évitera-t-il de conclure : la théologie de S. Thomas n'étant plus actuelle, est une théologie fausse.

Mais alors comment les Papes nous ont-ils si souvent recommandé de suivre la doctrine de S. Thomas ? Comment l'Église dit-elle dans son Code de droit canonique, can. 1366, n. 2 : « Philosophiae rationalis ac theologiae studia et alumnorum in his disciplinis institutionem professores omnino pertractent ad Angelici Doctoris rationem, doctrinam, et principia, eaque sancte teneant ».

De plus comment « une vérité immuable » peut-elle se maintenir, si les deux notions qu'elle réunit par le verbe être, sont essentiellement changeantes ?

Un rapport immuable ne se conçoit que s'il y a quelque chose d'immuable dans les deux termes qu'il unit. Autrement, autant dire qu'un crampon de fer peut immobiliser les flots de la mer.

Sans doute les deux notions qui sont unies dans une affirmation immuable sont d'abord confuses puis distinctes, telles les notions de nature, de personne, de substance, d'accident, de transsubstantiation, de présence réelle, de péché, de péché originel, de grâce, etc. Mais si dans ce qu'elles ont de fondamental ces notions ne sont pas immuables, comment l'affirmation qui les unit par le verbe être serait-elle immuable ? Comment maintenir que la présence réelle de la substance du Corps du Christ dans l'Eucharistie requiert la transsubstantiation, si ces notions sont essentiellement changeantes ? Comment maintenir que le péché originel en nous dépend d'une faute volontaire du premier homme, si la notion de péché originel est essentiellement instable ? Comment maintenir que le jugement particulier après la mort est irrévocable pour l'éternité, si ces notions sont appelées à changer ? Et comment enfin maintenir que toutes ces propositions sont immuablement vraies, si la notion même de vérité doit changer, et s'il faut substituer à la définition traditionnelle de la vérité (la conformité du jugement au réel extramental et à ses lois immuables) celle proposée ces dernières années par la philosophie de l'action : la conformité du jugement avec les exigences de l'action ou de la vie humaine qui évolue toujours ?

 

 

 

1C'est nous qui soulignons.

I. Les formules dogmatiques elles-mêmes gardent-elles leur immutabilité ?

 

Le P. H. Bouillard, op. cit., p. 221, répond : l'affirmation qui s'exprime en elles demeure. Mais il ajoute, ibid. : « On se demandera peut-être s'il est encore possible de considérer comme contingentes les notions impliquées dans les définitions conciliaires ? Ne serait-ce pas compromettre le caractère irréformable de ces définitions ? Le Concile de Trente, sess. 6, cap. 7, can. 10, par exemple, a employé, dans son enseignement sur la justification la notion de cause formelle. N'a-t-il pas, par le fait même consacré cet emploi et conféré à la notion de grâce-forme un caractère définitif ? Nullement. Il n'était certainement pas dans l'intention du Concile de canoniser une notion aristotélicienne, ni même une notion théologique conçue sous l'influence d'Aristote. Il voulait simplement affirmer, contre les protestants, que la justification est une rénovation intérieure... Il a utilisé à cette fin des notions communes dans la théologie du temps. Mais on peut leur en substituer d'autres, sans modifier le sens de son enseignement ». (C'est nous qui soulignons.)

Sans doute le Concile n'a pas canonisé la notion aristotélicienne de forme avec toutes ses relations aux autres notions du système aristotélicien. Mais il l'a approuvée comme une notion humaine stable, au sens où nous parlons tous de ce qui constitue formellement une chose (ici la justification)1. En ce sens il parle de la grâce sanctifiante distincte de la grâce actuelle, en disant qu'elle est un don surnaturel, infus, qui inhère dans l'âme et par lequel l'homme est formellement justifié (cf. Denzinger, 799, 821). Si les Conciles définissent la foi, l'espérance, la charité comme des vertus infuses permanentes, leur principe radical (la grâce habituelle ou sanctifiante) doit être aussi un don infus permanent, et par suite distincte de la grâce actuelle ou d'une motion divine transitoire.

Mais comment peut-on maintenir le sens de cet enseignement du Concile de Trente « la grâce sanctifiante est la cause formelle de la justification », si « l'on substitue une autre notion à celle de cause formelle » ? Je ne dis pas « si l'on substitue un équivalent verbal », je dis avec le P. H. Bouillard « si l'on substitue une autre notion ».

Si elle est autre, ce n'est plus celle de cause formelle : Alors il n'est plus vrai de dire avec le Concile : « la grâce sanctifiante est la cause formelle de la justification ». Il faut se contenter de dire : la grâce a été conçue à l'époque du Concile de Trente comme la cause formelle de la justification, mais aujourd'hui il faut la concevoir autrement, cette conception passée n'est plus actuelle et donc elle n'est plus vraie, car une doctrine qui n'est plus actuelle, a-t-il été dit, est une doctrine fausse2.

On répondra : on peut substituer à la notion de cause formelle, une autre notion équivalente. Ici on se paie de mots (en insistant d'abord sur une autre et ensuite sur équivalente), d'autant qu'il ne s'agit pas seulement d'équivalence verbale, puisque c'est une autre notion. Que devient la notion même de vérité ?3

Alors la question très grave revient toujours : la proposition conciliaire est-elle maintenue comme vraie per conformitatem cum ente extramentali et legibus ejus immutabilibus, an per conformitatem cum exigentiis vitae humanae quae semper evolvitur ?

On voit le danger de la nouvelle définition de la vérité, non plus adaequatio rei et intellectus, mais conformitas mentis et vitae. Lorsque M. Blondel en 1906 proposait cette substitution, il n'en avait pas prévu toutes les conséquences dans le domaine de la foi. Lui-même en sera peut-être effrayé, ou du moins très inquiet4. De quelle vie s'agit-il en cette définition : « conformitas mentis et vitae » ? Il s'agit de la vie humaine. Et alors comment éviter la proposition moderniste : « Veritas non est immutabilis plusquam ipse homo, quippe quae cum ipso, in ipso et per ipsum evolvitur » (Denz. 2058). On comprend que Pie X ait dit des modernistes : « aeternam veritatis notionem pervertunt » (Denz. 2080).

Il est très dangereux de dire : « les notions changent, les affirmations restent ». Si la notion même de vérité vient à changer, les affirmations ne restent plus vraies de la même manière, ni selon le même sens. Alors le sens des Conciles n'est plus maintenu, comme on l'aurait voulu.

Malheureusement la nouvelle définition de la vérité se répand chez ceux qui oublient ce qu'avait dit Pie X : « Magistros autem monemus, ut rite hoc teneant Aquinatem vel parum deserere, praesertim in re metaphysica, non sine magno detrimento esse. Parvus error in principio, sic verbis ipsius Aquinatis licet uti, est magnus in fine ». (Enc. Pascendi).

A plus forte raison si l'on fait fi de toute métaphysique, de toute ontologie, et si l'on tend à substituer à la philosophie de l'être, celle du phénomène ou celle du devenir, ou celle de l'action.

N'est-ce pas la nouvelle définition de la vérité qui se trouve sous la nouvelle définition de la théologie : « La théologie n'est autre qu'une spiritualité ou expérience religieuse qui a trouvé son expression intellectuelle ». Et alors que penser d'assertions comme celle-ci : « Si la théologie nous peut aider à comprendre la spiritualité, la spiritualité à son tour fera, dans bien des cas, éclater nos cadres théologiques, et nous obligera à concevoir divers types de théologie... A chaque grande spiritualité a correspondu une grande théologie ». Cela veut-il dire que deux théologies peuvent être vraies, même si elles s'opposent contradictoirement sur leurs thèses capitales ? On répondra non si l'on maintient la définition traditionnelle de la vérité. On dira oui, si l'on adopte la nouvelle définition du vrai conçu non pas par rapport à l'être et à ses lois immuables, mais par rapport à différentes expériences religieuses. Cela nous rapproche singulièrement du modernisme.

On se rappelle que le Saint-Office condamna le 1er décembre 1924, douze propositions extraites de la philosophie de l'action, parmi elles il y avait, n. 5, la nouvelle définition de la vérité : « Veritas non invenitur in ullo actu particulari intellectus in quo haberetur conformitas cum objecto, ut aiunt scholastici, sed veritas est semper in fieri, consistitque in adaequatione progressiva intellectus et vitae, scil. in motu quodam perpetuo, quo intellectus evolvere et explicare nititur id quod parit experientia vel exigit actio : ea tamen lege ut in toto progressu nihil unquam ratum fixumque habeatur ». La dernière de ces propositions condamnées est celle-ci : « Etiam post fidem conceptam, homo non debet quiescere in dogmatibus religionis, eisque fixe et immobiliter adhaerere, sed semper anxius manere progrediendi ad ulteriorem veritatem, nempe evolvendo in novos sensus, immo et corrigendo id quod credit »5.

Plusieurs, sans y prendre garde, reviennent aujourd'hui à ces erreurs.

Mais alors comment maintenir que la grâce sanctifiante est essentiellement surnaturelle, gratuite, nullement due à la nature humaine, ni à la nature angélique ?

Cela est clair pour Saint Thomas, qui sous la lumière de la Révélation admet ce principe : les facultés, les « habitus » et leurs actes sont spécifiés par leur objet formel ; or l'objet formel de l'intelligence humaine et celui même de l'intelligence angélique, sont immensément inférieurs à l'objet propre de l'intelligence divine : la Déité ou la vie intime de Dieu (cf. Ia, q. XII, a. 4). Mais si l'on néglige toute métaphysique, pour se contenter d'érudition historique et d'introspection psychologique, le texte de S. Thomas devient inintelligible6. De ce point de vue qu'est-ce qu'on maintiendra de la doctrine traditionnelle sur la distinction non pas contingente, mais nécessaire de l'ordre de la grâce et de celui de la nature ?

A ce sujet dans le livre récent du P. H. de Lubac, Surnaturel (Études historiques), 1946, p. 254 : à propos de l'impeccabilité probable des anges dans l'ordre naturel, on lit : « Rien n'annonce chez S. Thomas la distinction que forgeront plus tard un certain nombre de théologiens thomistes, entre « Dieu auteur de l'ordre naturel », et « Dieu auteur de l'ordre surnaturel »... comme si la béatitude naturelle... dans le cas de l'ange aurait dû résulter d'une activité infaillible, impeccable ». Item, p. 275.

S. Thomas distingue au contraire souvent la fin ultime surnaturelle de la fin ultime naturelle7, et pour ce qui est du démon il dit, De malo, q. 16, a. 3 : « Peccatum diaboli non fuit in aliquo quod pertinet ad ordinem naturalem, sed secundum aliquid supernaturale ». Item, Ia, q. 63, a. 1, ad 3.

On en arrive ainsi à se désintéresser complètement des pronuntiata majora de la doctrine philosophique de S. Thomas, c'est-à-dire des 24 thèses thomistes approuvées en 1916 par la Sacrée Congrégation des études.

Bien plus, le P. Gaston Fessard S. J. dans les Études de novembre 1945, p. 269-270, parle du « bienheureux assoupissement que protège le thomisme canonisé, mais aussi, comme disait Péguy, « enterré », tandis que vivent les pensées vouées, en son nom, à la contradiction ».

Dans la même revue en Avril 1946, il est dit que le néo-thomisme et les décisions de la Commission biblique sont « un garde-fou, mais non pas une réponse ». Et que propose-t-on à la place du thomisme, comme si Léon XIII dans l'Encyclique Aeterni Patris s'était trompé, comme si Pie X dans l'Encycl. Pascendi, en renouvelant cette même recommandation, avait fait fausse route ? Et où va-t-elle aller cette théologie nouvelle avec les maîtres nouveaux dont elle s'inspire ? Où va-t-elle si non dans la voie du scepticisme, de la fantaisie et de l'hérésie ? Sa Sainteté Pie XII disait récemment dans un discours publié par l'Osservatore romano du 19 Sept. 1946 : « Plura dicta sunt, at non satis explorata ratione, « de nova theologia » quae cum universis semper volventibus rebus, una volvatur, semper itura, numquam perventura. Si talis opinio amplectenda esse videatur, quid fiet de numquam immutandis catholicis dogmatibus, quid de fidei unitate et stabilitate ? »

 

 

 

1Nous avons expliqué cela plus longuement dans le Sens commun, la philosophie de l'être et les formules dogmatiques, 4e éd. 1936, p. 362, ss.

2Du reste il est défini que les vertus infuses (surtout les vertus théologales), qui dérivent de la grâce habituelle, sont des qualités, principes permanents d’opérations surnaturelles et méritoires ; il faut donc que la grâce habituelle ou sanctifiante (par laquelle nous sommes en état de grâce), dont ces vertus procèdent comme de leur racine, soit elle-même une qualité infuse permanente et non pas une motion comme la grâce actuelle. Or c’est bien avant S. Thomas qu’on a conçu la foi, l’espérance et la charité comme des vertus infuses. Quoi de plus clair ? Pourquoi perdre son temps sous prétexte de faire avancer les questions, à mettre en doute les vérités les plus certaines et fondamentales ? C’est un indice du désarroi intellectuel de notre temps.

3M. Maurice Blondel écrivait dans les Annales de Philosophie chrét. 15 juin 1906, p. 235 : « A l’abstraite et chimérique adaequatio rei et intellectus se substitue la recherche méthodique de ce droit, l’adaequatio realis mentis et vitae ». Ce n’est pas sans une grande responsabilité qu’on appelle chimérique la définition traditionnelle de la vérité admise depuis des siècles dans l’Église, et qu’on parle de lui en substituer une autre, dans tous les domaines, y compris celui de la foi théologale.

Est-ce que les derniers ouvrages de M. Blondel corrigent cette déviation ? Nous ne pouvons l’affirmer. Il dit encore l’Être et les êtres, 1935, p. 415 : « Aucune évidence intellectuelle même celle des principes absolus de soi et possédant une nécessaire valeur ontologique, ne s’impose à nous avec une certitude contraignante ». Pour admettre la valeur ontologique de ces principes, il faut une option libre. Avant cette option leur valeur ontologique n’est donc que probable. Mais il faut les admettre selon des exigences de l’action secundum conformitatem mentis et vitae. Il ne peut en être autrement si l’on substitue à la philosophie de l’être ou ontologie, la philosophie de l’action. Alors la vérité est définie en fonction non plus de l’être, mais de l’action. Tout est changé. Une erreur sur la notion première de vérité entraîne une erreur sur tout le reste. Voir aussi dans La Pensée de M. Blondel (1934), t. I, p. 39, 130-136, 347, 355 ; t. II, p. 65 ss, 90, 96-196.

4Un autre théologien, que nous citerons plus loin, nous invite à dire qu’à l’époque du Concile de Trente on concevait la transsubstantiation comme le changement, la conversion de la substance du pain en celle du Corps du Christ, mais qu’aujourd’hui il convient de concevoir la transsubstantiation, sans ce changement de substance, mais en concevant que la substance du pain, qui reste, devient le signe-efficace du Corps du Christ. Et l’on prétend encore conserver le sens du Concile !

5Ces propositions condamnées se trouvent dans le Monitore ecclesiastico, 1925, p. 194 ; dans la Documentation catholique, 1925, t. I, p. 771 ss, et dans les Praelectiones Theologicae naturalis du P. Descops, 1932, t. I, p. 150, t. II, p. 287 ss.

6Le P. H. Bouillard, op. cit., p. 169 ss, arrivé au cœur de son sujet dit par exemple que S. Thomas Ia, IIae, q. 113, a. 8, ad 1m à propos de la disposition immédiate à la justification, « ne fait plus appel à la causalité réciproque » comme dans ses ouvrages précédents. Il est clair au contraire pour tout thomiste que c’est d’elle que parle saint Thomas et c’est ce qui éclaire toute la question. Du reste, et c’est élémentaire, la causalité réciproque se vérifie toujours quand les quatre causes interviennent, c’est-à-dire en tout devenir. Ici il est dit : « Ex parte Dei justificantis, ordine naturae prior est gratiae infusio quam culpae remissio. Sed si sumantur ea quae sunt ex parte hominis justificati prius est liberatio a culpa quam consecutio gratiae justificantis ». Tout étudiant en théologie, qui a entendu expliquer le traité de la grâce de S. Thomas article par article, considère que c’est là une vérité qu’il n’est pas permis d’ignorer.

7Cf. Ia, q. 23, a. 1 : « Finis ad quem res creatae ordinantur a Deo est duplex. Unus, qui excedit proportionem naturae creatae et facultatem, et hic finis est vita aeterna, quae in divina visione consistit : quae est supra naturam cujuslibet creaturae, ut supra habitum est Ia, q. 12, a. 4. Alius autem finis est naturae creatae proportionatus, quem scil. res creata potest attingere sec. virtutem suae naturae ». Item Ia IIae, q. 62, a. 1 : « Est autem duplex hominis beatitudo, sive felicitas, ut supra dictum est, q. 3, a. 2 ad 4 ; q. 5, a. 5. Una quidem proportionata humanae naturae, ad quam scil. homo pervenire potest per principia suae naturae. Alia autem est beatitudo naturam hominis excedens. »

Item de Veritate, q. 14, a. 2 : « Est autem duplex hominis bonum ultimum. Quorum unum est proportionatum naturae... haec est felicitas de qua philosophi locuti sunt... Aliud est bonum naturae humanae proportionem excedens ». Si l’on n’admet plus la distinction classique entre l’ordre de la nature et celui de la grâce, on dira que la grâce est l’achèvement normal et obligé de la nature, et l’octroi d’une telle faveur n’en demeure pas moins, dit-on, gratuit, comme la création et tout ce qui la suit, car la création n’était nullement nécessaire. A quoi le Père Descoqs S. J. dans son petit livre Autour de la crise du Transformisme, 2e éd. 1944, p. 84, répond très justement : « Cette explication nous semble en opposition manifeste avec les données les plus certaines de l’enseignement catholique. Aussi bien suppose-t-elle une conception évidemment erronée de la grâce. La création n’est nullement une grâce au sens théologique du mot, la grâce ne trouvant place que présupposée la nature. Dans une telle perspective, l’ordre surnaturel disparaît ».

II. Application des principes nouveaux aux doctrines du péché originel et de l'Eucharistie.

 

On dira certainement que nous exagérons, mais une erreur même légère sur les notions premières et les premiers principes a des conséquences incalculables que ne prévoyaient pas ceux qui se sont ainsi trompés. Les conséquences des vues nouvelles, dont nous venons de parler doivent donc aller bien au-delà des prévisions des auteurs que nous avons cités. Ces conséquences, il est difficile de ne pas les voir en certaines feuilles dactylographiées qui sont communiquées, (certaines depuis 1934) au clergé, aux séminaristes, aux intellectuels catholiques ; on y trouve les plus singulières assertions et négations sur le péché originel et la présence réelle.

Quelquefois avant de proposer ces nouveautés on prévient le lecteur en lui disant : cela paraît fou au premier abord, mais cependant, si l'on y regarde de près, ce n'est pas sans vraisemblance et c'est admis par plusieurs. Les intelligences superficielles s'y laissent prendre, et la formule : « une doctrine qui n'est plus actuelle, n'est plus vraie » fait son chemin. Quelques-uns sont tentés de conclure : « la doctrine de l'éternité des peines de l'enfer n'est plus actuelle, semble-t-il, et par là même elle n'est plus vraie ». Il est dit dans l'Évangile qu'un jour la charité de beaucoup se refroidira et qu'ils seront séduits par l'erreur.

C'est une stricte obligation de conscience pour les théologiens traditionnels de répondre. Autrement ils manquent gravement à leur devoir, et ils devront en rendre compte devant Dieu.

 

* * *

 

Dans les feuilles polycopiées distribuées en France ces dernières années (au moins depuis 1934, d'après celles que nous avons en mains) les doctrines les plus fantaisistes et les plus fausses sont enseignées sur le péché originel.

Dans ces feuilles, l'acte de foi chrétienne n'est pas conçu comme une adhésion surnaturelle et infaillible aux vérités révélées propter auctoritatem Dei revelantis, mais comme une adhésion de l'esprit à une perspective générale de l'univers. C'est la perception de ce qui est possible et plus probable mais non démontrable. La foi devient un ensemble d'opinions probables. De ce point de vue, Adam paraît être non pas un homme individuel d'où descend le genre humain, mais c'est plutôt une collectivité.

On ne voit plus dès lors comment maintenir la doctrine révélée du péché originel telle qu'elle est expliquée par Saint Paul, Rom. V, 18 : « Sicut per unius delictum in omnes homines in condemnationem, sic et per unius justitiam in omnes homines in justificationem vitae. Sicut enim per inoboedientiam unius peccatores constituti sunt multi, ita per unius oboeditionem justi constituentur multi ». Tous les Pères et l'Église, interprète autorisée de l'Écriture, dans son magistère soit ordinaire, soit solennel ont toujours entendu que Adam a été un homme individuel comme ensuite le Christ et non pas une collectivité1. On nous propose maintenant une probabilité en sens contraire de l'enseignement des Conciles d'Orange et de Trente, Denz. 175, 789, 791, 7932.

De plus l'incarnation du Verbe, de ce nouveau point de vue, serait un moment de l'évolution universelle.

L'hypothèse de l'évolution matérielle du monde est étendue à l'ordre spirituel. Le monde surnaturel est en évolution vers l'avènement plénier du Christ.

Le péché en tant qu'il affecte l'âme est quelque chose de spirituel et donc d'intemporel. Par suite peu importe pour Dieu qu'il ait eu lieu au début de l'histoire de l'humanité ou au cours des âges.

Le péché originel n'est donc plus en nous un péché qui dépend d'une faute volontaire du premier homme, mais il provient des fautes des hommes qui ont influé sur l'humanité.

On en vient ainsi à vouloir changer non seulement le mode d'exposition de la théologie, mais la nature même de la théologie, bien plus celle du dogme. Celui-ci n'est plus considéré du point de vue de la foi infuse à la Révélation divine, interprétée par l'Église dans ses Conciles. Il n'est plus question des Conciles, mais on se place ici au point de vue de la biologie complétée par des élucubrations des plus fantaisistes qui rappellent celles de l’évolutionnisme hégélien, lequel ne conservait plus des dogmes chrétiens que le nom.

En cela on suit les rationalistes, et l'on fait ce que les ennemis de la foi désirent, on la réduit à des opinions toujours changeantes qui n'ont plus aucune valeur. Que reste-t-il de la parole de Dieu donnée au monde pour le salut des âmes ?

Dans ces feuilles intitulées « Comment je crois », on lit, p. 15 : « Si nous voulons, nous autres chrétiens, conserver au Christ les qualités qui fondent son pouvoir et notre adoration, nous n'avons rien de meilleur ou même rien d'autre à faire que d'accepter jusqu'au bout les conceptions les plus modernes de l'Évolution. Sous la pression combinée de la Science et de la Philosophie, le Monde s'impose de plus en plus à notre expérience et à notre pensée comme un système lié d'activités s'élevant graduellement vers la liberté et la conscience. La seule interprétation satisfaisante de ce processus est de le regarder comme irréversible et convergent. Ainsi se définit en avant de nous un Centre cosmique Universel où tout aboutit, où tout se sent, où tout se commande. Eh bien, c'est en ce pôle physique de l'universelle Évolution qu'il est nécessaire, à mon avis, de placer et de reconnaître la plénitude du Christ... L'Évolution en découvrant un sommet au monde, rend le Christ possible, tout comme le Christ en donnant un sens au Monde, rend possible l'Évolution.

« J'ai parfaitement conscience de ce qu'il y a de vertigineux dans cette idée... mais, en imaginant une pareille merveille, je ne fais rien d'autre chose que de transcrire en termes de réalité physique les expressions juridiques où l'Église a déposé sa foi... Je me suis engagé pour mon compte, sans hésiter, dans la seule direction où il me semble possible de faire progresser et par conséquent de sauver ma foi.

« Le catholicisme m'avait déçu, en première apparence, par ses représentations étroites du Monde, et par son incompréhension du rôle de la Matière. Maintenant je reconnais qu'à la suite du Dieu incarné qu'il me révèle je ne puis être sauvé qu'en faisant corps avec l'univers. Et ce sont du même coup mes aspirations « panthéistes » les plus profondes qui se trouvent satisfaites, rassurées, guidées. Le Monde autour de moi, devient divin...

« Une convergence générale des religions vers un Christ-universel, qui, au fond, les satisfait toutes : telle me paraît être la seule conversion possible au Monde et la seule forme imaginable pour une Religion de l'avenir »3.

Ainsi le monde matériel aurait évolué vers l'esprit, et le monde de l'esprit évoluerait naturellement pour ainsi dire vers l'ordre surnaturel et vers la plénitude du Christ. Ainsi l'Incarnation du Verbe, le corps mystique, le Christ universel seraient des moments de l'Évolution, et de ce point de vue d'un progrès constant dès l'origine, il ne semble pas qu'il y ait eu une chute au début de l'histoire de l'humanité, mais un progrès constant du bien qui triomphe du mal selon les lois mêmes de l'évolution. Le péché originel serait en nous la suite des fautes des hommes qui ont exercé une influence funeste sur l'humanité.

Voilà ce qui reste des dogmes chrétiens dans cette théorie qui s'éloigne de notre Credo dans la mesure où elle se rapproche de l'évolutionnisme hégélien.

Dans cet exposé il est dit : « Je me suis engagé dans la seule direction où il me semble possible de faire progresser et par conséquent de sauver ma foi ». C'est donc que la foi elle-même n'est sauve que si elle progresse, et elle change tellement qu'on ne reconnaît plus la foi des Apôtres, celle des Pères et des Conciles. C'est une manière d'appliquer le principe de la théologie nouvelle : « une doctrine qui n'est plus actuelle n'est plus vraie » et pour certains il suffit qu'elle ne soit plus actuelle en certains milieux. Dès lors la vérité est toujours in fieri, jamais immuable. Elle est la conformité du jugement, non pas avec l'être et ses lois nécessaires, mais avec la vie qui évolue toujours. On voit jusqu'où conduisent les propositions condamnées par le Saint Office le 1er décembre 1924, et que nous avons citées plus haut : « Nulla propositio abstracta potest haberi ut immutabiliter vera ». « Etiam post fidem conceptam, homo non debet quiescere in dogmatibus religionis, eisque fixe et immobiliter adhaerere, sed semper anxius manere progrediendi ad ulteriorem veritatem, nempe evolvendo in novos sensus, immo et corrigendo id quod credit ». Cf. Monitore ecclesiastico, 1925, p. 194.

 

 

1Cfr. L'Epître aux Romains du Père M. J. Lagrange O. P. 3e éd. Commentaire du chap. V.

2Les difficultés du côté des sciences positives et de la préhistoire sont exposées, dans l’article Polygénisme du Dict. de théol. cath. Les auteurs de cet article, A. et J. Bouyssonie distinguent bien, c. 2536, le domaine de la philosophie, « où le naturaliste, en tant que tel, est incompétent ». On aurait désiré que, dans cet article, la question fut traitée aux trois points de vue des sciences positives, de la philosophie et de la théologie, en particulier par rapport au dogme du péché originel.

Selon plusieurs théologiens, l’hypothèse d’après laquelle il y a eu sur terre des hommes, dont la race était éteinte avant l’existence d’Adam, ne serait pas contraire à la foi. Mais selon l’Écriture le genre humain qui est à la surface de la terre dérive d’Adam, Gen., III, 5... 20 ; Sap. X, 1 ; Rom., V, 12, 18, 19 ; Act. Ap. XVII, 26.

De plus au point de vue philosophique il a fallu une intervention libre de Dieu pour créer l’âme humaine, et même pour disposer le corps à la recevoir. Un engendrant de nature inférieure ne peut produire cette disposition supérieure à son espèce ; le plus sortirait du moins, contrairement au principe de causalité.

Enfin, comme il est dit dans l’article cité, col. 2535, « pour les mutationistes (d’aujourd’hui) l’espèce nouvelle prend naissance dans un germe unique. L’espèce est inaugurée par un individu exceptionnel ».

3Les soulignements sont de nous. On trouve des idées presque aussi fantaisistes dans un article du P. Teilhard De Chardin, Vie et planètes, paru dans les Études, de mai 1946, surtout p. 158-160, et 168. – Voir aussi Cahiers du Monde nouveau, août 1946 : Un grand Événement qui se dessine : la Planétisation humaine, du même auteur.

On a cité récemment un texte du même écrivain, extrait des Études 1921, t. II, p. 543, où il est parlé de « l’impossibilité où est notre esprit de concevoir, dans l’ordre des phénomènes, un début absolu ». – A quoi M. M. Salet et Lafont ont justement répondu dans L’Évolution régressive, p. 47 : « La création n’est-elle pas un début absolu ? ». Or la foi nous dit que Dieu crée quotidiennement des âmes de petits enfants, et qu’à l’origine il a créé l’âme spirituelle du premier homme. Du reste le miracle lui aussi est un commencement absolu qui ne répugne en rien à la raison.

Cf. sur ce point P. Descoqs S. J., Autour de la crise du transformisme, 2e éd. 1944, p. 85.

Enfin comme le remarque le même P. Descoqs, ibid., p. 2 et 7, ce n’est plus le moment pour les théologiens de tant parler de l’évolutionnisme et du transformisme alors que les meilleurs savants écrivent comme P. Lemoine, professeur au Museum : « L’évolution est une sorte de dogme auquel ses prêtres ne croient plus, mais qu’ils maintiennent pour leur peuple. Cela il faut avoir le courage de le dire pour que les hommes de la génération future orientent leurs recherches d’une autre façon ». Cf. Conclusion du t. V de l’Encyclopédie Française (1937). Le Dr. H. Rouvière, prof. à la Faculté de médecine de Paris, membre de l’Académie de Médecine, écrit aussi dans Anatomie philosophique, La finalité dans l’Évolution, p. 37 : « Il s’est produit un véritable effondrement dans la doctrine transformiste... La plupart des biologistes se sont éloignés d’elle parce que les défenseurs du transformisme n’ont jamais apporté la moindre preuve à l’appui de leur théorie et que tout ce que l’on sait de l’évolution plaide contre elle ».

* * *

 

Nous trouvons un autre exemple de semblable déviation en des feuilles dactylographiées sur la Présence réelle, qui circulent depuis quelques mois dans le clergé. Il y est dit que le vrai problème de la présence réelle n'a pas été jusqu'ici bien posé : « On a dit pour répondre à toutes les difficultés qu'on s'est forgées : le Christ est présent à la manière d'une substance... Cette explication passe à côté du vrai problème. Ajoutons que dans sa clarté trompeuse, elle supprime le mystère religieux. A vrai dire, il n'y a plus là un mystère, il n'y a plus là qu'un prodige ».

C'est donc S. Thomas qui n'a pas su poser le problème de la Présence réelle, et sa solution : praesentia corporis Christi per modum substantiae serait illusoire ; sa clarté est une clarté trompeuse.

On nous avertit que l'explication nouvelle qu'on propose « implique évidemment qu'on substitue comme méthode de réflexion la méthode cartésienne et spinosiste à la méthode scolastique ».

Un peu plus loin on lit : au sujet de la transsubstantiation « ce mot n'est pas sans inconvénient, pas plus que celui de péché originel. Il répond à la manière dont les scolastiques conçoivent cette transformation et leur conception est inadmissible ».

Ici on ne s'éloigne plus seulement de S. Thomas, mais du Concile de Trente, sess. XIII, cap. 4, et can. 2 (Denz. 877, 884), car il a défini la transsubstantiation comme vérité de foi, et il a même dit : « quam quidem conversionem catholica Ecclesia aptissime transsubstantiationem appellat ». Aujourd'hui ces nouveaux théologiens disent : « ce mot n'est pas sans inconvénient,... il répond à une conception inadmissible ».

« Dans les perspectives scolastiques où la réalité de la chose est « la substance », la chose ne pourra changer réellement que si la substance change... par la transsubstantiation. Dans nos perspectives actuelles... lorsqu'en vertu de l'offrande qui en a été faite selon un rite déterminé par le Christ le pain et le vin sont devenus le symbole efficace du sacrifice du Christ, et par conséquent de sa présence spirituelle, leur être religieux a changé », non pas leur substance1. Et l'on ajoute : « C'est là ce que nous pouvons désigner par la transsubstantiation ».

Mais il est clair que ce n'est plus la transsubstantiation définie par le Concile de Trente, « conversio totius substantiae panis in Corpus et totius substantiae vini in Sanguinem, manentibus duntaxat speciebus panis et vini ». Denz. 884. Il est évident que le sens du Concile n'est pas maintenu par l'introduction de ces notions nouvelles. Le pain et le vin sont devenus seulement « le symbole efficace de la présence spirituelle du Christ ».

Cela nous rapproche singulièrement de la position moderniste qui n'affirme pas la présence réelle du Corps du Christ dans l'Eucharistie, mais qui dit seulement au point de vue pratique et religieux : comporte toi à l'égard de l'Eucharistie comme à l'égard de l'humanité du Christ.

Dans les mêmes feuilles on entend de façon semblable le mystère de l'Incarnation : « Bien que le Christ soit vraiment Dieu, on ne peut pas dire que par lui il y avait une présence de Dieu sur la terre de Judée... Dieu n'était pas plus présent en Palestine qu'ailleurs. Le signe efficace de cette présence divine s'est manifesté en Palestine au 1er siècle de notre ère, c'est tout ce que l'on peut dire »2.

On ajoute enfin : « le problème de la causalité des sacrements est un faux problème, né d'une fausse manière de poser la question ».

 

* * *

 

Nous ne pensons pas que les écrivains dont nous venons de parler abandonnent la doctrine de S. Thomas ; ils n'y ont jamais adhéré ne l'ayant jamais bien comprise. C'est douloureux et inquiétant.

Avec cette manière d'enseigner comment ne pas former des sceptiques ? car on ne propose rien de ferme pour remplacer la doctrine de S. Thomas. De plus on prétend être soumis aux directions de l'Église, mais en quoi consiste cette soumission ?

Un professeur de théologie nous écrit : « C'est en effet sur la notion même de vérité que porte le débat, et, sans bien s'en rendre compte, on revient vers le modernisme dans la pensée comme dans l'action. Les écrits dont vous me parlez sont très lus en France. Ils exercent une grosse influence, sur les esprits moyens il est vrai : les gens sérieux n'accrochent pas. Il faut écrire pour ceux qui ont le sincère désir d'être éclairés ».

Au dire de certains, l'Église n'aurait reconnu l'autorité de S. Thomas que dans le domaine de la théologie, non pas directement dans celui de la philosophie. Au contraire l'encyclique Aeterni patris de Léon XIII parle surtout de la philosophie de S. Thomas. De même les 24 thèses thomistes proposées en 1916 par la S. Congrégation des Études sont d'ordre philosophique et si ces pronunciata majora de S. Thomas n'ont pas de certitude, que peut valoir sa théologie qui constamment y a recours ? Enfin, nous l'avons déjà rappelé, Pie X a écrit : « Magistros autem monemus, ut rite hoc teneant Aquinatem vel parum deserere praesertim in re metaphysica non sine magno detrimento esse. Parvus error in principio magnus est in fine ».

D'où viennent ces tendances ? Un bon juge m'écrit : « on recueille les fruits de la fréquentation sans précautions des cours universitaires. On veut fréquenter les maîtres de la pensée moderne pour les convertir et l'on se laisse convertir par eux. On accepte peu à peu leurs idées, leurs méthodes, leur dédain de la scolastique, leur historicisme, leur idéalisme et toutes leurs erreurs. Si cette fréquentation est utile pour des esprits déjà formés, elle est sûrement périlleuse pour les autres ».

 

 

 

1On nous dit au même endroit : « Dans les perspectives scolastiques la notion de chose-signe s’est perdue. Dans un univers aux perspectives augustiniennes, où une chose matérielle est non seulement elle-même, mais davantage un signe des réalités spirituelles, on peut concevoir qu’une chose, étant de par la volonté de Dieu le signe d’autre chose que ce qu’elle était par nature, soit devenue elle-même autre sans que dans son apparence elle ait changé. »

Dans les perspectives scolastiques la notion de chose-signe ne s’est pas perdue du tout. S. Thomas dit, Ia, q. I, a. 10 : « Auctor S. Scripturae est Deus, in cujus potestate est, ut non solum voces ad significandum accommodet (quod etiam homo facere potest) sed etiam res ipsas ». Ainsi Isaac qui s’apprête à être immolé est la figure du Christ, et la manne est une figure de l’Eucharistie. Saint Thomas le note en parlant de ce sacrement. Mais par la consécration eucharistique le pain ne devient pas seulement le signe du Corps du Christ, et le vin le signe de son sang, comme l’ont pensé les sacramentaires protestants, cf. D. T. C. art. Sacramentaire (controverse) ; mais comme il est formellement défini au Concile de Trente, la substance du pain est convertie en celle du Corps du Christ qui est rendu présent per modum substantiae sous les espèces du pain. Et ce n’est pas seulement là la manière dont les théologiens de l’époque du Concile concevaient la consécration. C’est la vérité immuable définie par l’Église.

2S. Thomas avait nettement distingué trois présences de Dieu : 1° la présence générale de Dieu en toutes les créatures, qu’il conserve dans l’existence (Ia, q. 8, a. 1) ; 2° la présence spéciale de Dieu dans les justes par la grâce, il est en eux comme dans un temple à titre d’objet quasi-expérimentalement connaissable, Ia, q. 43, a. 3. ; 3° la présence du Verbe en l’humanité de Jésus par l’union hypostatique. Et alors il est certain qu’après l’incarnation Dieu était plus présent en la terre de Judée qu’ailleurs. Mais quand on pense que S. Thomas n’a même pas su poser ces problèmes, on se lance dans toutes les aventures, et on revient au modernisme avec la désinvolture que l’on constate en chacune de ces pages.

III. Conclusion

 

Où va la nouvelle théologie ? Elle revient au modernisme. Parce qu'elle a accepté la proposition qui lui était faite : celle de substituer à la définition traditionnelle de la vérité : adaequatio rei et intellectus, comme si elle était chimérique, la définition subjective : adaequatio realis mentis et vitae. Ceci est dit plus explicitement dans la proposition déjà citée, extraite de la philosophie de l'action, et condamnée par le Saint Office le 1er décembre 1924 : « Veritas non invenitur in ullo actu particulari intellectus in quo haberetur conformitas cum objecto ut aiunt scholastici, sed veritas est semper in fieri, consistitque in adaequatione progressiva intellectus et vitae, scil. in motu quodam perpetuo, quo intellectus evolvere et explicare nititur id quod parit experientia vel exigit actio : ea tamen lege ut in toto progressu nihil unquam ratum fixumque habeatur ». Monitore ecclesiastico, 1925, t. I, p. 194.

La vérité n'est plus la conformité du jugement avec le réel extramental et ses lois immuables, mais la conformité du jugement avec les exigences de l'action et de la vie humaine qui évolue toujours. A la philosophie de l'être ou ontologie se substitue la philosophie de l'action qui définit la vérité en fonction non plus de l'être mais de l'action.

On revient ainsi à la position moderniste : « Veritas non est immutabilis plus quam ipse homo, quippe quae cum ipso, in ipso et per ipsum evolvitur ». Denz., 2058. Aussi Pie X disait-il des modernistes « aeternam veritatis notionem pervertunt ». Denz., 2080.

C'est ce qu'avait prévu notre maître le Père M. B. Schwalm dans ses articles de la Revue thomiste, 1896, p. 36 ss., 413 ; 1897, p. 62, 239, 627 ; 1898, p. 578, sur la philosophie de l'action, le dogmatisme moral du P. Laberthonnière, sur la Crise de l'apologétique contemporaine, les illusions de l'idéalisme et leurs dangers pour la foi.

Mais plusieurs ont pensé que le Père Schwalm avait exagéré, ils ont peu à peu donné droit de cité à la nouvelle définition de la vérité, et ils ont plus ou moins cessé de défendre la définition traditionnelle du vrai : la conformité du jugement avec l'être extramental et ses lois immuables de non contradiction, de causalité, etc. Pour eux, le vrai n'est plus ce qui est, mais ce qui devient et change toujours.

Or cesser de défendre la définition traditionnelle de la vérité, laisser dire qu'elle est chimérique, qu'il faut lui en substituer une autre vitaliste et évolutionniste, cela conduit au relativisme complet, et c'est une très grave erreur.

De plus, et l'on n'y réfléchit pas, cela conduit à dire ce que les ennemis de l'Église veulent nous entendre dire. Quand on lit leurs ouvrages récents, on voit qu'ils en éprouvent un vrai contentement, et qu'ils proposent eux-mêmes des interprétations de nos dogmes, où il est question du péché originel, du mal cosmique, de l'incarnation, de la rédemption, de l'eucharistie, de la réintégration universelle finale, du Christ cosmique, de la convergence de toutes les religions vers un centre cosmique universel1.

On comprend dès lors que le Saint Père dans le discours récent rapporté par l'Osservatore romano du 19 septembre 1946, ait dit en parlant de la « théologie nouvelle » : « Si talis opinio, amplectenda esse videatur, quid fiet de numquam immutandis catholicis dogmatibus, quid de fidei unitate et stabilitate ? »

Par ailleurs, comme la Providence ne permet le mal que pour un bien supérieur et comme on voit chez beaucoup une excellente réaction contre les erreurs que nous venons de souligner, on peut espérer que ces déviations seront l'occasion d'un vrai renouveau doctrinal, par une étude approfondie des œuvres de Saint Thomas, dont la valeur apparaît de plus en plus, lorsqu'on la compare au désarroi intellectuel d'aujourd'hui2.

 

 

 

1Des auteurs comme Téder et Papus, dans leur exposé de la doctrine martiniste, enseignent un panthéisme mystique et un néo-gnosticisme selon lequel tous les êtres sortent de Dieu par émanation (il y a ainsi une chute, un mal cosmique, un péché originel sui generis), et tous aspirent à se réintégrer dans la divinité, et tous y parviendront. Il est question en plusieurs ouvrages occultistes récents du Christ moderne, de sa plénitude de lumière astrale, dans un sens qui n’est plus du tout celui de l’Église et qui en est même la contrefaçon blasphématoire, car c’est toujours la négation panthéistique du vrai surnaturel, et souvent même la négation de la distinction du bien moral et du mal moral, pour ne laisser subsister que celle du bien délectable ou utile et du mal cosmique ou physique, qui, avec la réintégration de tous sans exception, disparaîtra.

2Certes nous admettons que la véritable expérience mystique, qui procède dans le juste des dons du Saint-Esprit, surtout du don de sagesse, confirme la foi, car elle nous montre que les mystères révélés correspondent à nos aspirations les plus profondes et en suscitent de plus élevées. Il y a là, nous le reconnaissons, une vérité de vie, une conformité de l’esprit avec la vie de l’homme de bonne volonté, et une paix qui est un signe de vérité. Mais cette expérience mystique suppose la foi infuse et l’acte de foi suppose lui-même l’évidente crédibilité des mystères révélés.

De même, comme le dit le Concile du Vatican, nous pouvons avoir, par la lumière naturelle de la raison, la certitude de l’existence de Dieu auteur de la nature. Seulement, pour cela, il faut que les principes de ces preuves, en particulier celui de causalité, soient vrais per conformitatem ad ens extramentale, et qu’ils soient certains d’une certitude objectivement suffisante (antérieure à l’option libre de l’homme de bonne volonté) et non pas seulement d’une certitude subjectivement suffisante comme celle de la preuve kantienne de l’existence de Dieu.

Enfin la vérité pratique de la prudence per conformitatem ad intentionem rectam, suppose que notre intention est vraiment droite par rapport à la fin ultime de l’homme, et le jugement sur la fin de l’homme doit être vrai secundum mentis conformitatem ad realitatem extramentalem. Cf. Ia IIae, q. 19, a. 3, ad 2.

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Vatican II, le Pape et la FSSPX

Publié le par Études Antimodernistes

Par Mgr Donald J. Sanborn.

 

MHT Seminary Newsletter, 2002.

EtudesAntimodernistes.fr, Octobre 2016.

 

Questions-Réponses :

Pourquoi on ne peut - absolument - pas assister

aux Messes de la FSSPX.

 

 

1. Quel est le problème avec le Concile Vatican II ?

Le Concile Vatican II a enseigné des doctrines qui avaient été déjà condamnées par l’Église, et des disciplines qui sont contraires à l'enseignement et la pratique constante de l’Église.

 

2. Quelles doctrines enseignées par Vatican II étaient déjà condamnées ?

Il y a quatre grandes erreurs: (1) concernant l'unité de l'Église ; (2) concernant l'œcuménisme ; (3) concernant la liberté religieuse ; (4) concernant la collégialité.

 

3. Quelle fausse doctrine Vatican II enseigne-t-il concernant l'unité de l’Église ?

Vatican II enseigne une hérésie concernant l'unité de l’Église, à savoir que l'Église du Christ n'est pas exclusivement identifiée avec l'Église catholique, mais subsiste seulement en elle. Cette doctrine hérétique est contenue principalement dans Lumen Gentium, et son sens hérétique est confirmé dans des déclarations de Paul VI et de ses successeurs, en particulier dans le Code de Droit Canon de 1983, dans la Déclaration concernant l’Église et la Communion de 1992, et dans le Directoire Œcuménique.

C'est contraire à l'enseignement de l'Église Catholique, contenu principalement dans Satis Cognitum du pape Léon XIII, Mortalium Animos du pape Pie XI, Mystici Corporis du pape Pie XII, et dans la condamnation de la « Théorie de la Branche » (« Branch Theory ») publiée par le Saint Office sous le pape Pie IX.

 

4. Quelle fausse doctrine enseigne-t-il concernant l’œcuménisme ?

L'enseignement de Vatican II concernant l’œcuménisme, qui stipule que les religions non-catholiques sont un moyen du salut, est complètement hérétique. Cette doctrine contredit directement l'enseignement de l'Église, à savoir, qu'il n'y a pas de salut en dehors de l’Église Catholique, appelé par le pape Pie IX un dogme Catholique très bien connu. En outre, les pratiques œcuméniques qui ont résulté de cette doctrine hérétique sont directement contraires à Mortalium Animos du pape Pie XI.

 

5. Quelle fausse doctrine enseigne-t-il concernant la liberté religieuse ?

L'enseignement de Vatican II sur la liberté religieuse, contenu dans Dignitatis Humanæ, affirme presque mot à mot la doctrine même qui avait été condamnée par le pape Pie VII dans Post Tam Diuturnas, par le pape Grégoire XVI dans Mirari Vos, par le pape Pie IX dans Quanta Cura, et par le pape Léon XIII dans Libertas Præstantissimum. L'enseignement de Vatican II sur la liberté religieuse contredit aussi la royauté de Jésus-Christ dans la société exprimée dans Quas Primas du pape Pie XI, et contredit également l'attitude et la pratique constante de l’Église vis-à-vis de la société civile.

 

6. Quelle fausse doctrine enseigne-t-il concernant la collégialité ?

L'enseignement de Vatican II concernant la collégialité modifie la constitution monarchique de l'Église Catholique, qui a été établie par le Divin Sauveur. La doctrine de Vatican II, confirmée par le Code de Droit Canonique de 1983, qui stipule que le sujet (le possesseur) de l'autorité suprême de l'Église est le collège des évêques avec le pape, est contraire à la doctrine définie par le Concile de Florence et le Concile Vatican I.

 

7. Quel est le problème avec la Nouvelle Messe, et les changements liturgiques promulgués depuis Vatican II ?

Les changements liturgiques de Vatican II reflètent les erreurs doctrinales que je viens de mentionner. La nouvelle liturgie est une liturgie œcuménique, qui cherche à effacer toutes les doctrines qui sont proprement catholiques, et à faire de la liturgie catholique une forme de culte qui n'offenserait aucun Protestant. C'est un culte centré sur l'homme, dépouillé de tout symbolisme du surnaturel. L'Ordo Missae de Paul VI est une discipline liturgique mauvaise, parce que (1) il contient une définition hérétique de la Messe ; (2) il fut composé dans le but exprès de créer une liturgie œcuménique, qui plaise aux Protestants, dépouillée des vérités catholiques concernant le sacerdoce, le Saint Sacrifice de la Messe, et la Présence Réelle du Christ dans la Sainte Eucharistie ; (3) il fut composé avec l'aide et l'impulsion de six ministres Protestants, ce qui montre l'esprit hérétique dans lequel il a été conçu et formulé ; (4) ses auteurs ont systématiquement supprimé de son prières et leçons les doctrines qui seraient offensives aux hérétiques ; (5) elle enseigne, à la fois par ses omissions et par son symbolisme et ses gestes, des hérésies et des erreurs concernant le sacerdoce, le Saint Sacrifice de la Messe, et la Présence Réelle du Christ dans la Saint Eucharistie. En outre, il est très probablement invalide en raison d'un défaut d'intention qu'il provoque chez celui qui le célèbre, et en raison, au moins dans le vernaculaire, d'une altération blasphématoire des mots du Christ dans la formule de consécration.

 

8. Quel est le problème avec les disciplines qui ont émané de Vatican II ?

Le Code de Droit Canonique de 1983 contient l'hérésie de Vatican II sur l'Église, mentionnée ci-dessus. Il permet également le sacrilège envers le Saint-Sacrement, par l'approbation de sa réception par les non-catholiques, ce qui est un péché mortel, et permet la communicatio in sacris1 avec les non-catholiques, ce qui est un péché mortel. En outre, le Directoire Œcuménique de 1993 permet des pratiques œcuméniques qui ont toujours été dénoncées par l'Église comme étant un péché mortel.

 

9. Qu'est-ce que tout cela signifie ?

Cela signifie que Vatican II et ses réformes ultérieures nous ont donné une nouvelle religion, une religion qui est substantiellement différente de la Foi Catholique Romaine établie par le Christ. Les réformateurs ont substantiellement modifié les trois principales composantes de toute religion : la doctrine, le culte et la discipline. Le résultat est que les réformateurs font la promotion d'une religion de l'œcuménisme à la place de la religion Catholique Romaine, qui a toujours enseigné qu'elle est la seule vraie Foi, et que toutes les autres religions sont fausses. La religion de Vatican II enseigne des doctrines qui ont été auparavant condamnées par l’Église. Elle a institué des rites et des disciplines qui sont Protestantes par nature. Par conséquent, la religion que les Catholiques trouvent dans leurs paroisses et écoles locales, bien que nominalement Catholique, est une nouvelle religion, non catholique, déjà condamnée par l'Église Catholique.

 

10. Se pourrait-il que vous donniez simplement une mauvaise interprétation à Vatican II ?

Non. La nature hérétique de ce concile est confirmée par : (1) l'interprétation doctrinale donnée à Vatican II par Paul VI et ses successeurs dans leurscrets, encycliques, catéchismes, etc. ; (2) la série d'abominations perpétrées par Jean-Paul II contre le Premier Commandement de Dieu, sous la forme de cérémonies œcuméniques qui constituent un faux culte, même de divinités païennes dans certains cas ; (3) la modification de la Sainte Liturgie de telle sorte que la Messe Catholique a été remplacée par un service Protestant ; (4) l'altération de la matière et la forme des sacrements de telle sorte que beaucoup d'entre eux, mais plus particulièrement la Sainte Eucharistie et les Ordres Sacrés, sont douteux ou invalides ; (5) la promulgation de disciplines, spécialement le Code de Droit Canonique de 1983 et le Directoire Œcuménique, qui approuvent le sacrilège contre la Sainte Eucharistie et le Sacrement de Mariage, et qui se fondent théoriquement sur des hérésies concernant l'unité de l’Église ; (6) la scandaleuse moquerie faite du Sacrement de Mariage par l'octroi d'annulations pour des raisons fallacieuses, ce qui constitue un abandon de la doctrine sacrée de l'indissolubilité du mariage ; (6) les déclarations hérétiques de Ratzinger, sous Jean - Paul II, puis après sa propre élection en tant que Benoît XVI, concernant la nature et l'unité de l'Église.

1La communication in sacris est la participation active des Catholiques au culte de religions non-catholiques.

11. Si ce que vous dites est vrai, que penser des papes de Vatican II ?

Il est impossible qu'ils soient de vrais Papes Catholiques.

 

12. Pourquoi ne peuvent-ils pas être de vrais papes catholiques ni de vrais évêques catholiques ?

Ils ne peuvent pas être de vrais papes catholiques, car il est impossible que l'autorité de l'Église Catholique Romaine, qui est l'autorité du Christ, donne à l’Église universelle de fausses doctrines, de fausses pratiques liturgiques, et de fausses disciplines.

 

13. Pourquoi l'autorité de l'Église Catholique Romaine ne peut-elle pas donner à l'Église universelle de fausse doctrines, de fausses pratiques liturgiques, et de fausses disciplines ?

Précisément parce qu'elle est l'autorité du Christ. Le pape est assisté par le Saint-Esprit dans la promulgation du dogme et de la morale, et dans la promulgation de lois liturgiques et de disciplines pastorales. De même qu'il est inimaginable que le Christ puisse promulguer ces erreurs ou imposer ces disciplines peccamineuses, de même il est inimaginable que l'assistance qu'il donne à l'Église par le Saint-Esprit puisse permettre de telles choses. Par conséquent, le fait que les papes de Vatican II ont fait ces choses est un signe certain qu'ils ne jouissent pas de l'autorité du Christ.

Les enseignements de Vatican II et les réformes qui en procèdent sont contraires à la Foi et dangereux pour notre salut éternel. Mais puisque l’Église est à la fois indéfectible et infaillible, elle ne peut pas donner aux fidèles des doctrines, des lois, une liturgie, et des disciplines qui sont contraires à la Foi et dangereuses pour notre salut éternel. Nous devons ainsi conclure que ce Concile et ces réformes ne procèdent pas de l’Église, c'est-à-dire, du Saint-Esprit, mais d'une mauvaise influence dans l'Église. De ceci il s'ensuit que ceux qui ont promulgué ce mauvais Concile et ces mauvaises réformes ne les ont pas promulgués avec l'autorité de l’Église, qui est l'autorité du Christ. De cela, nous concluons à juste titre qu'ils prétendent faussement posséder cette autorité, malgré toutes les apparences qu'ils peuvent avoir, et même en dépit d'une élection à la papauté apparemment valide.

 

14. Avons-nous le pouvoir de dire que ces papes de Vatican II ne sont pas de vrais papes ?

Nous n'avons pas le pouvoir de le déclarer légalement. Mais par contre, en tant que catholiques, nous avons l'obligation de comparer ce qui est enseigné par le Concile Vatican II avec l'enseignement de l’Église Catholique. La vertu de la foi exige que nous fassions cela, car la foi est la sagesse surnaturelle et par conséquent exige que tout lui soit conforme. Si nous ne faisions pas cette comparaison, nous n'aurions pas la vertu de foi. Si nous constatons que les enseignements de Vatican II ne sont pas conformes à l'enseignement de la foi catholique, nous sommes tenus de rejeter Vatican II, et obligés de conclure que ceux qui le promulguent ne jouissent pas de l'autorité du Christ. Autrement notre adhérence à l'erreur qui est contraire à la foi ruinerait en nous cette vertu, et nous deviendrions hérétiques. De même, si nous pensions l'Église catholique capable de promulguer de fausses doctrines, un mauvais culte et une mauvaise discipline, nous serions hérétiques.

Par conséquent, conclure de façon privée que François est un hérétique et un apostat, ce n'est pas « juger » le pape dans le sens utilisé par les canonistes et les théologiens.

En fait, si nous ne pouvions même pas penser à la possibilité du pape hérétique, alors pourquoi tant de théologiens parlent-ils de cette possibilité, et des conséquences qui en découleraient ?

 

15. Mais pourquoi ne pouvons-nous pas trier ce que le pape fait et dit, en acceptant ce qui est catholique, et en rejetant ce qui est non-catholique ?

Parce que si François est le pape, nous devons lui obéir. Admettre simplement la possibilité qu'il puisse promulguer de fausses doctrines et adopter des disciplines universelles qui soient mauvaises est déjà une hérésie contre la doctrine de l'infaillibilité de l’Église dans ces domaines. Il est inconcevable que, en suivant les enseignements universels ou la discipline universelle de l’Église, vous puissiez être trompés et aller en enfer. Si cela était possible, il faudrait conclure que l'Église Catholique Romaine n'est pas la véritable Église, mais une institution humaine comme toutes les autres fausses églises.

En outre, trier les enseignements de l'Église, c'est vous ériger vous-même en pape, puisque votre adhésion à ces enseignements ne seraient pas fondée sur l'autorité de l’Église, mais plutôt sur votre propre « tri. »

 

16. Pourtant si votre père vous dit de faire quelque chose de mal, vous devez lui désobéir. Mais il demeure votre père.

Tout d'abord, être le père naturel de quelqu'un ne peut jamais changer parce que cela est basé sur la génération physique. Mais être le père spirituel de quelqu'un peut changer parce que cela est basé sur une génération spirituelle. Ainsi, un pape pourrait renoncer à sa charge pontificale et ne plus être le père spirituel des catholiques. L'analogie ne s'applique donc pas.

Mais surtout, cet argument, souvent utilisé par la Fraternité Saint-Pie X, ne vaut rien pour une autre raison. Si un pape donnait à une personne particulière un commandement particulier qui est mauvais (par exemple, profaner un crucifix), l'argument serait valable. Car, dans un tel cas, le pape ne toucherait pas à toute la pratique de l’Église, et par conséquent n'engagerait pas l'indéfectibilité de l'Église. Mais s'il venait à faire une loi générale ordonnant à tous les catholiques de profaner les crucifix, alors l'indéfectibilité même de l’Église serait en jeu. Car comment l’Église du Christ pourrait-elle promulguer une telle loi ? Ne conduirait-elle pas alors toutes les âmes en enfer ? Le fait que François ait promulgué des lois générales qui permettent ou même prescrivent le mal est une violation de l'indéfectibilité de l’Église.

Ainsi l'argument de la Fraternité ne peut pas être appliqué à la crise actuelle dans l'Église.

 

17. Et si nous ne sommes pas sûrs que Vatican II est erroné, ni que François est un vrai pape ou non ?

Dans un tel doute, vous devez accorder au supérieur le bénéfice du doute. En ce cas, vous devriez embrasser tous les enseignements de Vatican II, la nouvelle liturgie, et les nouvelles disciplines. Vous seriez également obligé de reconnaître François comme un vrai pape catholique.

 

18. La question de la papauté de François n'est-elle pas une simple question d'opinion ?

Absolument pas. Notre salut éternel dépend de notre soumission au Pontife Romain. Par conséquent, la question de la papauté de François est d'une importance suprême, et nous devons résoudre nos doutes à ce sujet dans un sens ou dans l'autre. Si nous concluons que Vatican II contredit l'enseignement de l’Église, nous devons rejeter François comme n'étant pas un vrai pape. Si nous concluons que Vatican II n'est pas une modification substantielle de la la foi catholique, alors nous devons accepter François comme un véritable pape, et suivre ce qu'il nous ordonne de faire. Un catholique qui est indifférent de savoir s'il est le pape ou non n'est en fait pas catholique. Au contraire, il a un esprit de schisme et de répudiation de l'autorité.

Pendant le Grand Schisme d'Occident, pendant lequel il y avait trois prétendants au trône pontifical, Saint-Vincent Ferrier condamnait ceux qui restaient indifférents à la question de savoir qui était le vrai pape.

 

19. Y eut-il des cas parallèles dans l'histoire ?

Le Patriarche catholique de Constantinople en 428 épousa l'hérésie selon laquelle Notre-Dame ne serait pas la Mère de Dieu. Quand il eut prêché ceci en chaire, le peuple catholique ne voulut plus avoir aucun rapport avec lui, ni assister à ses Messes, et dit : « Nous avons un empereur, mais pas d'évêque. » Et cela avant qu'il ne soit officiellement excommunié par l'Église. Bien que cette affaire concerne un évêque et non un pape, le principe est le même : la promulgation de l'hérésie est incompatible avec la possession de l'autorité du Christ sur le troupeau. Si cela était vrai de l'évêque Nestorius, c'est d'autant plus vrai de celui qui a le soin de tout le troupeau.

 

20. Est-ce qu'un pape ne nous aurait jamais mis en garde contre la possibilité de l'accession d'un hérétique au trône de Pierre ?

Le pape Paul IV en 1559, craignant qu'un protestant soit élu au trône pontifical, décréta que si la personne élue pape avait dévié de la foi catholique ou était tombée dans une hérésie, son élection devrait être considérée comme nulle, juridiquement invalide, et non avenue. Il décréta en outre que cette personne ne devrait pas être considérée comme pape, même si elle avait pris possession de l'office, avait été intronisée, et avait reçu la vénération et l'obéissance de tous les fidèles.

21. Qu'est-ce que la Messe una cum ?

La Messe una cum est celle dans laquelle le nom de François est inséré dans la première prière du canon.

 

22. Qui offre la Messe una cum ?

Les prêtres Novus Ordo en disant le Novus Ordo ou la Messe de l'Indult, les prêtres de la Fraternité Saint Pierre et autres organisations similaires, et les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X.

 

23. Quel est le problème avec la Messe una cum ?

La Messe una cum est mauvaise parce que François n'est pas un vrai pape. La mention du pape dans cette partie de la messe est une profession de communion avec lui en tant que chef de l’Église.

 

24. Le prêtre n'est-il pas simplement en train de prier pour lui, comme on prie pour quiconque, même nos ennemis ?

Pas du tout. Mentionner son nom affirme que la Messe est offerte en union avec lui en tant que chef de l'Église. Mais comme nous l'avons vu, il n'est pas le chef de l’Église, et il est du devoir des catholiques de le rejeter comme tel. Par conséquent, le mentionner dans le canon de la Messe est affirmer un mensonge en matière grave.

Si un prêtre voulait prier pour François [pour sa conversion, par exemple, ndt], il mentionnerait cette intention silencieusement dans le Memento des vivants, qui est la deuxième prière du canon. Mais le mentionner ou mentionner qui que ce soit ici [i.e. dans le Memento] ne représente pas une déclaration de communion avec lui en tant que chef de l’Église.

Mentionner son nom dans le Te Igitur (la première prière), ce n'est pas prier pour lui, mais avec lui, en union avec lui en tant que chef de l’Église.

 

25. Pourquoi est-il si mauvais de mentionner le nom de François dans le canon ?

Cela revient à dire que l'offrande de la Messe est l'acte d'un hérétique public. Car nous savons que le Christ est celui qui offre principalement chaque Messe. De même, le pape, en tant que Vicaire du Christ, est celui qui offre principalement la Messe, puisque le pape a la plénitude de juridiction sur toute l'Église. Cela signifie que toutes les actions liturgiques de l'Église sont sous sa souveraineté, et que l'action du simple prêtre en disant la masse n'est que le prolongement de l'acte du pape. Pour cette raison, si le pape n'approuve pas la Messe qu'un prêtre dit, celle-ci n'est pas catholique, mais schismatique. Tel est le cas des Orthodoxes Grecs.

Par conséquent, si la Messe est offerte en union avec une fausse tête de l’Église, elle n'est pas offerte en union avec le vrai chef de l’Église, qui est le Christ Lui-même.

 

26. Que faut-il pour qu'une Messe soit considérée comme une Messe catholique ?

Pour qu'une Messe soit catholique, celle-ci doit (1) être composée de rites et cérémonies qui expriment la doctrine catholique intégrale, et ne contiennent aucune erreur ; (2) être offerte en union avec le vrai Pontife Romain, et avec son approbation et l'approbation de l'évêque du diocèse.

Par conséquent, le Novus Ordo n'est pas une Messe catholique car il ne respecte pas le premier critère. La Messe traditionnelle en latin répond au premier critère, mais ne répondrait pas au second si elle était offerte en union avec un faux pape. La Messe des Orthodoxes Grecs est valide et est Catholique dans son contenu, qui est la liturgie de Saint Jean Chrysostome, mais n'est pas catholique parce qu'elle est offerte en union avec un patriarche schismatique. C'est une Messe schismatique.

Les théologiens expliquent cela de cette façon : pour qu'une Messe soit catholique, le prêtre qui l'offre doit agir en la personne de l'Église. Afin d'agir dans le personne de l'Église, le prêtre doit être un représentant autorisé de l’Église catholique. Or si François est un faux pape, ce que nous avons montré, alors il est évidemment impossible qu'il soit un représentant autorisé de l’Église catholique. Au contraire, il offre sa Messe comme un faux représentant, avec un faux sacerdoce, c'est-à-dire, il l'offre sans droit de représenter l’Église devant Dieu. Par conséquent, offrir la Messe en union avec - una cum - ce faux sacerdoce de François revient à placer sa propre Messe dans la même catégorie que la sienne.

 

27. La Messe una cum, donc, est-elle une Messe schismatique ?

Oui. Parce que quelque soit la façon dont vous la regarder, elle est schismatique. Ou François est le pape ou il ne l'est pas. S'il l'est, alors la Messe una cum est schismatique, puisqu'elle est dite en dehors de et contre son autorité. C'est autel contre autel. S'il n'est pas le pape, alors la Messe una cum est également schismatique, car elle est offerte à l'extérieur de l’Église, en union avec un faux pape.1

En d'autres termes, soit l'autel du prêtre traditionnel est le véritable autel de Dieu, soit l'autel de François est le véritable autel de Dieu. Étant donné que le prêtre traditionnel érige son autel et exerce son apostolat contre l'apostolat du Novus Ordo - qui est celui de François - il est évident que les deux autels ne peuvent pas être en même temps des autels catholiques légitimes, et que les deux apostolats ne peuvent pas être en même temps de vrais apostolats catholiques. Le Christ ne peut pas autoriser à la fois l'autel Novus Ordo et l'autel traditionnel. L'un est légitime et l'autre illégitime.

En disant que notre autel est légitime, nous sommes logiquement tenus de dire que l'autel, et donc le sacerdoce et l'apostolat du Novus Ordo, sont illégitimes.

Mais si le prêtre s'unit à l'autel, sacerdoce, et apostolat illégitimes de François et du Novus Ordo, il rend son propre autel, sacerdoce, et apostolat illégitimes.

 

28. Est-ce mal d'assister à la Messe una cum ?

Oui. C'est mal pour plusieurs raisons : (1) c'est mentir dans la Sainte Messe, car c'est affirmer que François est la tête de l’Église, bien qu'il ne l'est pas ; (2) c'est déclarer communion avec les hérétiques dans l'acte suprême du culte ; (3) c'est unir l'action du Saint Sacrifice de la Messe avec un hérétique et faux pape, comme offrant principal ; (4) c'est ranger François, qui a manifesté publiquement son adhérence à l'hérésie et son apostasie, avec « tous les vrais croyants qui chérissent la foi catholique et apostolique ; » (5) c'est salir l'action très sacrée de la Messe avec le nom d'un hérétique et apostat.

Il est impossible de concevoir que l'assistance à une telle Messe puisse être agréable à Dieu.

 

29. Assister à la Messe una cum est-il grave ?

Oui, parce que (1) le mensonge en matière religieuse est matière grave ; (2) si François est un faux pape, il est clairement schismatique d'offrir la Messe en union avec lui ; (3) il est certainement très mal de déclarer que François, un hérétique public et faux pape, soit en communion avec « tous les vrais croyants qui chérissent la foi catholique et apostolique. »

 

30. Prétendez-vous, alors, que toutes les personnes qui vont à la Messe una cum sont en état de péché mortel ?

Non, parce que dans presque tous les cas, ils ne sont pas conscients de la nature peccamineuse de celle-ci. Néanmoins, c'est objectivement un péché mortel, et ceux qui sont conscients des principes que j'ai expliqués ici commettent des péchés mortels quand ils assistent à ces Messes.

 

31. Ne pensez-vous pas que votre position est extrême ?

Extrême ou non, c'est la vérité. Tout se réduit à une seule question : Est-il agréable à Dieu de se déclarer en communion avec François comme pape, et avec la hiérarchie moderniste ? La réponse à cette question est oui ou non.

Si la réponse à cette question est « oui, » alors il n'y a qu'une seule chose à faire : se soumettre à François et à la hiérarchie moderniste, accepter les réformes de Vatican II, et abandonner le mouvement traditionnel. Car si François est le chef de l’Église, et si la hiérarchie moderniste avec lui gouverne l’Église, alors nous avons l'assurance du Christ que leurs doctrines sont pures et que leurs lois conduisent au ciel.

Si la réponse à cette question est « non, » alors la conclusion évidente est celle que je vous dis ici : c'est un péché, un péché grave, de se déclarer en communion avec eux, en particulier dans le Saint Sacrifice de la Messe.

En fait, si la réponse est « oui, » notre salut dépend de notre soumission à leur égard. Mais si la réponse est « non, » alors notre salut dépend de notre refus de se soumettre à eux.

Ainsi la question de l'una cum se résume à une profession de foi.

1Voir l'annexe.

32. Mais si vous n'avez pas d'autre Messe aller ?

Cela ne change pas l'immoralité de la Messe una cum. Notre désagrément ne rend pas bien ce qui est objectivement mal. Par exemple, les catholiques en Grèce, même avant Vatican II, avaient de grandes difficultés à trouver une vraie Messe catholique offerte en union avec le pape, mais trouvaient très facilement des Messes schismatiques, qui ne différaient en rien de la Messe catholique, si ce n'est qu'elles étaient offertes en union avec les schismatiques, et non en union avec le vrai pape. Pourtant, ils ne pouvaient pas assister à ces Messes schismatiques.

Si vous n'avez qu'une Messe una cum à votre disposition, il vaut mieux rester chez vous et prier le chapelet.

 

33. Et si le prêtre est de bonne foi, c'est-à-dire, s'il n'a pas l'intention d'être schismatique ?

Le fait qu'il « est de bonne foi » sous-entend qu'il agit objectivement mal. Et si nous savons qu'il agit objectivement mal, nous ne pouvons pas y participer. S'il est de bonne foi, c'est-à-dire, s'il a une bonne intention et ne sait pas que ce qu'il fait est mal, alors il ne commet pas de péché personnel. Mais objectivement, c'est un acte peccamineux.

 

34. Et si nous assistons à la Messe una cum, en étant intérieurement en désaccord avec cela ?

C'est toujours mauvais, puisque vous consentez à faire de votre acte central du culte quelque chose qui est offert en union avec un faux pape et un hérétique public. La foi est ce qui vous unit au Christ en tant que chef de l’Église, et l'hérésie est ce qui vous sépare de Lui. Si vous êtes uni à des hérétiques dans votre acte de culte, vous êtes séparés du Christ.

Votre participation active à la Messe una cum est une déclaration de consentement à celle-ci.

 

35. Les Messes offertes par les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X sont-elles une option pour nous ?

Non. Leur Messe est une Messe una cum, et bien qu'ils sont sans doute « de bonne foi », leur Messe néanmoins reste en union avec un hérétique public et un faux pape, et on ne peut y assister.

La Fraternité Saint-Pie X ne présente pas une solution catholique, puisque d'une part, ses membres reconnaissent François comme un vrai pape catholique, mais d'autre part, ils l'ignorent complètement. En cela, ils sont comme les jansénistes, les gallicans, les feeneyistes et les autres sectes qui ont agi de même. Si François est le pape, alors il doit être obéi. Ses enseignements et ses disciplines doivent être acceptées. Il est hypocrite d'accepter son autorité en ne lui obéissant en pratiquement rien.

La seule solution catholique est de rejeter Vatican II et ses changements comme contraires à l'enseignement antérieur de l’Église catholique, et de rejeter comme non-catholiques et comme non-papes ceux qui nous ont donné ces changements toxiques. C'est la seule manière pour un Catholique de préserver à la fois l'indéfectibilité de l'Église catholique et l'identité de la foi, de la discipline et du culte avec son glorieux passé. La seule solution catholique vis-à-vis de l'intrus hérétique qui a pénétré dans une position apparente d'autorité est de le déclarer anathème.

 

36. Que faire si le prêtre n'est pas una cum de façon privée, comme c'est le cas de nombreux prêtres de la Fraternité Saint Pie X ?

Il est vrai que de nombreux prêtres de la Fraternité Saint Pie X tiennent la position que j'ai exposée ici, tout en refusant de quitter ce groupe.

Mais leur adhésion secrète à notre position n'atténue pas le problème. Car ils ne déclarent pas publiquement leur position, et sont donc publiquement présumés professer la position de la Fraternité à laquelle ils appartiennent. Pensez à un prêtre grec orthodoxe qui serait secrètement soumis au pape, mais qui continuerait de travailler dans une organisation qui rejette le pape. On ne pourrait pas assister à sa Messe, pour la même raison, car cela constituerait une adhésion publique à la position orthodoxe grecque. La même chose est vraie des sédévacantistes secrets de la Fraternité Saint-Pie X.

De plus, n'est-ce pas une hypocrisie de professer publiquement communion avec François, tout en le rejetant secrètement ? Dieu serait-il honoré d'une telle hypocrisie ? « Que votre langage soit : Oui, oui : Non, non : car ce qui est de plus, vient du mal. » (Matthieu 5: 37) « Que tout discours soit : « Oui, oui ; non, non » ; afin que vous ne tombiez pas sous le jugement. » (Jacques 5: 12).

 

37. Ne savez-vous pas que beaucoup de prêtres traditionnels, qui ne sont pas eux-mêmes una cum, pensent qu'il est permis d'assister à ces Messes ?

Oui, je suis conscient de ce fait, mais à ma connaissance les seules raisons qu'ils donnent sont (1) que les fidèles n'ont pas d'autre endroit où aller ; (2) que le prêtre est de bonne foi ; (3) que les gens ne savent pas que la Messe est una cum. Mais évidemment, aucune de ces raisons ne répond vraiment au problème. Je n'ai jamais entendu personne donner une raison pour laquelle la Messe una cum ne serait pas déplaisante à Dieu.

 

Mais si nous-mêmes ou un ange du ciel vous évangélisait autrement que nous vous avons évangélisés, qu'il soit anathème. (Galates I: 8)

 

Quiconque se retire et ne demeure point dans la doctrine du Christ ne possède point Dieu ; quiconque demeure dans sa doctrine, celui-là possède le Père et le Fils. Si quelqu'un vient à vous et n'apporte point cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, ne lui dites pas même salut. Car celui qui dit salut communique à ses œuvres mauvaises. (II John:. I: 9- 11)

Annexe

 

Le problème de la Messe Traditionnelle Una Cum

 

 

Dans mon article intitulé « Communion » (Sacerdotium V), j'ai parlé du problème des prêtres validement ordonnés disant des Messes qui sont liturgiquement catholiques, mais en dehors de l’Église catholique. Tel est le cas des Schismatiques grecs, des vieux catholiques (valides dans certains cas), et même des Anglicans de la Haute Église qui se sont fait validement ordonnés d'une manière ou d'une autre.

 

J'ai souligné, en citant des autorités dans ce domaine, que pour la validité, il est nécessaire que le ministre agisse en la personne du Christ à l'autel, mais que pour la catholicité de la messe, il doit en même temps agir en la personne de l'Église. Saint Thomas d'Aquin explique cette distinction :

 

Et parce que la consécration de l'Eucharistie est un acte qui découle de la puissance des ordres, ceux qui sont séparé de l'Église par l'hérésie, le schisme ou l'excommunication, peuvent en effet consacrer l'Eucharistie qui, lorsqu'elle est consacrée par eux, contient le vrai corps et sang du Christ : néanmoins ils ne le font pas à juste titre, mais plutôt pèchent quand ils le font. Ils ne reçoivent donc pas le fruit du sacrifice, qui est un sacrifice spirituel.

Le prêtre à la Messe parle en effet dans les prières en la personne de l'Église, dans l'unité de laquelle il demeure ; mais en consacrant le sacrement il parle en la personne du Christ, Dont il tient la place par le pouvoir des ordres. Par conséquent, si un prêtre séparé de l'unité de l’Église célèbre la Messe, n'ayant pas perdu le pouvoir de l'Ordre, il consacre le vrai corps et sang du Christ ; mais parce qu'il est séparé de l'unité de l’Église, ses prières n'ont aucune efficacité.1

 

Des saints et des papes avaient des mots plus forts à propos des Messes schismatiques :

 

Pape Pélage Ier : « Un corps du Christ établit le fait qu'il y a une Église. Un autel qui est séparé de l'unité [de l’Église] ne peut pas rassembler le vrai corps du Christ.2 »

 

Saint Cyprien : « Le schismatique ose mettre en place un autel et profaner la vérité de la Victime divine au moyen de faux sacrifices.3 » (Il voulait aussi que les prêtres schismatiques repentants soient réduits à l'état laïc, en parlant d'eux comme de « ceux qui contre l'autel unique et divin ont essayé d'offrir à l'extérieur [de l’Église] des sacrifices sacrilèges et faux.4 »)

 

Saint Augustin : « En dehors de l’Église catholique le vrai sacrifice ne peut être trouvé.5 »

 

Saint Léon le Grand : « Ailleurs [c'est-à-dire, en dehors de l'Église] il n'y a ni sacerdoce approuvé ni vrais sacrifices.6 »

 

Saint Jérôme : « Dieu hait les sacrifices de ces derniers [i.e., les hérétiques] et les repousse loin de Lui-même, et chaque fois qu'ils se réunissent au nom du Seigneur, Il abhorre leur odeur, et tient Son nez...7 »

 

Le R.P. Cappello explique clairement cette distinction :

 

« Les prêtres qui sont séparés de l'Église, même s'ils sacrifient validement au nom du Christ, néanmoins n'offrent pas le sacrifice en tant que ministres de l’Église, ni en la personne de l'Église. Car le prêtre a le pouvoir de prier, d'intercéder et d'offrir au nom de l’Église en vertu de sa commission de l'Église, et à cet égard, l'Église peut priver le prêtre qui est séparé de sacrifier en son nom.8 »

 

A partir de ces textes, il est clair que la validité de la Messe ne suffit pas pour qu'une Messe soit catholique, mais un autre facteur très important est également nécessaire : le fait que le prêtre agisse en la personne de l’Église, c'est-à-dire, qu'il soit délégué par l’Église pour prier en son nom.

Ce facteur crée un problème terrible pour la Messe traditionnelle una cum. Si le prêtre dit que François est le pape, et qu'il est en communion avec lui, il est nécessairement en train de dire que l'Église dont François est la tête est l’Église catholique romaine. Afin que la Messe célébrée par ce prêtre soit par conséquent considérée comme une Messe catholique, il est nécessaire que le prêtre soit député par François pour dire la Messe en la personne de l'Église. Sans cette députation, sans l'autorisation de celui qui a le soin de tout le troupeau du Christ, de celui qui reçoit la députation du Christ pour enseigner, gouverner et sanctifier, la Messe devient une Messe non catholique. Le prêtre catholique doit agir comme l'agent de son évêque, qui a le soin du troupeau diocésain, qui, à son tour, doit agir comme un agent du Pape qui a soin de tout le troupeau. Le Pape, à son tour, doit agir comme un agent du Christ, dont il est le Vicaire. Ceci est la constitution même de l'Église catholique ; c'est ce lien étroit de subordination et d'autorité qui fait l'Église catholique. Si le prêtre, par conséquent, agit sans l'autorisation de l'évêque diocésain, il agit alors sans l'autorisation du Pape, et sa Messe et ses sacrements sont coupés du Christ et de son Église. Sa Messe n'est pas catholique, ni ses sacrements, car il n'agit pas en la personne de l'Église.

 

Comment le prêtre traditionnel agit-il aujourd'hui en la personne de l'Église, quand il n'y a pas d'autorité pour lui permettre de dire la messe ?

Il le fait en continuant la mission de l’Église catholique, qui est la sanctification des âmes. Ainsi, il est parfaitement légitime et nécessaire que des prêtres disent la Messe, prêchent, et distribuent les sacrements, puisqu'ils sont autorisés par l'Église de faire cela par le principe de l'épikie. Ce principe, cependant, ne peut absolument pas être invoqué si le supérieur est présent ; on ne peut pas faire appel à l'épikie contre un supérieur présent, agissant, et gouvernant. Cela n'aurait absolument aucun sens, puisque l'épikie est essentiellement une estimation de l'esprit du législateur en son absence.9

Or la Messe una cum affirme l'existence du législateur à Rome, et de son représentant personnel à la chancellerie locale, et détruit ainsi tout fondement moral de l'apostolat extraordinaire exercé par les prêtres traditionnels.

 

Ainsi, la Messe una cum se révèle toujours objectivement schismatique, peu importe comment vous la considérez :

(a) Si, par hypothèse, François est le pape, la Messe traditionnelle non autorisée (i.e., non-indult) est schismatique, car elle n'est pas dite en la personne de l'Église.

(b) Si François n'est pas le Pape, alors la Messe una cum est schismatique car elle est dite en union avec, sous les auspices de, un faux pape et une fausse église.

Quelque soit le cas, le prêtre n'a aucune raison de dire une Messe una cum.

 

La seule situation dans laquelle il serait licite d'exercer un vaste et habituel apostolat « non autorisé » est dans un cas similaire au nôtre, dans lequel il y a une absence prolongée de l'autorité. L'autorisation pour dire la Messe, prêcher et administrer les sacrements existe alors per modum actus, c'est-à-dire dans les actes individuels mêmes, et n'est pas une autorité habituelle. L'autorisation provient de l'Église elle-même (Ecclesia supplet, c'est-à-dire, l'Église supplée la juridiction en l'absence de l'autorité compétente).

 

La Fraternité Saint-Pie X est excommuniée par la personne qu'ils reconnaissent comme le Vicaire du Christ sur la terre. Ils ne peuvent pas invoquer contre son autorité supposée l'autorité même de l’Église (c'est-à-dire, ils ne peuvent pas faire appel au principe Ecclesia supplet), puisqu'il possède prétendument la plénitude de l'autorité de l’Église. Faire cela serait schismatique, et c'est exactement la façon dont Benoît XVI considérait la Fraternité Saint-Pie X – schismatique.

1IIIa q. 82 a. 7, corpus & ad 3um.

2Ep. ad Joan. Patr., P.L. 69, 412.

3De Unitate Ecclesiae, c. 17. P.L. 4, 513.

4Ep. 72, c. 2. P.L. 3, 1048-1049.

5cf. Prosperum Aquitanum, Sent., sent. 15 P.L. 51, 430.

6Ep. LXXX Ad Anatolium, cap. 2.

7In Amos, V:22, P.L. 25, 1033-1034

8Cappello, Felix M. S. I.., Tractatus Canonico-moralis de Sacramentis, (Turin : Marietti), 1962, I, p. 462.

9« Epikeia non potest licite adhiberi : (a) Si superior, qui dispensationem legis concedere valet, facile adiri queat. » [Traduction : L'épikie ne peut pas être licitement utilisée : (a) si le supérieur, qui est capable de donner une dispense de la loi, peut être aisément contacté. »] Prümmer, Manuale Theologiae Moralis, I, no. 231 ff. q.v.

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