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Le Saint Esclavage de Jésus en Marie

Publié le par Études Antimodernistes

Avant propos : Notre Dame ayant le privilège d'écraser l'hérésie, comme le chante la liturgie, il n'est pas hors de propos, en ce mois de Marie, dans notre lutte contre le modernisme, de promouvoir la dévotion envers la Sainte Vierge, particulièrement sous la forme enseignée par Saint Louis-Marie Grignon de Montfort. Nous espérons donc que le document suivant aidera à promouvoir l'amour de Marie dans les âmes, et par une conséquence nécessaire, à en extirper l'erreur et l'amour de l'erreur, particulièrement sous sa forme moderniste.

 

Le Saint Esclavage de Jésus en Marie

D’après St. Louis-Marie Grignon de Montfort

 

Bulletin explicatif, Imprimatur : Luçon, 11 février 1908.

EtudesAntimodernistes.fr, Mai 2018.

 

 

Catéchisme du Saint Esclavage de Jésus en Marie

 

Je suis tout dans sa dépendance

Pour mieux dépendre du Sauveur

Laissant tout à sa Providence :

Mon corps, mon âme et mon bonheur

(Bx de Montfort)

 

Quel est le but principal de cette dévotion ?

Le but principal de cette dévotion est d’établir le règne absolu de la Très Sainte Vierge dans les cœurs, afin d’y faire régner plus parfaitement Jésus-Christ. « Si nous établissons la solide dévotion de la Très Sainte Vierge, s’écrie le Bienheureux Père de Montfort, ce n’est que pour établir plus parfaitement la dévotion à Jésus-Christ : ce n’est que pour donner un moyen aisé et assuré pour trouver Jésus-Christ. Si la dévotion à la Sainte Vierge éloignait de Jésus-Christ, il faudrait la rejeter comme une illusion du démon. Mais tant s’en faut, qu’au contraire cette dévotion ne nous est nécessaire que pour trouver Jésus-Christ parfaitement, l’aimer tendrement et le servir fidèlement! »

 

En quoi consiste cette dévotion ?

Elle consiste:

  1. A se donner tout entier à la Très Sainte Vierge pour être tout entier à Jésus-Christ par elle ;

  2. A vivre habituellement dans une parfaite dépendance de sa volonté, à l’exemple du Fils de Dieu à Nazareth.

 

Pourquoi se consacrer ainsi à la Sainte Vierge ?

On se consacre ainsi à la Sainte Vierge :

  1. Pour imiter la dépendance de Jésus, qui, afin de nous sauver, a voulu être soumis à Marie pendant trente ans ;

  2. Pour reconnaître les droits de la Sainte Vierge, qui étant Mère de Dieu, a pouvoir sur toutes les créatures ;

  3. Pour recevoir plus de grâces, parce que Marie étant, comme Médiatrice de toutes les grâces, chargée de nous appliquer les mérites de la Rédemption, nous serons d’autant plus favorisés que nous vivrons plus soumis et plus unis à cette divine Mère.

 

Comment faut-il faire cette donation de tout soi-même, pratiquer cette dépendance absolue envers la Très Sainte Vierge ?

  1. Il faut choisir un jour remarquable pour lui donner, par un acte de consécration solennelle : 1. Notre corps ; 2. Notre âme ; 3. Nos biens matériels ; 4. Nos biens spirituels et la valeur de nos bonnes œuvres passes, présentes et futures.

  2. En vertu de cette consécration, pour vivre habituellement dans sa dépendance, il faut faire toutes ses actions avec Elle et par Elle, en sorte que nous la regardions toujours comme agissant de concert avec nous.

 

Qu’est-ce qu’agir par Marie, avec Marie, en Marie et pour Marie ?

Agir par Marie, c’est n’aller jamais à Notre-Seigneur que par Elle, se laisser conduire en toutes choses par ses conseils et ses inspirations et s’appuyer sans cesse sur son secours maternel : avec Marie, c’est prendre la Sainte Vierge comme le modèle accompli de tout ce qu’on doit faire et s’efforcer de l’imiter ; en Marie, c’est se recueillir souvent pour vivre en présence et en union de la Très Sainte Vierge, par la pensée et par l’amour ; pour Marie, c’est faire toute ses actions pour Elle, pour son profit et pour sa gloire, afin de les faire ainsi plus sûrement pour la gloire de Dieu.

 

En quoi cette consécration diffère-t-elle de celles que l’on fait à la première communion et dans les Congrégations des Enfants de Marie ?

Par cette consécration on se donne vraiment à Marie en propriété, au lieu que par les consécrations ordinaires, on n’entend qu’une mise en dépôt de nous-mêmes et de nos biens. A la première communion, on se met sous la protection de la Sainte Vierge, comme un enfant sous la tutelle de sa mère, afin d’avoir une plus large part à sa bonté, à ses faveurs, à son amour ; mais on ne lui sacrifie pas, pour cela, la valeur de ses actes, ni la liberté d’en disposer soi-même. Ici, au contraire, en nous donnant à la Sainte Vierge, nous lui abandonnons tous les droits que nous avons naturellement sur nos bonnes œuvres. Elle peut, dès lors, en disposer comme bon lui semble, sans que nous prétendions à autre chose qu’à l’honneur de vivre sous sa dépendance comme esclaves, afin d’être par Elle esclaves de Jésus ; de là, ce titre donné par le B. Père de Montfort à la présente dévotion : l’Esclavage de Jésus en Marie.

 

Dans quel sens devons-nous considérer cet abandon de tous nos droits à la Sainte Vierge ?

Pour comprendre clairement la réponse à cette question, il faut se rappeler que chacune de nos œuvres, faite en état de grâce et par des motifs de foi, renferme : 1. Une valeur satisfactoire et impétratoire, que nous pouvons communiquer à d’autres et qui sert soit à compenser la peine due au péché, soit à obtenir quelque bienfait particulier ; 2. Une valeur méritoire, qui nous est propre, que nous ne pouvons communiquer à personne, et qui apporte à notre âme une augmentation de grâce et de mérites. – Or, par cet abandon volontaire que nous lui faisons de tous nos droits, la Sainte Vierge devient la maîtresse absolue : 1. De toute la valeur satisfactoire et impétratoire de nos bonnes œuvres qu’Elle peut appliquer à qui Elle veut, comme il lui plait, selon la plus grande gloire de Dieu ; 2. De toute leur valeur méritoire, c'est-à-dire, de nos grâces, de nos mérites. Mais, parce que ces grâces et ces mérites, nous étant propres, sont incommunicables, Elle voudra bien les garder et les conserver précieusement, comme un beau et riche trésor.

 

Comment pourrons-nous secourir nos parents, nos amis, nos bienfaiteurs vivants et défunts, si nous ne sommes pas libres de disposer de la valeur impétratoire et satisfactoire de nos bonnes œuvres, en faveur de qui nous voulons ?

Loin de s’opposer à ce que nous venions au secours de ceux qui nous sont chers, ou qui se recommandent à nous, cette dévotion nous autorise au contraire, à prier pour eux avec plus de confiance que jamais. « Tout ainsi qu’une personne riche, dit le Bx de Montfort, qui aurait donné son bien à un grand prince, afin de l’honorer davantage, prierait avec plus de confiance ce prince de faire l’aumône à quelqu’un de ses amis qui la lui demanderait. Ce serait même faire plaisir à ce prince que de lui donner occasion de témoigner sa reconnaissance envers une personne qui s’est dépouillée pour le revêtir, qui s’est appauvrie pour l’honorer. Il faut dire la même chose de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge ». Il est de leur bonté et de leur puissance de ne jamais se laisser vaincre en générosité. Et quoique l’application de nos bonnes œuvres ne dépende plus de notre volonté, Jésus et Marie sauront bien, à notre recommandation humble et soumise, assister de notre petit revenu spirituel, ou par d’autres voies, nos parents, nos amis, nos bienfaiteurs vivants et défunts. C’est même un devoir de justice et de charité qu’ils sauront mieux que nous reconnaître et remplir.

 

Quels sont les principaux avantages que nous trouvons pour nous-mêmes dans l’esclavage de Jésus en Marie ?

Nous étant dépouillés de tout ce que nous avons pour le donner à la Très Sainte Vierge, nous pouvons croire :

  1. Que cette bonne Mère, ayant accepté notre offrande s’est engagée à nous protéger et défendre contre nos ennemis, à nous rendre les voies du salut douces et faciles, et à nous obtenir toutes les grâces dont nous avons besoin pendant la vie ;

  2. Que nos bonnes œuvres passant par ses mains avant d’arriver à Dieu, elle les purifie, les augmente, les embellit, les présente elle-même à Jésus-Christ, pour qu’elles soient plus favorablement accueillies ;

  3. Que pour répondre au généreux abandon que nous lui avons fait de tous nos biens, elle acquitte dès cette vie nos dettes envers Dieu, et ne permettra pas à notre mort, que nous restions longtemps à souffrir dans le Purgatoire.

Aussi, dans l’esclavage de Jésus en Marie, une âme fervente, dirigée, soutenue par la Très Sainte Vierge, arrive plus sûrement et plus promptement à une parfaite sanctification que par toute autre voie spirituelle. « Qu’on me fasse un chemin nouveau pour aller à Jésus-Christ, dit encore le Bienheureux de Montfort, et que ce chemin soit pavé de tous les mérites des Bienheureux, orné de toutes leurs vertus héroïques, éclairé et embelli de toutes les lumières et beautés des Anges, et que tous les Anges et les Saints y soient pour y conduire, défendre et soutenir ceux et celles qui y voudront marcher ; en vérité, en vérité, je dis hardiment, et je dis la vérité, que je prendrais préférablement à ce chemin, qui serait si parfait, la voie immaculée de Marie, voie ou chemin sans aucune tache, ni souillure, sans péché originel ni actuel, sans ombre ni ténèbres ».


 

Quelles sont les obligations ou pratiques de cette dévotion ?

Pour être esclave de Jésus en Marie, il suffit d’avoir fait une fois pour toutes l’acte de consécration. C’est un contrat qui dure toujours, à moins qu’on ne le rétracte formellement. Le Bx de Montfort conseille, en outre, quelques pratiques particulières, soit extérieures, soit intérieures.


 

Quelles sont les pratiques extérieures ?

Ces pratiques sont :

  1. De se préparer à sa consécration en offrant à Dieu, pendant 33 jours (30 jours au moins, si on compte des semaines de 6 jours) toutes ses prières, méditations et bonnes œuvres, aux intentions et de la manière suivante : une période de douze jours pour se vider de l’esprit du monde, une première semaine pour obtenir la connaissance de soi-même, une seconde semaine pour obtenir la connaissance de la Sainte Vierge, une troisième semaine pour obtenir la connaissance de Jésus-Christ. Au terme de la préparation, un jour de fête de la Sainte Vierge, on fait la consécration en prononçant la formule composée par le Bienheureux de Montfort lui-même ;

  2. De renouveler chaque année son acte de consécration, après s’y être préparé de la même manière que la première fois (les 12 premiers jours sont facultatifs) ;

  3. De faire une petite offrande à la Sainte Vierge, le jour de la première consécration et le jour de la rénovation, comme marque de dépendance universelle envers Marie ;

  4. De réciter tous les jours, ou du moins le plus souvent possible, le Magnificat, le chapelet ou même le saint Rosaire, et la Petite Couronne de la Sainte Vierge, composée de 3 Pater, suivis chacun de 4 Ave Maria et d’un Gloria Patri ;

  5. De célébrer dévotement les fêtes de la Sainte Vierge, et particulièrement l’Annonciation (25 mars), fête de la présente dévotion.


 


 

Quelles sont les pratiques intérieures ?

Ces pratiques sont :

  1. D’offrir à Notre-Seigneur Jésus-Christ, chaque matin, et même souvent dans la journée, par les mains de sa sainte Mère, nos pensées, nos désirs, nos paroles ; nos actions, en prononçant ces mots ou d’autres semblables : « Je suis tout à vous, et tout ce que j’ai je vous l’offre ô mon aimable Jésus, par Marie, votre très sainte Mère » ;

  2. De faire toutes ses œuvres, dans le cours de la journée, en union avec Marie : « Ma bonne Mère, agissez en moi … priez en moi … souffrez en moi … parlez en moi … travaillez en moi … ». Tout cela doit se faire paisiblement, doucement, sans contention, mais aussi avec fidélité et persévérance ;

  3. De communier avec Marie et par Marie, c'est-à-dire :

  1. De renoncer, avant la communion, à nos propres dispositions pour recourir à celles de Marie, lui demandant son cœur tout brûlant d’amour pour y recevoir Jésus-Christ : « Ma bonne Mère, voici venir mon Jésus … prêtez-moi votre cœur pour le recevoir, ou plutôt recevez-le vous-même en moi. »

  2. De supplier Notre-Seigneur, au moment même de la communion et pendant qu’on dit trois fois Domine non sum dignus, de ne considérer en nous que les vertus et les mérites de la Très Sainte Vierge : « Oui, doux Sauveur de mon âme, je me reconnais tout à fait indigne de vous recevoir par moi-même, vu ma tiédeur et mes nombreuses infidélités. Mais voici à la place de mon cœur, celui de Marie, votre Mère et la mienne ! Ce cœur si pur et si saint sera votre demeure … Levez-vous, et venez habiter le lieu de votre repos, l’arche de votre sanctification. »

  3. D’emprunter encore après la communion, les dispositions d’amour et de reconnaissance de Marie, pour les offrir à Jésus-Christ en action de grâces : « Ma bonne Mère, adorez, aimez, glorifiez Jésus-Christ pour moi … faites-le vivre, grandir, dominer en moi. Etendez aussi, affermissez son règne dans le cœur de tous les fidèles, et surtout des personnes qui me sont chères. »


 

N’a-t-on pas institué, selon les désirs du Bx de Montfort, une Confrérie pour propager plus facilement cette pratique ?

Oui, Mgr Duhamel, archevêque d’Ottawa, a institué le 25 mars 1899 une Confrérie sous le titre de Confrérie de Marie, Reine des cœurs, érigée canoniquement en Archiconfrérie le 28 avril 1913 à Rome (44, Via Romagna) par saint Pie X.


 

Note de l’éditeur :

  • Voilà un extrait de la lettre pastorale et mandement de l’Archevêque d’Ottawa (Canada) érigeant la Confrérie de Marie, Reine des Cœurs : « Le Bienheureux de Montfort n’avait pour se défendre que son Rosaire et cette dévotion dans ses luttes à outrance contre les Jansénistes et les Protestants ; et il remporta la victoire. Cette victoire, quels que soient les rugissements de l’ennemi, quelque sombre que s’annonce l’avenir, nous voulons la gagner nous aussi… Souvenons-nous que Marie est aussi notre mère. Souvenons-nous que si elle a enfanté son Jésus sans douleur, c’est sur la Croix qu’elle nous a enfantés, nous autres : Homo et Homo natus est in ea – Ecce Mater tua [Un homme (Jésus) et encore un homme (tout chrétien) est né d’elle – Voici ta mère] rappelons-nous donc les gémissements de notre Mère ; efforçons-nous de la dédommager en lui donnant de véritables enfants qui sachent jusqu’où doit aller leur amour pour elle, et conforment leur conduite à leur savoir en entrant dans la nouvelle confrérie.

  • La Confrérie a été réorganisé sous Pie XII, puis a subit la réforme du Concile Vatican II. Il n’existe donc plus aujourd’hui et ne peut pas exister de confrérie, au sens canonique, qui puisse prétendre aux grâces et indulgences concédées par le pape. Cependant en ces temps de vacance formelle du Siège Apostolique, nous pouvons et devons espérer un surcroît de miséricorde de la part de la mère de miséricorde, médiatrice de toutes grâces. Ce qui compte c’est de rester dans l’esprit de la dévotion en s’appliquant à garder autant que possible les pratiques intérieures et extérieures.

  • Il en est de même pour l’Association des prêtres de Marie Reine des Cœurs (voir ci-dessous).

N’y a-t-il pas aussi une association de prêtres fondée pour répandre plus largement cette belle dévotion parmi les fidèles ?

Oui, en l’année 1907, a pris naissance l’Association des prêtres de Marie Reine des Cœurs, qui s’engagent à pratiquer et à prêcher la dévotion de la Sainte Vierge qu’a enseignée le B. de Montfort. Cette œuvre bénie et enrichie de privilège par le pape Pie X a reçu dès la première heure les encouragements d’un grand nombre d’évêques.

 

 

 

Consécration de soi-même à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, par les mains de Marie.

 

 

O Sagesse éternelle et incarnée ! ô très aimable et adorable Jésus, vrai Dieu et homme, Fils unique du Père éternel et de Marie toujours Vierge, je vous adore profondément dans le sein et les splendeurs de votre Père, pendant l'éternité, et dans le sein virginal de Marie, votre très digne Mère, dans le temps de votre Incarnation.

Je vous rends grâce de ce que vous vous êtes anéanti vous-même en prenant la forme d'un esclave, pour me retirer du cruel esclavage du démon ; je vous loue et glorifie de ce que vous avez bien voulu vous soumettre à Marie, votre sainte Mère, en toutes choses, afin de me rendre par elle votre fidèle esclave : mais, hélas ! ingrat et infidèle que je suis, je ne vous ai pas gardé les promesses que je vous ai si solennellement faites dans mon baptême ; je n'ai point rempli mes obligations ; je ne mérite pas d'être appelé votre enfant, ni votre esclave ; et, comme il n'y a rien en moi qui ne mérite vos rebuts et votre colère, je n'ose plus par moi-même approcher de votre très sainte et auguste Majesté.

C'est pourquoi j'ai recours à l'intercession de votre très sainte Mère, que vous m'avez donnée pour médiatrice auprès de vous ; et c'est par ce moyen que j'espère obtenir de vous la contrition et le pardon de mes péchés, l'acquisition et la conservation de la Sagesse.

Je vous salue donc, ô Marie immaculée, tabernacle vivant de la divinité, où la Sagesse éternelle cachée veut être adorée des Anges et des hommes ; je vous salue, ô Reine du Ciel et de la terre, à l'empire de qui est soumis tout ce qui est au-dessous de Dieu. Je vous salue, ô refuge assuré des pécheurs, dont la miséricorde ne manque à personne : exaucez les désirs que j'ai de la divine Sagesse, et recevez pour cela les vœux et les offres que ma bassesse vous présente.

O Moi N..., pécheur infidèle, je renouvelle et ratifie aujourd'hui entre vos mains les vœux de mon baptême ; je renonce pour jamais à Satan, à ses pompes et à ses œuvres et je me donne tout entier à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, pour porter ma croix à sa suite tous les jours de ma vie, et afin que je lui sois plus fidèle que je n'ai été jusqu'ici.

Je vous choisis aujourd'hui en présence de toute la Cour céleste, pour ma Mère et ma Maîtresse ; je vous livre et consacre, en qualité d'esclave, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m'appartient, sans exception, selon votre bon plaisir, à la plus grande gloire de Dieu, dans le temps et dans l’éternité.

Recevez, ô Vierge bénigne, cette petite offrande de mon esclavage, en l'honneur et union de la soumission que la Sagesse éternelle a bien voulu avoir à votre maternité ; en hommage de la puissance que vous avez tous deux sur ce petit vermisseau et ce misérable pécheur ; en action de grâces des privilèges dont la sainte Trinité vous a favorisée. Je proteste que je veux désormais, comme votre véritable esclave, chercher votre honneur et vous obéir en toutes choses.

O Mère admirable, présentez-moi à votre cher Fils, en qualité d'esclave éternel, afin que, m'ayant racheté par vous, il me reçoive par vous.

O Mère de miséricorde, faites-moi la grâce d'obtenir la vraie Sagesse de Dieu, et de me mettre pour cela au nombre de ceux que vous aimez, que vous enseignez, que vous conduisez, que vous nourrissez et protégez comme vos enfants et vos esclaves.

O Vierge fidèle, rendez-moi en toutes choses un si parfait disciple, imitateur et esclave de la Sagesse incarnée, Jésus-Christ, votre Fils, que j'arrive, par votre intercession et à votre exemple, à la plénitude de son âge sur la terre, et de sa gloire dans les Cieux. Ainsi soit-il.

 

 

 

N.B. : Saint Louis-Marie de Montfort fut canonisé par Pie XII en 1947 d’où le titre de bienheureux qui lui est ici donné.

 

 

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Instructions vidéos sur le Magistère de l'Eglise (6/7)

Publié le par Études Antimodernistes

Nous analysons dans cette vidéo l'infaillibilité de la discipline universelle, des canonisations, et de l'approbation des ordres religieux.

Nous ajoutons ici des extraits tirés des Acta Apostolicae Sedis, qui montrent clairement que Pie XI et Pie XII ont enseigné à plusieurs reprises que les canonisations sont infaillibles.

Nous publions deux documents: le premier contient les extraits originaux, en latin; et le deuxième une traduction française du premier document.

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Du Devoir de Recevoir la Révélation proposée par l'Eglise Catholique

Publié le par Études Antimodernistes

Par le R. P. Réginald Garrigou-Lagrange, O.P.

 

De Revelatione, Vol II, 1945.

EtudesAntimodernistes.fr, 24 mai 2017.

 

Démonstration de la nécessité pour l’individu et pour l’Etat de professer la vraie religion.

 

  1. Chaque homme en particulier doit professer la religion naturelle, ou la religion en général.

  1. Tout homme doit recevoir la révélation divine suffisamment proposée, ou la rechercher.

  2. L’autorité et la société civiles doivent recevoir la révélation divine.


 

I. Preuve par la raison que chaque homme a le devoir de professer la religion naturelle, ou la religion en général.

 

A. Preuve de la thèse : Tout homme a l’obligation morale de professer la religion en vertu de la loi naturelle.

La religion considérée objectivement est l’ensemble des vérités et des préceptes par lesquels notre vie est ordonnée à Dieu. Considérée objectivement, c’est la vertu par laquelle l’homme, sachant qu’il existe un Etre suprême, est incliné à lui rendre un culte à cause de son excellence et de son pouvoir.

Pour prouver la thèse voici un double argument : le premier est tiré de la fin de l’homme et prouve directement que l’homme a besoin de religion et indirectement qu’il est obligé de rendre un culte à Dieu. La voie est ainsi préparée au deuxième argument tiré du droit de Dieu et prouve directement cette obligation.

 

1er argument : L’homme a besoin de la religion pour obtenir sa fin naturelle.

La fin ultime à laquelle l’homme est ordonné est la connaissance de la Vérité suprême et l’amour du Bien suprême, c’est-à-dire Dieu comme auteur de la nature. Mais pour parvenir à cette connaissance et à cet amour, l’homme doit accomplir ce qui est nécessaire en soi pour connaître Dieu convenablement, pour Lui obéir, et de la même manière, il doit à Dieu une protestation intérieure et extérieure de sa soumission et de son amour, en laquelle protestation, la religion consiste proprement. Donc pour atteindre sa fin naturelle l’homme a besoin de la religion.

La majeure est facilement prouvée (a) de par notre intellect et (b) de par notre volonté.

  1. Notre intellect est ordonné à la connaissance de la vérité. Mais nous n’aurions pas la connaissance de la vérité qui nous est la plus nécessaire pour la direction de notre vie, si nous ne connaissions pas la première cause de notre nature, la loi suprême de nos actions, la source de l’aide qui est nécessaire à cause de notre infirmité pour mener une vie droite. Mais cette connaissance est la connaissance de la Vérité suprême, c’est-à-dire de Dieu, en tant que créateur de tous les êtres et législateur suprême. Donc notre intellect est naturellement ordonné à la connaissance de Dieu, comme auteur de la nature pour autant que Dieu est connaissable par les choses créées.

  2. De la même manière, notre volonté est ordonnée à l’amour du vrai bien connu par l’intellect. Mais l’intellect connait non seulement le bien particulier [la bonté de chaque être concret dans la vie], mais aussi le bien universel, et ne trouve la plénitude du bien que dans la source de tout bien, c’est-à-dire dans la bonté suprême de Dieu Lui-même. Donc la volonté est naturellement ordonnée vers Dieu en tant qu’auteur de la nature pour qu’Il soit aimé par-dessus toutes choses. Nous tendons vers une béatitude stable et parfaite que nous ne pouvons trouver dans les biens créés et nous en jouissons déjà imparfaitement en cette vie lorsque nous aimons Dieu par-dessus tout.

La mineure : Pour arriver à cette connaissance et à cet amour de Dieu, l’homme doit faire ce qui est nécessaire pour connaître Dieu convenablement et Lui obéir et Lui protester sa soumission et son amour. Autrement la connaissance de Dieu resterait purement spéculative [sur le plan théorique], sans influence sur nos vies et l’amour de Dieu resterait inefficace, comme une jouissance poétique de la bonté de Dieu, ne donnant pas les moyens de garder les commandements de la loi éternelle et sans enlever les obstacles du péché.

De plus nous avons besoin d’un culte extérieur parce que « l’esprit humain a besoin d’être conduit par les choses sensibles… pour qu’il s’élève aux actes spirituels par lesquels il est uni à Dieu » (Saint Thomas). Dans la vie présente, il n’y a pas d’intellection sans phantasmes [représentation sensible d’un objet au moyen des sens ; nous avons des phantasmes comme les animaux, mais leur connaissance ne va pas plus loin, i. e. ils ne peuvent pas abstraire]. Ainsi donc, si le culte externe dégénère parfois en superstition, c’est per accidens, à cause des mauvaises inclinations des hommes.

 

2ème argument : A Dieu est dû de par la loi naturelle un culte interne, externe et social.

Au Seigneur tout-puissant, notre plus grand bienfaiteur et le plus grand bien est dû la protestation de notre soumission, hommage, gratitude et amour. Mais l’homme est dépendant par nature et il connait naturellement qu’il dépend de Dieu comme Créateur et Seigneur Très-Haut, par Lequel il est préservé et aidé. Donc l’homme par loi de nature doit à Dieu une protestation de soumission, hommage, gratitude et amour ; et cela constitue le culte divin.

Concernant la majeure : Soumission ou servitude sont dues à un maître. Pour cette raison, « il est nécessaire que là où il y a un ratio propre et spécial de pouvoir, il y ait un ratio propre et spécial de servitude. » « L’honneur est dû à quelqu’un en raison de son excellence. Mais à Dieu appartient une excellence particulière, en ce qu’Il transcende infiniment toutes choses, en toute perfection possible. Pour cette raison un honneur spécial Lui est dû. » (IIa, IIae). Révérence Lui est aussi due, à laquelle se rapporte l’adoration. Gratitude Lui est due à cause de sa bienfaisance, et c’est pourquoi nous devons remercier Dieu. Enfin une protestation dévote de notre amour est due au Bien suprême, et l’homme est naturellement incliné à aimer Dieu par-dessus toute chose, « autrement, si l’homme s’aimait naturellement plus que Dieu il s’ensuivrait que l’amour naturel serait pervers, et qu’il ne serait pas perfectionné par la charité mais détruit. » (Saint Thomas)

Et à Dieu est dû non seulement un culte intérieur mais un culte extérieur aussi, puisque Dieu n’est pas seulement l’auteur de l’âme mais du corps aussi. De plus, le culte interne s’il est sincère sera nécessairement exprimé par des gestes, des mots et autres actes externes par lesquels la dévotion s’accroit.

Enfin un culte social est dû à Dieu parce qu’Il est le fondateur et le bienfaiteur de la société humaine comme Il l’est de chaque individu. Donc la société doit reconnaître Dieu comme son Seigneur suprême et Lui rendre un culte. Sinon les peuples ne craignent pas Dieu, ils méprisent l’autorité civile et bientôt tout est renversé.

Parce que le culte est proprement dû à Dieu, la vertu de religion est dite être une partie de la justice.

 

B. Objections.

Objection : Les indifférentistes disent : Dieu n’a pas besoin de l’hommage des créatures. Donc les cultes religieux sont vains. Cette objection est formulée ainsi par saint Thomas : « Dans ces choses qui sont offertes par les hommes, quelque chose semble être d’autant plus louable qu’il est offert à un plus indigent. Donc la religion semble la moins louable de toute les vertus par lesquelles l’homme aide les autres. »

Réponse : Saint Thomas : « Dans ces choses qui sont offertes aux autres à cause de leur utilité, l’offrande est d’autant plus louable qu’elle est faite à plus indigent, parce qu’elle est plus utile. A Dieu cependant, rien n’est offert à cause de son utilité mais à cause de sa gloire et pour notre utilité. »

L’objection suppose le faux principe de l’utilitarisme, selon lequel quelque chose est un bien à accomplir, non parce que c’est quelque chose d’honnête, mais parce que c’est quelque chose d’utile. Cette réduction du bien honnête au bien utile est la destruction de toute obligation morale qui est fondée non sur une nécessité mais sur un droit. La nullité de cette objection se voit avec du bon sens : si en effet elle était vraie, il serait vrai aussi de dire : le riche n’a pas besoin de ma restitution, donc je ne dois rien lui restituer, la restitution est vaine. Le bienfaiteur n’a pas besoin de gratitude, donc la gratitude est vaine. Mon père n’a pas besoin de mon respect, donc il ne lui est pas dû.

Insistance : Dieu n’a pas pu tout faire uniquement pour sa gloire. Cela aurait été de l’égoïsme divin ; mais Il nous a créés pour notre bonheur. Ainsi disent Kant, Hermes, Günther.

Réponse : Ce serait de l’égoïsme si Dieu n’était pas le Bien suprême, mais Il est la bonté-même ; et s’Il n’avait pas fait toute chose pour manifester sa bonté ou pour sa propre gloire, alors Il aurait ordonné toute chose non au bien suprême mais à quelque bien particulier, ce qui serait une faute chez Dieu, i. e. la plus grande absurdité et la ruine de notre félicité.

Insistance : Le propre de l’égoïsme est de subordonner toutes les personnes à soi comme si elles étaient des serviteurs ou des choses utiles. Mais Dieu aurait agi de la sorte s’Il avait tout fait pour sa propre gloire.

Réponse : Cela serait le cas si les hommes n’étaient pas perfectionnés et glorifiés par cette subordination à Dieu. Mais il est beaucoup plus glorieux pour nous d’exister pour la gloire de Dieu que pour notre bonheur à nous. « En ce que nous vénérons et honorons Dieu, notre esprit Lui est soumis : et en cela consiste la perfection : toute chose est en effet perfectionnée en ce qu’elle est soumise à ce qui lui est supérieur : comme le corps est vivifié par l’âme et l’air illuminée par le soleil. » C’est pour cela qu’il est dit dans le psaume 113 : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à votre nom donnez la gloire. »

 

C. Corollaires.

1) Les devoirs envers Dieu sont principaux et premiers.

Cela est prouvé de trois manières : (a) en raison de la loi de Dieu, (b) en raison de la dépendance de l’homme, (c) en raison de la fin ultime de l’homme.

  1. Les principaux et premiers devoirs sont ceux qui se trouvent immédiatement dans la loi suprême. Mais la loi suprême est la loi de Dieu, première cause, Maître et Législateur suprême, sur Lequel tous les devoirs religieux se fondent. Donc.

  2. Ce qui est premier en l’homme c’est d’être une créature dépendante de Dieu comme sous son suprême Seigneur. Donc.

  3. Les devoirs principaux et premiers sont ceux qui regardent la fin ultime, ou les moyens plus proches pour atteindre la fin car la fin est première dans l’intention. Mais les devoirs religieux regardent ou bien la fin ultime en elle-même qui est de connaître et d’aimer Dieu, ou bien les moyens plus proches pour atteindre la fin qui sont de servir Dieu avec le culte qui Lui est dû. C’est pourquoi les vertus les plus hautes sont les vertus théologiques qui sont spécifiées par Dieu Lui-même, et immédiatement en-dessous la vertu de religion spécifiée par le culte divin. Elle est en effet supérieure aux autres vertus morales, comme la justice, la force, la tempérance qui ne sont pas immédiatement ordonnées à l’honneur divin.

 

2) Les devoirs envers Dieu sont le fondement des autres devoirs.

Preuve en deux parties : (a) de par la loi divine, et (b) de par notre fin.

  1. Dans la subordination des devoirs, si on enlève le premier qui est fondé sur la loi suprême, tous les autres disparaissent. Mais les devoirs religieux sont les premiers. Donc.

  2. Dans la subordination des devoirs, si on enlève le premier par rapport à l’obtention de la fin ultime, alors tous les autres disparaissent. Mais les devoirs religieux concernent la fin ultime ou les moyens prochains pour l’atteindre. Donc. En fait les droits de l’homme dérivent de ces devoirs envers Dieu.1

Objection : Mais quelqu’un qui doute de l’existence de Dieu, conserve la notion de devoir envers les autres hommes.

Réponse : Si par impossible le droit de Dieu disparaissait, alors tous les droits et devoirs corrélatifs disparaitraient également. Si on enlevait la connaissance du droit de Dieu on supprimerait la connaissance du fondement suprême de tous les devoirs. Mais quelqu’un peut considérer le fondement prochain de l’obligation envers un autre, c’est-à-dire le droit du prochain, alors il n’aurait pas une notion complète de l’obligation morale qui se trouve dans la loi éternelle. Nous sommes véritablement obligés de faire le bien et d’éviter le mal, non en raison de l’ordre passif de notre nature et de notre volonté au bien honnête mais en raison de l’ordre actif par lequel Dieu a fait que notre nature et notre volonté accomplissent le bien moral et par lequel Il a le droit le plus strict à être obéi. En effet l’obligation morale est fondée sur un droit supérieur, c’est pourquoi Dieu n’est pas obligé, mais Il doit agir sagement envers Lui-même et Il ne peut pas pécher parce qu’Il est la sagesse et la sainteté même.

 

 

 

D’où il suit que l’Etat en manquant sous ce rapport au but principal de son institution aboutit en réalité à se renier lui-même. Ces vérités supérieures sont si clairement proclamées par la voix même de la raison naturelle, qu’elles s’imposent à tout homme que n’aveugle pas la violence de la passion.les vrais droits de l’homme naissent précisément de ces devoirs envers Dieu. du 16 février 1892 : Dès que l’Etat refuse de donner ce qui est à Dieu, il refuse, par une conséquence nécessaire, de donner aux citoyens ce à quoi ils ont droit comme hommes ; car, qu’on le veuille ou non, Lettre Encyclique à tous les évêques et catholiques de France Léon XIII dans sa 1

  

 

 

II. Preuve par la raison que chaque homme a le devoir de recevoir la révélation divine suffisamment proposée, ou de la rechercher.

 

  1. Preuve par le droit de Dieu.

Cette preuve est tirée du Concile du Vatican contre le principe de l’autonomie absolue de la raison et de la volonté humaine, selon lequel « la raison humaine est si indépendante que Dieu ne peut pas lui commander d’avoir la foi. » Le concile dit : « Puisque l’homme dépend entièrement de Dieu comme son Créateur et Seigneur et la raison créée est totalement sujette à la Vérité incréée, nous sommes tenus de montrer par la foi une pleine soumission de l’intelligence et de la volonté à Dieu révélant. » (Denz. 1789)

On peut en tirer l’argument suivant : La raison créée est sujette à Dieu par loi de nature, comme au Créateur, Seigneur et Vérité incréée et elle doit Lui obéir. Mais la révélation suffisamment proposée apparait comme provenant de Dieu, Créateur, Seigneur et Vérité incréée. Donc la raison créée doit, par loi de nature, obéissance à Dieu se révélant Lui-même en recevant la révélation suffisamment proposée. Car l’obéissance de la volonté n’est pas la seule chose qui est due à Dieu, comme Seigneur, mais Lui est aussi due, comme Vérité incréée, l’obéissance de l’intellect par l’adhésion intellectuelle de la foi.

Donc, celui qui refuse d’accepter la révélation divine suffisamment proposée, agit contre la loi de nature et fait injure à Dieu, comme s’il disait : « Dieu peut être trompé ou peut tromper en révélant, » ou « je ne suis pas obligé de me soumettre à Dieu. » C’est une infidélité positive, directe et voulue, un acte élicité par l’intellect et commandé par la volonté, provenant de l’orgueil. Mais l’injure est d’autant plus grande que le droit du pouvoir est sacré et absolu.

Et on ne peut pas dire : l’infidélité n’est pas contre la loi de nature parce que l’obligation d’accepter la révélation divine est surnaturelle et non pas naturelle. Saint Thomas répond : « Avoir la foi n’est pas dans la nature humaine. Mais c’est dans la nature humaine que l’homme ne rejette pas l’instinct intérieur et la prédication extérieure de la vérité. Pour cette raison, l’infidélité est, de cette manière, contre la nature. » Donc celui qui transgresse directement la loi surnaturelle, transgresse indirectement la loi naturelle.

C’est pourquoi le Seigneur Christ a dit : « Et Il leur dit allez dans tout l’univers et prêchez l’Evangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé : mais celui qui ne croira pas sera condamné. » (Marc, XVI : 16). Certains pourront dire : cette parole est dure, et penseront que l’éternité des châtiments est injuste et indigne de Dieu. Ce sont souvent les mêmes qui, lorsqu’ils voient des miracles tout à fait évidents, par exemple dans le sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes, ne veulent pas admettre l’origine divine de ces signes, disant qu’ils sont l’œuvre de forces naturelles inconnues, comme les pharisiens disaient du Christ : « c’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. » (Marc, III : 22). Ceux qui pensent de cette façon font clairement injure à Dieu, et se condamnent eux-mêmes selon les paroles de Notre-Seigneur : « Qui croit en Lui (au Fils de Dieu) n’est pas condamné, mais qui ne croit point est déjà condamné » (Jean, III : 18). Nous devons aussi rappeler les paroles du Christ aux pharisiens qui attribuaient au prince des démons ce qui était clairement l’œuvre du Saint-Esprit : « Mais celui qui aura blasphémé contre l’Esprit-Saint n’en n’aura jamais la rémission ; mais il sera coupable d’un péché éternel. » (Marc, III : 19). C’est-à-dire que celui qui s’oppose au Saint-Esprit qui performe un miracle évident, n’a pas d’excuse ni aucun droit à la miséricorde ; il n’a rien en lui par lequel il puisse être guéri, et s’il est guéri plus tard, cela sera uniquement grâce à l’aide divine, entièrement gratuite.

 

  1. Preuve par la fin de l’homme.

L’homme est tenu par loi naturelle de tendre efficacement vers sa fin ultime dans laquelle il trouvera le bonheur. Mais à moins qu’il n’accepte la révélation divine suffisamment proposée, l’homme ne peut pas tendre efficacement vers sa fin ultime, mais au contraire s’en éloigne totalement par l’infidélité. Donc l’homme par loi de nature est tenu d’accepter la révélation divine suffisamment proposée qui est la voie pour la béatitude.

La majeure. La loi naturelle commande directement que nous tendions vers la fin naturelle qui consiste spécialement dans la connaissance parfaite de Dieu par les créatures et dans l’amour naturel de Dieu par-dessus toute chose. Mais la loi naturelle commande aussi indirectement que nous tendions vers la fin surnaturelle, en tant qu’elle ordonne que tout supérieur doit être obéi qui commande légitimement, et principalement Dieu qui peut donner des préceptes positifs pour atteindre la fin surnaturelle.

La mineure a été prouvée dans la thèse concernant la nécessité de la révélation. Car la révélation est moralement nécessaire pour une connaissance certaine, rapide, facile et sans erreur de toutes les vérités religieuses naturelles ; et la révélation est nécessaire simpliciter [absolument] pour la connaissance de la fin surnaturelle dont l’acceptation est une condition de notre salut. Donc celui qui refuse d’accepter la révélation divine suffisamment proposée, s’éloigne complètement de sa fin ultime parce qu’il n’a même pas la connaissance salutaire de Dieu, ni a fortiori l’amour de Dieu.

A vrai dire, comme nous l’avons déjà signalé, le jugement spéculatif de crédibilité et le jugement spéculatif-pratique de l’obligation de croire peuvent avoir lieu sans la grâce, bien qu’ordinairement la grâce l’accompagne. En fait, parfois il y a résistance absolue à la grâce de la foi dans le péché formel d’infidélité positive commis avec la pleine advertance. Ainsi le Christ a dit des pharisiens : « Si je n’avais fait parmi eux les œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient point de péché ; mais maintenant, ils les ont vues, et ils ont haï et moi et mon Père. » (Jean, XV : 24). Aussi dans les Actes, IV : 16 [où les juifs se demandent que faire des Apôtres qui viennent d’accomplir un miracle éclatant, les relâcher ou les condamner, alors que le miracle est connu de tout le peuple].

Mais le jugement ultime pratico-pratique de l’obligation de croire (i. e. : « ici et maintenant je dois croire, il est bien de croire ») est per se supernaturel, car il représente, non seulement de manière abstraite mais aussi concrète, la convenance de l’acte de foi et le bien qui est promis à ceux qui croient. Mais cela suppose que la volonté ait déjà commencé à croire les choses supernaturelles sous l’influence de la grâce.

 

  1. 1er corollaire : De la grave obligation de rechercher la révélation divine, quand il y a déjà une sérieuse probabilité de son existence.

  1. De la part de la loi de Dieu.

La raison créée est tenue, par loi de nature, de respecter le plus ce qui est enseigné par Dieu quand Il enseigne quelque chose. Mais celui qui refuse de chercher la révélation divine, quand il y a une sérieuse probabilité de son existence ne respecte la révélation divine. Donc agir ainsi c’est agir, au moins indirectement, contre la loi de nature, et c’est commettre une injure envers Dieu, comme si on Lui disait que la révélation divine importe peu. C’est une infidélité positive, voulue au moins indirectement, à cause de la négligence volontaire de rechercher la vraie foi ; et dans ce cas l’ignorance n’est pas invincible mais coupable.

 

  1.  De la part de la fin de l’homme.

En cas de doute concernant les moyens nécessaires de salut, la voie la plus sûre doit être choisie ; car quand l’éternité est en jeu, il n’y a pas de sécurité excessive. Mais la foi chrétienne est proposée comme un moyen nécessaire de salut, car Notre Seigneur a dit : « Celui qui ne croit pas sera condamné, » et saint Paul : « Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu. » (Hébreux, XI : 6). Donc étant donné le doute ou la probabilité concernant l’origine de cette foi, la voie la plus sûre doit être suivie ; il est nécessaire sous peine de péché mortel d’approfondir la recherche et de prier si la convenance de la prière est connue. Négliger de manière délibérée et obstinée un tel moyen est vraiment téméraire, car on risque le danger de la damnation éternelle. « Dans un tel doute, dit Billuart, l’infidèle est tenu sous peine de péché mortel de rechercher diligemment la vérité, autrement l’ignorance de la vraie foi deviendrait pour lui volontaire et coupable. Sans aucun doute, c’est la condition de beaucoup d’hérétiques, surtout de ceux qui ont contact avec des catholiques. » (dans son ouvrage : De Fide). Pour cette raison, la proposition suivante est condamnée : « L’infidèle qui ne croit pas, conduit par l’opinion la moins probable, sera excusé de l’infidélité. » (Denz. 1154)

 

  1. 2ème corollaire : Hors de l’Eglise, pas de salut.

Du fait que tous sont tenus de recevoir la révélation divine suffisamment proposée, il résulte qu’il y a obligation grave pour chaque homme d’entrer dans l’Eglise catholique. Car il est historiquement certain que Jésus-Christ, envoyé par Dieu, a fondé l’Eglise catholique qui peut-être discernée par ses caractéristiques et marques propres comme la règle de la foi.

Le Christ a en effet ordonné à tous les hommes sous peine de damnation d’accepter la doctrine, les lois, les sacrements du collège apostolique : « prêchez l’Evangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé : mais celui qui ne croira pas sera condamné.  Allez donc, enseignez toutes les nations… leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. » (Marc, XVI : 15 ; Matth, XXVIII : 19-20). De la même manière, toute la Tradition affirme qu’il n’y a pas de salut en dehors de l’Eglise catholique.

Au corps de l’Eglise appartiennent tous les baptisée qui professent extérieurement la doctrine catholique selon le Magistère du Pontife Romain, dans la communion des fidèles. A l’âme de l’Eglise appartiennent tous les hommes qui ont la foi interne avec la charité.

Donc, celui qui coupablement reste en dehors du corps de l’Eglise jusqu’à la fin de sa vie ne peut être sauvé ; est coupable celui qui, ayant un doute sérieux, ne recherche pas la vérité et a fortiori celui qui en connaissance de cause et pleine liberté n’entre pas dans l’Eglise quand il l’a reconnue pour la véritable.

Celui qui reste de manière non coupable en dehors du corps de l’Eglise peut être sauvé du moment qu’il appartient à l’âme de l’Eglise par la foi avec la charité ou la contrition parfaite.

Donc, pour le salut est nécessaire d’une nécessité de moyens (1) d’appartenir realiter (en réalité) à l’âme de l’Eglise ; (2) d’appartenir au corps de l’Eglise in re (de fait) ou in voto (par un désir implicite) et pour les enfants (en dessous de l’âge de raison) in re. Appartenir au corps de l’Eglise est aussi nécessaire d’une nécessité de précepte. Mais cette obligation ne diminue en rien la liberté. Au contraire, à ce propos saint Paul a écrit : « elle-même, créature, sera aussi affranchie de la servitude de la corruption, pour passer à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » (Rom, VIII : 21)

Le pape Pie IX dit : 

« Car il faut tenir par la foi qu’en dehors de l’Eglise Apostolique Romaine, personne ne peut être sauvé ; qu’elle est la seule arche de salut ; que celui qui n’y entre pas périra dans le déluge ; mais d’un autre côté, il est nécessaire de tenir pour certain que ceux qui sont dans l’ignorance de la vraie religion, si cette ignorance est invincible, ne sont coupables d’aucune faute en cette matière aux yeux de Dieu. Maintenant, en vérité qui s’arrogera le droit de marquer les limites d’une telle ignorance, à cause de la nature et de la variété des peuples, des régions, et des dispositions intérieures et de bien d’autres choses ? »  (Singulari Quadam, 1854 ; Denz. 1647)

Et le même Pontife dans une autre encyclique écrit :

« Et cela est bien connu de Nous et de vous que ceux qui sont dans l’ignorance invincible de notre très sainte religion et qui, gardant avec zèle la loi naturelle et ses préceptes gravés dans le cœur de tous par Dieu, et étant prêts à obéir à Dieu, vivent d’une vie honnête et droite, peuvent par la vertu agissante de la lumière divine et de la grâce, obtenir la vie éternelle puisque Dieu… ne permettra pas que quelqu’un soit puni avec les tourments éternels qui n’est pas coupable de péché volontaire. Mais le dogme catholique est bien connu que personne ne peut être sauvé en dehors de l’Eglise Catholique et que ceux qui sont obstinés envers l’autorité et les décisions de cette même Eglise et ceux qui avec pertinacité sont séparés de l’unité de cette même Eglise, et du Pontife romain, le successeur de saint Pierre ‘à qui la garde de la vigne a été confiée par le Sauveur,’ 1 ne peuvent pas obtenir le salut éternel. » (Quanto conficiamur mœrore, 1863 ; Denz. 1677)

 

 

 

. [Note du traducteur: Ier Concile de Chalcédoine en parlant de Léon ]1

  

 

 

III. Du devoir de l’autorité civile et de la société de recevoir la révélation divine suffisamment proposée.

 

A. Preuve par la loi de Dieu, auteur de la société civile.

A Dieu en tant que créateur, seigneur, bienfaiteur et Vérité incréée est dû par loi de nature le culte de la religion naturelle et l’obéissance de la foi s’Il révèle quelque chose de manifestement supernaturel. Or Dieu n’est pas moins créateur, seigneur et bienfaiteur de la société et de l’autorité civiles qu’Il ne l’est de l’homme. Donc la société et l’autorité civiles, par loi de nature doivent à Dieu un culte social et l’obéissance de la foi s’Il révèle quelque chose de manifestement supernaturel.

La majeure est prouvée des articles précédents.

Preuve de la mineure. Dieu est le créateur de l’homme qui est par nature social. C’est pourquoi Dieu est le fondateur de la société civile elle-même et de l’autorité civile sans laquelle la société n’a pas d’unité ni dans son être, ni dans son action, ni en promouvant le bien commun. L’autorité civile dépend donc essentiellement de Dieu comme auteur de notre nature ; autrement elle ne pourrait pas obliger les hommes, car personne ne peut s’obliger lui-même ou ses égaux. Saint Paul affirme : « Car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu ; et celles qui sont ont été établies de Dieu. » (Rom, XIII : 1). Toute autorité dérive de la première autorité, comme toute causalité est de la cause première. C’est la subordination des agents, et dans l’ordre moral et dans l’ordre physique.

Conclusion : Donc l’autorité civile ne peut pas rejeter l’autorité de Dieu sans se renier elle-même. S’il n’y avait pas de révélation, elle serait obligée de reconnaître la religion naturelle, de la défendre et de la favoriser. Il y a, à ce sujet, un consensus de presque tous les anciens philosophes, par exemple, Platon, Cicéron, Valère Maxime.

Ainsi donc, l’autorité civile ne peut pas rejeter l’autorité de Dieu révélant, mais est tenue d’accepter la révélation divine suffisamment proposée à la race humaine. Car si Dieu détermine une forme spéciale de religion et manifeste des lois positives, les sociétés et les gouvernants doivent Lui obéir tout comme les individus. Ce serait absurde de soutenir que les gouvernants en faisant des lois, pourraient agir comme si la révélation n’existait pas, alors qu’en fait elle existe, et pourraient commander quelque chose qui est peut-être interdit. Cela équivaudrait à dire que les législateurs humains sont au-dessus du divin législateur.

 

B. Preuve par la fin de la société et de l’autorité civiles.

Celui qui est tenu d’obtenir la fin prochaine qui est per se subordonnée à une fin supérieure doit s’assurer que cette subordination essentielle est préservée. Mais l’autorité civile doit tendre immédiatement au bien temporel des citoyens qui est per se subordonné au bien spirituel et éternel, à savoir vivre vertueusement et dans la vraie religion. Donc l’autorité civile en recherchant le bien temporel des citoyens est tenue de préserver cette subordination à une vie en accord avec la vertu et la vraie religion ; et donc elle ne peut pas ne pas tenir compte de la vraie religion suffisamment proposée mais doit la professer.

La majeure est évidente. Car si la subordination est essentielle, alors ne pas en tenir compte c’est détruire l’essence même de la fin immédiate. Pour cette raison saint Thomas dit dans le De Regimine Principum : « Si quelqu’un doit accomplir une chose qui est ordonnée à une autre comme à sa fin, il doit s’assurer que son action est en accord avec la fin. Ainsi le forgeron fait une épée de telle manière qu’elle serve au combat ; et ainsi le constructeur doit bâtir la maison de telle sorte qu’on puisse l’habiter. » Similairement le physicien a pour but la santé de l’homme qui est per se subordonnée à la vie morale ; c’est pourquoi le physicien doit observer avec soin la loi morale dans ses conseils et ses prescriptions, par exemple en ce qui concerne l’avortement, et l’utilisation de l’hypnotisme.

La mineure est clarifiée directement et indirectement :

a) directement, en considérant la nature de l’homme, car tout comme le corps est per se subordonnée à l’âme, ainsi le bien temporel est subordonné au bien spirituel et éternel, c’est-à-dire à une vie en accord avec la vertu et la vraie religion.

b) indirectement : si l’on rejette cette subordination, alors l’ordre et la paix sont détruits par la société civile elle-même, de la même manière que d’un vice découle souvent une maladie. Car une société ne peut pas exister sans moralité et il n’y a pas de vraie moralité sans religion, à savoir sans cette subordination due à Dieu, auteur de notre nature. Donc celui qui attaque la religion renverse les fondements de la société. De la même manière, sans l’aide de Dieu, la société ne peut pas atteindre sa fin, car une cause seconde ne peut rien faire sans l’aide de la cause première. L’ordre des agents doit correspondre à l’ordre des fins.

Conclusion : Pour cette raison, l’Etat doit, non seulement pour Dieu, mais aussi pour l’avantage de ses sujets et le sien propre reconnaître la vraie religion.

 

C. Comment l’autorité doit-elle accepter la révélation divine ?

A cette question Léon XIII répond lorsqu’il dit dans l’encyclique Immortale Dei :

« Les hommes, en effet, unis par les liens d’une société commune, ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément ; autant au moins que l’individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l’existence, la conservation et la multitude innombrable de ces biens. »

Ailleurs Léon XIII dit :

« C’est pourquoi la société civile, en tant que société, doit nécessairement reconnaître Dieu comme son principe et son auteur et, par conséquent, rendre à sa puissance et à son autorité l’hommage de son culte. Non, de par la justice ; non, de par la raison, l’État ne peut être athée, ou, ce qui reviendrait à l’athéisme, être animé à l’égard de toutes les religions, comme on dit, des mêmes dispositions, et leur accorder indistinctement les mêmes droits. » (Libertas Praestantissimum)

D’où l’autorité civile ou l’Etat ne peut pas faire abstraction de la révélation divine, mais doit la recevoir d’une triple manière : (1) négativement, en ne faisant rien contre la religion révélée ; (2) positivement indirectement, en la défendant ; et (3) positivement directement, en la favorisant.

1) Négativement. L’Etat ne doit rien établir ou faire qui ne soit contraire à la vérité révélée. Il ne peut pas promouvoir l’irréligion, faire des lois qui empêchent la prédication de la vérité, l’administration des sacrements, la célébration du culte divin, les jugements concernant la moralité des actes humains, l’éducation et l’instruction des ministres du culte et la préservation des ordres religieux et des congrégations. De la même manière, il ne peut pas nier l’indissolubilité du mariage ni approuver le divorce dans des cas individuels.

2) Positivement indirectement. L’Etat doit défendre dans l’ordre temporel non seulement la religion naturelle mais aussi la religion révélée. Il est tenu de prohiber ce qui est contraire à la loi naturelle et injurieux envers Dieu. Platon déjà disait que les athéistes devaient être punis de mort parce qu’ils renversent le fondement de tout ordre et de la société elle-même. Saint Louis roi de France punissait les blasphémateurs en leur brûlant la langue, mais Clément IV lui demanda d’adoucir ce châtiment. Saint Thomas dit : « Les infidèles qui n’ont jamais reçu la foi, comme les païens et les juifs, ne doivent d’aucune façon être forcés à croire, car croire est un acte de la volonté. Mais ils doivent être contraints par les croyants à ne pas porter tort à la foi par des blasphèmes, ou de mauvaises persuasions, ou même par des persécutions ouvertes. »

3) Positivement et directement. L’Etat doit favoriser la religion révélée. Il doit le faire non seulement en favorisant la prédication et la propagation de la vraie foi, en construisant des églises, en reconnaissant l’exemption du clergé des services civils, par exemple du service militaire, mais aussi par la profession publique de la foi, par exemple par la participation au vrai culte, par la vénération des saints noms de Dieu et de Jésus-Christ. En fait l’Etat peut aussi contraindre les citoyens à accomplir certains actes religieux, surtout dans ces circonstances où leur omission deviendrait une méprise de la religion, par exemple de refuser de prêter serment devant un tribunal.

Cependant puisque l’Etat n’est pas infaillible, il ne peut se constituer lui-même juge dans les matières religieuses, mais il doit à ce sujet accepter les directions de l’autorité religieuse dont la mission divine est supposée. Ainsi Constantin le Grand voulait être appelé « l’évêque du dehors » et Charlemagne « le dévot défenseur de la sainte Eglise et son humble auxiliaire ».

Doute : Qu’est-ce que peut exiger l’Eglise d’un Etat hérétique, infidèle ou indifférent ?

Dans un Etat hérétique, elle peut exiger que les catholiques qui y vivent soient libres de professer leur religion et que l’entité juridique de la religion soit reconnue. Car un tel Etat, puisqu’il ne prétend pas être infaillible, ne peut pas raisonnablement soutenir que la religion qu’il professe est la seule vraie et que les catholiques ne peuvent pas être de bonne foi.

L’Etat indifférent ne s’occupe pas d’une religion plus que d’une autre et donc, selon ses propres principes, il doit reconnaître l’Eglise pour une société légitime, ne rien faire contre elle et la protéger.

L’Etat infidèle ne peut pas raisonnablement nier que la religion chrétienne enseigne probablement la vérité. Donc il agirait contre la raison et contre la loi de nature s’il empêchait sa prédication et sa propagation. Souvent les nations chrétiennes interviennent auprès de celles qui sont infidèles dans le but d’obtenir d’elles la liberté pour leurs missionnaires et leurs fidèles.

Conclusion : Dans cette question (et c’est la même chose pour tous les grands problèmes), la vérité et perfection chrétienne est en même temps un juste milieu et un sommet entre et au-dessus des excès opposés du libéralisme des indifférentistes et du fanatisme des sectaires. Elle transcende aussi les fluctuations du modérantisme des opportunistes qui essaient d’installer une certaine médiocrité entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal.

Les passions humaines oscillent souvent entre deux extrêmes erronés ; parfois elles cherchent à s’élever plus pour trouver la stabilité et la paix. Mais la véritable tranquillité de l’ordre ne se trouve qu’au sommet de la vérité. Ce sommet est atteint de manière non seulement spéculative mais également pratique, surtout par les saints qui évitent entièrement à la fois le libéralisme et le fanatisme et dont le zèle diffère totalement de la tiédeur du modérantisme.

Dans cette question pratique compliquée interviennent non seulement les vertus morales, telles que la prudence, la justice, la force et la tempérance, mais encore et surtout les vertus théologiques : la foi, l’espérance et la charité. Ainsi pour trouver la direction à suivre, il faut toujours avoir devant les yeux ce qu’a dit saint Thomas du milieu des vertus : « Les vertus morales qui règlent les passions et les opérations consistent dans le milieu entre l’excès et le défaut, et ce milieu, en tant qu’il est rationnel dépasse l’extrême irrationnel, comme la force dépasse non seulement la crainte désordonnée mais aussi la témérité. Les vertus théologiques cependant qui concernent la fin ultime de notre vie, ne sont pas en soi situées dans un milieu, « l’homme ne peut jamais aimer Dieu autant qu’Il doit être aimé, et il ne peut pas croire ou espérer en Lui autant qu’il le doit. Donc il ne peut absolument pas y avoir d’excès ici ; et ainsi le bien d’une telle vertu ne se trouve pas dans le milieu ; mais elle d’autant meilleure qu’elle se rapproche du sommet. (…) »

 

Ces choses doivent être attentivement considérées en pratique pour éviter la médiocrité qui est opposée au zèle pour Dieu et les âmes, médiocrité qui veut réduire les vertus tant théologiques que morales à un milieu inférieur. C’est pourquoi nous disons : dans cette question et dans les questions semblables, la vérité et perfection chrétienne est tout à la fois un milieu et un sommet, entre et au-dessus des extrêmes erronés. La paix donc, ne doit pas être cherchée dans la médiocrité qui diminuerait la vérité et la sainteté chrétienne, mais au contraire doit être cherchée en toute sincérité au sommet de la vérité et de la vertu ; à cela tendent toutes les aspirations légitimes de notre cœur. 1

(…) La charité bienveillante et la fermeté absolue de la foi ne s’opposent pas, mais au contraire se renforcent et doivent être unies en nous de telle sorte qu’elles ne peuvent pas être séparées sans que la première ne disparaisse au profit du libéralisme et que l’autre ne diminue et tende vers le sectarisme. Elles doivent être hautement et intimement unies dans l’ardeur d’un même amour qui est le zèle pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Ainsi unies, elles sont vraiment dans l’Eglise comme chez le Christ, l’image de l’union des perfections divines : « La miséricorde et la vérité se sont rencontrées ; la justice et la paix se sont embrassées » (Psaume 84).2

1 Quel est donc ce sommet de la vérité en pratique (…) ? L. Ollé-Laprune l’a exposé avec une grande indulgence pour ceux qui se trompent, Le prix de la vie, p 456 : « Portant en soi et la nature humaine, et ce qui s’y ajoute, mais qui, en s’y ajoutant, s’y adapte, le chrétien, ne rejette rien, ne hait rien, ne méprise rien de ce qui est humain comme tel, et par suite, il est à la fois le plus accommodant et le plus intraitable des hommes. Jamais, ayant affaire à un principe il ne transige : et alors ce n’est pas seulement sa foi chrétienne c’est sa raison, c’est sa conscience, c’est son honneur qui le trouvent fermement résolu à les maintenir envers et contre tous ; il a dans ce respect et dans cette fidélité pour tout ce qui est vrai, bon, honnête, juste, sacré, toutes les délicatesses, toutes les jalousies, si je puis dire et toutes les audaces. Son énergie est indomptable. Mais là où les principes ne sont pas en cause, il est facile, et d’ailleurs pour les hommes, il a tous les égards possibles et même toutes les indulgences (…) il n’est jamais pour les autres ni méprisant ni amer. »« La paix se fera par la lumière et la franchise… La paix par effacement des idées ou par annihilation des personnes, si c’était possible, ou du moins par oubli de ce qui sépare n’est pas une vraie paix. C’est plutôt en allant jusqu’à la cime de toutes vos pensées, et dans vos rapports avec les personnes, jusqu’au bout et haut d’autrui et de vous-mêmes, à force de sincérité et de franchise, que, voulant la paix, vous la ferez, et que, vraiment pacifiques, vous posséderez la terre. »


 

p. 712-757.Dieu, son existence et sa nature, Nous avons écrit abondamment à ce sujet dans un autre ouvrage, 2

  

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De l'Indifférentisme et du Libéralisme

Publié le par Études Antimodernistes

Par le R. P. Réginald Garrigou-Lagrange, O.P.

 

De Revelatione, Vol II, 1945.

EtudesAntimodernistes.fr, Mai 2017.

 

Les erreurs modernes sur la liberté religieuse.

Étude historique et critique.

 

  1. De l’indifférentisme absolu et du laïcisme qui nie la nécessité de toute religion même naturelle.

  2. De l’indifférentisme modéré ou du latitudinarisme, selon lequel toutes les religions ou au moins toutes les formes du Christianisme sont bonnes et sont des voies de salut.

  3. Du libéralisme qui défend la liberté civile de toute sorte de culte comme convenable à la raison et à l’esprit chrétien.


 

I. L’indifférentisme absolu

 

Cette doctrine nie la nécessité de toute religion même naturelle. Elle est exprimée dans la troisième proposition condamnée du Syllabus de Pie IX :

« La raison humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu, est l'unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal : elle est à elle-même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles à procurer le bien des hommes et des peuples. » (Denz 1703)

Cet indifférentisme absolu provient ou de l’athéisme, ou du panthéisme, ou encore de l’agnosticisme. Si en effet Dieu n’existe pas ou n’est pas distinct du monde, ou encore si rien de certain ne peut être connu à son sujet, il ne peut y avoir aucun devoir envers lui. Ceux qui, comme les déistes admettent l’existence de Dieu mais nient que la providence divine s’étende aux choses particulières, affirment que Dieu ne fait pas attention à notre obéissance et méprisent la religion, comme une chose indifférente et inutile.

Qu’est-ce donc que la religion pour eux ? C’est un art qui procède plus de l’imagination des hommes que de la raison ; c’est pourquoi, même si elle a été autrefois nécessaire et si elle est toujours utile à certains comme un stimulus pour agir, elle est opposée au progrès des sciences, à moins qu’elle ne soit subordonnée à la science, comme une conception symbolique de l’absolu qui ne peut pas prouver sa propre vérité. Pour beaucoup, la religion qu’ils identifient avec le mysticisme est un ornement ou un luxe pour certaines âmes, comme la poésie. Ainsi pensent les évolutionnistes absolus, bien qu’ils exposent cette notion générale de différentes manières, qu’il soit matérialistes comme Haeckel ou idéalistes comme Hegel.

Les agnostiques donnent une explication similaire de la religion, soit sous une forme empirique comme les positivistes, ou sous une forme idéaliste comme Kant. Kant en fait dit que nous devons croire en Dieu et en une vie future avec une foi morale, mais il rejette les devoirs particuliers envers Dieu et la nécessité d’un culte. L’homme selon lui doit seulement accomplir des devoirs moraux envers lui-même et envers les autres. Car si Dieu, comme il affirme, nous avait créés pour sa propre gloire, alors ce serait par égoïsme divin. Cette dernière proposition admise par Hermes et Günther, a été condamnée par le concile du Vatican (Denz 1805, 1783).

Le laïcisme aujourd’hui applique ces principes de manière pratique. En fait, il établit une religion d’irréligion qui est comme obligatoire pour la société et l’État. Le principe fondamental du laïcisme est l’autonomie absolue de la raison et de la volonté humaine. «  La raison humaine est indépendante, de telle sorte que la foi ne peut pas être ordonnée par Dieu », dit Kant.1

 

 

II. L’indifférentisme modéré ou latitudinarisme

 

Cette forme d’indifférentisme admet certains devoirs envers Dieu et la nécessité d’un culte au moins interne ; mais il soutient qu’il est licite de professer n’importe quelle religion positive qui nous plait. Il y a une grande variété de positions dans cette catégorie :

 

  1. Certains, bien qu’ils admettent la nécessité d’une religion naturelle, diminuent les devoirs essentiels de la religion : ils nient l’utilité et l’efficacité de la prière qui disent-ils n’est convenable ni à Dieu ni à l’homme ; ou rejettent la nécessité d’un culte externe et public, sous prétexte que Dieu veut être adorer « en esprit et en vérité ».

 

  1. D’autres admettent les religions positives, mais il est, selon eux, licite de choisir celle que l’on veut, par exemple entre le Christianisme, l’Islam, le Bouddhisme (Ainsi chez Rousseau, dans Emile : Profession de foi du vicaire savoyard).

Cette doctrine a été ainsi formulée dans le Syllabus de Pie IX (Denz 1715-1716) :

« Chaque homme est libre d’embrasser et de professer cette religion qu’il a jugée être la vraie à la lumière de la raison. » « Les hommes peuvent dans le culte de n’importe quelle religion trouver la voie du salut éternel et obtenir le salut éternel. » [propositions condamnées]

Lammenais arriva à cet indifférentisme :

« Quelqu’un peut obtenir le salut éternel de son âme par la profession de n’importe quelle foi s’il vit une une vie morale droite et honnête. » (Denz 1613-1617) (Voir L’examen systématique du P. F. de Lammenais par le P. Lacordaire2)

Plus récemment les modernistes qui font de la religion un sentiment religieux, affirment pour cette raison que toutes les religions sont plus ou moins vraies parce que le sentiment religieux est partout le même au moins en substance. (Denz 2082)


 

  1. D’autres encore disent qu’il est suffisant d’embrasser le Christianisme, sans profession de foi du catholicisme. Cf. Syllabus de Pie IX (Denz 1717-1718) :

« Il faut au moins bien espérer du salut éternel de tous ceux qui ne se sont jamais occupés de l’Église du Christ. » « Le protestantisme n’est rien d’autre qu’une autre forme de la religion chrétienne, en laquelle il est également donné de plaire à Dieu que dans l’Église catholique. » (Denz 1642,1677)

 

 

1 F. Buisson, La foi laïque : « Il faut que la personne humaine soit libre : ce commandement s’adresse d’abord à la personne humaine. Elle-même ne peut pas plus annihiler sa liberté, que la laisser annihiler par autrui. Toute servitude est un crime de lèse-humanité, sans excepter la servitude qui se croit volontaire. » [C’est l’opposé de la doctrine du Christ.] L’esprit laïque ou la libre pensée « exige que ses adhérents aient expressément rejetés, non seulement toute croyance imposée, mais toute autorité voulant imposer ses croyances. » « La foi en Dieu n’est pas une des obligations que l’humanité puisse inscrire dans ses lois. Nos lois, nos institutions ne sont plus fondées sur les droits de Dieu, mais bien sur les droits de l’homme…elles n’agissent ou ne parlent plus au nom de Dieu, mais au nom de la nation avec une autorité purement humaine. » « La laïcité est le corollaire de la souveraineté populaire… Est-il possible d’être libre-penseur, sans être républicain, d’être républicain sans être socialiste ? »

Et F. Buisson ajoute : « Nous n’entendons nullement faire la guerre à l’idée religieuse, encore moins supprimer la liberté religieuse. » Et ailleurs il loue les protestants libéraux « de l’effort tenté pour dégager du catholicisme traditionnel et ecclésiastique, ce qu’on pourrait appeler le Christianisme éternel, une sorte d’évangile fait de la moelle du vieil évangile, une religion laïque de l’idéal moral, sans dogmes, sans miracles, sans prêtres. »

Jaurès, Discours à la chambre de députés : « Si Dieu lui-même se dressait devant les multitudes sous une forme palpable, le premier devoir de l’homme serait de refuser l’obéissance et de le considérer comme l’égal avec qui l’on discute, non comme le maître que l’on subit. »

Au contraire, le Dictionnaire Apologétique dit : « L’Apôtre dit : Argue obsecra, increpa.. Il en est qui voudraient l’Eglise moins remuante, moins passionnée, sereine et même quelque peu indifférente, à la manière d’une école de philosophie. En adoptant cette attitude, l’Eglise se mentirait à elle-même, à sa mission, aux intérêts dont elle a la garde…. Ses prêtres ne sont pas des professeurs de sagesse ; ce sont des ministres, qui ont à gérer les choses de Dieu. Ils ont à faire respecter son nom… à faire observer ses commandements. Ils ont à faire valoir le sang de l’Homme-Dieu, répandu pour le salut du monde. Ils ont à conduire les âmes de leurs frères à la vie éternelle. »

 : « On aperçoit l’abîme creusé involontairement par M. de Lammenais sous l’édifice du Christianisme. Comme il a déclaré le genre humain infaillible en matière philosophique et religieuse, on aura le droit de lui dire : N’allons pas plus loin, nous avons la certitude, la vérité, la foi, c’est assez... Chaque homme reste libre, par une interprétation protestante, de tourner le genre humain contre l’Église, d’invoquer contre l’autorité de l’Église, l’autorité infaillible du genre humain… L’infaillibilité du genre humain est aujourd’hui le fondement logique d’une des plus formidables erreurs qui aient encore apparu dans le monde. »Considérations sur le système philosophique de M. de Lammenais P. Lacordaire, 2

  

 

 

III. Le Libéralisme

 

Pour distinguer le libéralisme de l’indifférentisme qui a déjà été décrit, les disciples de Félicité de Lammenais défendirent « la liberté civile de toute religion, comme une condition de la société qui n’est pas désordonnée en elle-même, mais est en conformité avec l’esprit de l’évangile et très utile. » Bien que les catholiques libéraux admettent que l’Église catholique a été fondée par Dieu, ils enseignent qu’une liberté totale doit lui être donnée mais que rien d’autre ne lui est dû.

« La vraie religion, disent-ils, sera propagée et fleurira seulement par la persuasion ; beaucoup l’embrasseront et en fait, plus grande sera la liberté, ainsi, plus grande la confiance et l’amour, et donc le moins de contrainte il y aura, puisque la vérité prévaut toujours sur l’erreur. »

L’Église répond :

« Mais quelle mort de l’âme est-elle pire que la liberté de l’erreur ? … puisque la nature humaine, inclinée au mal cour maintenant vers sa ruine. » (Denz 1614)

Car non pas tous les hommes, ni même la plupart des hommes cultivent la vérité et les vertus. Si l’on concède le droit d’enseigner l’erreur, ce qui apaise notre caprice et orgueil, la majorité des hommes ne sera pas capable de trouver la vérité salutaire sans grande difficulté.

Ce libéralisme peut-être défini : la doctrine selon laquelle l’autorité civile et sociale n’est pas obligée de recevoir la révélation divine suffisamment proposée. Au contraire, elle peut rester neutre entre la vraie et les fausses religions, sans soumission aux lois positives qui sont révélées surnaturellement. C’est une forme de naturalisme social, à savoir que la société temporelle n’est pas obligée de conformer sa fin naturelle à la fin surnaturelle.

L’histoire du libéralisme et de sa condamnation se divise en trois périodes :

 

A. Première période.

Félicité de Lammenais fonda en 1820 le journal appelé L’Avenir pour revendiquer les droits de l’Église. Il proposa la séparation de l’Église et de l’État comme très utile pour la liberté de l’Église et défendit la liberté civile de toute religion comme un moyen opportun pour la réconciliation de la science avec la foi.

Grégoire XVI dans son encyclique Mirari Vos du 15 août 1832 (Denz 1613-1616) condamna cette doctrine parce qu’elle ouvrait la voie à l’indifférentisme :

« Nous en venons maintenant à une cause, hélas ! trop féconde des maux déplorables qui affligent à présent l'Église. Nous voulons dire l'indifférentisme, ou cette opinion funeste répandue partout par la fourbe des méchants, qu'on peut, par une profession de foi quelconque, obtenir le salut éternel de l'âme, pourvu qu'on ait des mœurs conformes à la justice et à la probité… De cette source empoisonnée de l'indifférentisme, découle cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu'on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses, à laquelle aplanit la voie cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour la ruine de l'Église et de l'État, va se répandant de toutes parts, et que certains hommes, par un excès d'impudence, ne craignent pas de représenter comme avantageuse à la religion. Eh ! " quelle mort plus funeste pour les âmes, que la liberté de l'erreur ! " disait saint Augustin (S. Aug. Ep. CLXVI). En voyant ôter ainsi aux hommes tout frein capable de les retenir dans les sentiers de la vérité, entraînés qu'ils sont déjà à leur perte par un naturel enclin au mal, c'est en vérité que nous disons qu'il est ouvert ce " puits de l'abîme " (Apoc. IX, 3), d'où saint Jean vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sortir pour la dévastation de la terre… Nous ne pourrions augurer des résultats plus heureux pour la religion et pour le pouvoir civil, des désirs de ceux qui appellent avec tant d'ardeur la séparation de l'Église et de l'État, et la rupture de la concorde entre le sacerdoce et l'empire. Car c'est un fait avéré, que tous les amateurs de la liberté la plus effrénée redoutent par dessus tout cette concorde, qui toujours a été aussi salutaire et aussi heureuse pour l'Église que pour l'État… C'est à l'homme superbe, ou plutôt à l'insensé de peser dans des balances humaines les mystères de la foi, qui sont au-dessus de tout sens humain, et de mettre sa confiance dans une raison qui, par la condition même de la nature de l'homme, est faible et débile. »

Les disciples de Lammenais se soumirent en toute bonne foi. Lammenais lui-même se soumit d’abord à la condamnation, mais ensuite attaqua âprement l’Église et enseigna la liberté totale de conscience dans son livre Parole d’un Croyant. Il fut de nouveau condamné en 1835 (Denz 1617) dans l’encyclique Singulari Nos. Il mourut à Paris sans signe de repentir, en février 1854.

 

B. Deuxième période.

Celle-là commence après la révolution de 1848. Dans un effort pour préserver la liberté de l’Église, plusieurs catholiques libéraux dévièrent de la direction donnée dans Mirari Vos. Le professeur de théologie Godart, dans son livre Les principes de 89 et la doctrine catholique (1861) tenta de réconcilier ces principes avec le catholicisme, mais il fut condamner par la congrégation de l’Index. Après la conférence de Montalembert au congrès de Malines en 1863, Pie IX condamna de nouveau le libéralisme, le 8 décembre 1864 dans l’encyclique Quanta Cura (Denz 1689). Il condamne comme une mise en application du naturalisme la doctrine de ceux qui disent :

« " le meilleur régime politique et le progrès de la vie civile exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la Religion que si elle n'existait pas, ou du moins sans faire aucune différence entre la vraie et les fausses religions ". Et contre la doctrine de la Sainte Écriture,1 de l'Église et des saints Pères, ils affirment sans hésitation que : " la meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violations de la loi catholique, si ce n'est dans la mesure où la tranquillité publique le demande ". À partir de cette idée tout à fait fausse du gouvernement des sociétés, ils ne craignent pas de soutenir cette opinion erronée, funeste au maximum pour l'Église catholique et le salut des âmes, que Notre Prédécesseur Grégoire XVI, d'heureuse mémoire, qualifiait de " délire " : " La liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme. Ce droit doit être proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée. Les citoyens ont droit à l'entière liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions quelles qu'elles soient, par les moyens de la parole, de l'imprimé ou tout autre méthode sans que l'autorité civile ni ecclésiastique puisse lui imposer une limite ". Or, en donnant pour certitudes des opinions hasardeuses, ils ne pensent ni ne se rendent compte qu'ils prêchent " la liberté de perdition "... »

Joint à l’encyclique le pape publia le Syllabus ou collection des erreurs modernes, qui contient plusieurs des propositions des libéraux ; cf. Denz 1724, 1755, 1777-1780 :

« Dans les temps que nous vivons, il n’est plus convenable que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion d’état, à l’exclusion de tous les autre cultes. » « Car il est faux [de dire] que la liberté civile du culte… conduit à la corruption des mœurs et des intelligences des peuples, et à la propagation de cette peste qu’est l’indifférentisme. »2

 

C. Troisième période.

Après l’encyclique Quanta Cura, le libéralisme semble ne plus exister comme une doctrine mais continue comme une tendance. Pour cette raison, Léon XIII dans l’encyclique Immortale Dei du 1er novembre 1885, confirma et rappela les encycliques Mirari Vos et Quanta Cura, ainsi que le Syllabus des erreurs (Denz 1867) et en même temps il explique ce qu’est la liberté légitime et comment les fausses religions doivent être tolérées pour éviter un plus grand mal :

« En effet, si l’Église juge qu’il n’est pas permis de mettre les divers cultes sur le même pied légal que la vraie religion, elle ne condamne pas pour cela les chefs d’État qui, en vue d’un bien à atteindre, ou d’un mal à empêcher, tolèrent dans la pratique que ces divers cultes aient chacun leur place dans l’État. C’est d’ailleurs la coutume de l’Église de veiller avec le plus grand soin à ce que personne ne soit forcé d’embrasser la foi catholique contre son gré, car, ainsi que l’observe sagement saint Augustin, " l’homme ne peut croire que de plein gré "… Particulièrement en ce qui touche aux libertés modernes, comme on les appelle, chacun doit s’en tenir au jugement du Siège Apostolique et se conformer à ses décisions. Il faut prendre garde de se laisser tromper par la spécieuse honnêteté de ces libertés… L’expérience a déjà fait suffisamment connaître les résultats qu’elles ont eus pour la société. »

Car il y a dans le libéralisme une fausse charité envers ceux qui ne croient pas. L’altération de la plus haute vertu est toujours quelque chose de grave en soi et dans ses conséquences, car cela constitue un esprit faussé.

De même, Léon XIII dans l’encyclique Libertas du 20 juin 1888 (Denz 1932) insiste encore : 

« De ces considérations, il résulte donc qu’il n’est aucunement permis de demander, de défendre ou d’accorder sans discernement la liberté de la pensée, de la presse, de l’enseignement, des religions, comme autant de droits que la nature a conférés à l’homme. Si vraiment la nature les avait conférés, on aurait le droit de se soustraire à la souveraineté de Dieu, et nulle loi ne pourrait modérer la liberté humaine. »

Il faut lire attentivement à ce propos cette encyclique où il est dit :

« Et, en effet, ce que sont les partisans du Naturalisme et du Rationalisme en philosophie, les fauteurs du Libéralisme le sont dans l’ordre moral et civil, puisqu’ils introduisent dans les mœurs et la pratique de la vie les principes posés par les partisans du Naturalisme… : c’est la coutume de départir des droits de Dieu et de ne pas en tenir compte en faisant les lois. »

Contre quoi Léon XIII s’exprime :

« La société civile, parce qu’elle est une société doit reconnaître Dieu pour son Père et auteur et doit honorer et rendre un culte à son pouvoir et sa domination… »

Léon XIII oppose donc cette doctrine aux mots du Christ : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »

Enfin le libéralisme apparaît encore parmi les catholiques comme une doctrine chez les modernistes, et est encore condamné par Saint Pie X dans son encyclique Pascendi (Denz 2093), dans sa lettre apostolique sur les erreurs du Sillon [Notre Charge Apostolique] du 25 août 1910, qui avaient déjà été condamnées dans l’encyclique Vehementer Nos (Denz 1995).

Cette doctrine du libéralisme est donc résumée ainsi : l’autorité civile et sociale en faisant des lois et des décrets n’est pas tenue d’observer la conformité avec les lois divines révélées surnaturellement ; et la liberté civile de professer n’importe quelle religion, vraie ou fausse n’est pas une liberté désordonnée. Ce principe du libéralisme se trouve dans la fameuse Déclaration des Droits de l’Homme.

La condamnation du libéralisme n’est rien d’autre, selon l’Église, que l’application des principes ou de la raison, ou de la foi en ce que la liberté de l’erreur ne peut être quelque chose de droit et ordonné, mais est une liberté de perdition comme dit saint Augustin. Les pontifes romains ont toujours enseigné cela, par exemple Boniface VIII dans sa bulle Unam Sanctam (Denz 469) et Martin V dans la condamnation des erreurs de Jean Huss et Wycliff (Denz 640-642). De la même façon, Léon X condamna ex cathedra les erreurs de Martin Luther parmi lesquelles, n°33 est : « Brûler les hérétiques est contre la volonté de l’Esprit.3 »

Par ces diverses condamnations est manifesté le jugement de l’Église : l’indifférentisme (qui est aussi souvent appelé libéralisme) est une hérésie contre le dogme en dehors de l’Église Catholique, nul ne peut être sauvé (Denz 468, 714, 1646). Mais le libéralisme, tel qu’il est admis par beaucoup de catholiques libéraux, comme distinct de l’indifférentisme, si ce n’est pas une hérésie, est une erreur théologique et se trouve parmi les doctrines listées par Pie IX qui, à propos desquelles il dit :

« Nous rejetons, proscrivons, et condamnons, et nous voulons et commandons qu’elles soient considérées comme absolument rejetées, proscrites et condamnées par tous les fils de l’Église catholique. » (Denz 1699)

Car cela va en effet contre l’application nécessaire et certaine des principes de la foi et même de la raison.

1 Note du traducteur : Ce passage est contredit dans Dignitatis Humanae de Vatican II où il est dit que la dignité de la personne humaine sur laquelle repose la liberté religieuse est révélée dans l’Écriture Sainte.

2 Le Syllabus de Pie IX condamne, selon un ordre logique : l’autonomie absolue de la raison, l’autonomie absolue de la société civile, l’autonomie absolue de la morale.

3 De la condamnation de cette proposition, il s’ensuit pour le moins que l’état catholique, attentif aux mourants et aux circonstances d’un certain âge peut légitimement infliger la peine de mort à cause du crime d’hérésie, après le jugement de l’Église sur la culpabilité et la pertinacité.

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L'Infaillibilité de l'Église dans la Discipline Universelle

Publié le par Études Antimodernistes

Par le Cardinal Louis Billot S.J.

 

Tractatus De Ecclesia Christi, T. I., Ed. 5a, Thesis XXII, Romae, 1927.

EtudesAntimodernistes.fr, avec ajout de sous-titres, Février 2017.

 

Thèse XXII

 

La puissance législative de l'Église a pour objet tant les choses de foi et de mœurs, que les choses de la discipline. Mais dans les choses de foi et de mœurs l'obligation de la loi ecclésiastique s'ajoute à l'obligation de droit divin ; tandis qu'en matière de discipline l'obligation est entièrement de droit ecclésiastique. Cependant, l'infaillibilité est toujours liée à l'exercice de la puissance législative suprême, dans la mesure où, en vertu de l'assistance de Dieu, l'Église ne peut jamais imposer une discipline qui soit opposée aux règles de la foi et de la sainteté évangélique.

 

 

§ 1. [La Loi Ecclésiastique ratifie la Loi Divine]

 

Il a été dit plus haut que sont appelées choses de foi et de mœurs les choses qui, révélées par Dieu avec une intention directe, sont contenues dans le dépôt transmis par les apôtres. On y distingue les choses qui sont prescrites par Dieu comme uniquement à croire, et les choses qui ne sont pas seulement à croire, mais aussi à pratiquer, du fait qu'elles indiquent une règle de mœurs à tenir par la foi et à accomplir par les œuvres. Maintenant donc, on peut démontrer de deux façons que la puissance législative de l'Église s'étend à ces deux objets.

Démontrons cela d'abord à partir de ce qui est déclaré dans la proposition précédente1. En effet, la puissance de lier dans l'Église ne se restreint point aux seules choses qui ne sont pas prescrites par le droit divin, puisque évidemment rien n'empêche un inférieur d'obliger dans son propre domaine les choses déjà prescrites par une loi supérieure. Ainsi tout ce qui est ordonné à la fin du royaume des cieux, est une matière propre dans laquelle la puissance législative conférée par le Christ à Pierre et aux apôtres s'exerce de plein droit, si l'on comprend cela selon les explications données plus haut. Or parmi les chose qui sont ordonnées à la fin du royaume des cieux, celles qui sont dites de foi et de mœurs tiennent assurément le premier lieu. Donc la puissance législative qui est dans l'Église porte sur ces choses, et premièrement sur ces choses. — Cela se vérifie aussi par les faits. Car tout ce qui est commandé ou prohibé au for ecclésiastique sous menace de peine, est également commandé ou prohibé par une loi ecclésiastique. Il est en effet nécessaire qu'une peine corresponde toujours à une loi, et de même que la loi divine est sanctionnée par les peines de la vie future, de même la loi ecclésiastique par les peines ecclésiastiques, la loi civile par les peines civiles, et ainsi de suite. Or, quiconque parcourt le catalogue des censures verra aussitôt que certaines furent décrétées en matière de foi et de mœurs, comme le prouvent les excommunications portées contre les hérétiques, les schismatiques, les duellistes, les simoniaques, ceux qui prennent part à un avortement, etc.

Du reste, il est évident en soi que la loi divine n'est en rien diminuée si elle devient également loi ecclésiastique. Toute obligation de droit divin demeure en effet immobile et intacte, et on y ajoute seulement une obligation de droit ecclésiastique, comme nous l'avons déjà remarqué dans la thèse précédente. Et cela ne doit pas non plus être considéré comme vain et inutile, surtout parce qu'en raison de l'obligation ajoutée l'homme devient sujet à la correction et à la contrainte de l'Église ; laquelle correction, soit en dissuadant de façon préventive, soit en punissant en conséquence, aide beaucoup à procurer le salut et à éviter les peines du siècle futur devant être encourues en raison de la violation de la loi de Dieu. Enfin, on y retrouve la même raison que dans la loi civile, au sujet de laquelle personne ne dit que c'est en vain qu'elle interdit le vol ou l'homicide, puisque ces choses sont déjà interdites par le décalogue.

 

 

§2. [Harmonie de la Loi Ecclésiastique et de la Loi Divine.]

 

Cependant les choses nécessaires à diriger l'action des fidèles ne sont pas toutes contenues dans le dépôt des lois divines. Et de fait, dans les sociétés humaines on distingue habituellement deux genres de choses instituées. Le premier genre comprend toutes les choses immuables et fondamentales. Le second genre s'étend aux déterminations des choses fondamentales, selon la diversité de temps et de lieux, lesquelles déterminations sont nécessaires ou utiles à la société une fois celle-ci constituée et persévérant dans une même forme sociale. Les lois divines, tant celles qui contiennent le droit naturel et le droit connaturel de la grâce, que celles qui établissent l'organisation positive de l'Église ainsi que la substance du culte dans le sacrifice et les sacrements, appartiennent au premier genre. Mais toutes les autres choses, qu'on appelle proprement choses disciplinaires, furent simplement et absolument confiées à la détermination des prélats, de telle sorte qu'elles peuvent non seulement être rappelées par l'ajout d'une sanction de la loi ecclésiastique, mais qu'elles deviennent obligatoires premièrement et en soi par la prescription de cette loi.

Un très large domaine est donc laissé ici à la puissance législative, en matière liturgique, administrative, contentieuse, ascétique, etc., comme le manifestent les décrets disciplinaires des Conciles, les bulles des Pontifes, et le code de droit canonique. Là également resplendit autant que possible la différence entre l'Église et la Synagogue. Car la Synagogue fut instituée pour un temps limité, et pour un seul peuple : pour un temps limité, jusqu'à ce que vienne la foi qui devait être révélée, comme il est dit dans l'épître aux Galates (III ; 23) ; pour un seul peuple, où le lien politique coïncidait également avec le lien religieux. Ainsi il n'y avait pas dans la Synagogue ces éléments très diverses qui demandent une élasticité suprême dans un organisme social, et ne permettent pas quant aux dispositions disciplinaires cette inflexibilité ou immobilité qui est propre aux institutions de droit divin. En outre, la Synagogue était une servante, figurée par Agar, à qui par conséquent toutes choses devaient être prescrites en particulier, jusqu'aux détails cérémoniels du culte. Mais l'Église, qui est maîtresse, et libre, et qui contient en son sein toutes les familles de la terre jusqu'à la fin du monde, est d'une condition bien différente. Et c'est précisément en ceci que l'on cerne la modération admirable de la loi chrétienne, conforme à sa destinée d'embrasser tous les peuples : qu'en dehors des préceptes naturels et connaturels de la grâce, l'Église compte très peu de règles positives instituées par le Christ lui-même, qui doivent être observées par tous, partout et toujours2 ; Celui-ci a laissé à l'autorité ecclésiastique toutes les autres choses nécessaires à l'administration de la communauté, devant être prescrites selon les diverses exigences des temps et circonstances.

Mais puisque dans les choses disciplinaires toute l'obligation est dite être de droit ecclésiastique, il ne s'ensuit absolument pas que cette obligation ne lie pas la conscience. Et la raison en a déjà été indiquée plus haut : la loi divine elle-même ordonne que soient observées les choses prescrites par les pouvoirs légitimes. Puisqu'elle n'ordonne cependant pas immédiatement, mais seulement en tant qu'elle suppose l'existence de la loi humaine, sans laquelle elle n'ordonne plus rien, les deux choses suivantes se concilient ainsi à merveille : que l'obligation engage la conscience, d'une part, et que cependant elle est dit être, et est, de droit humain et ecclésiastique.

 

 

§3. [L'Infaillibilité Pratique de la Loi Ecclésiastique.]

 

Au sujet de l'infaillibilité des choses qui relèvent de la discipline on doit brièvement noter qu'elle consiste entièrement en ce que l'autorité suprême de l'Église, en vertu de l'assistance du Saint Esprit, ne puisse jamais instituer des lois qui soient d'une façon ou d'une autre opposées aux règles révélées de foi et de mœurs. Pie VI exprima ceci en peu de mots dans la Bulle Auctorem fidei, contre la proposition 78 du Synode de Pistoie : « La prescription du Synode concernant l'ordre des matières à traiter dans les conférences : par laquelle il dit d'abord, que dans chaque article, il faut distinguer ce qui se rapporte à la foi et à l'essence de la religion de ce qui est propre à la discipline ; par laquelle il ajoute que, dans cette discipline même, il faut distinguer ce qui est nécessaire ou utile pour retenir les fidèles dans le bon esprit, de ce qui est inutile ou trop pesant pour la liberté des enfants de la nouvelle alliance, et encore plus de ce qui est dangereux et nuisible, comme conduisant à la superstition et au matérialisme : dans la mesure où par la généralité des expressions le synode comprend et soumet à un examen prescrit même la discipline constituée et approuvée par l'Église, comme si l'Église, dirigée par l'Esprit de Dieu, pouvait établir une discipline non seulement inutile et trop onéreuse pour la liberté chrétienne, mais encore dangereuse, nuisible et conduisant à la superstition et au matérialisme : [est condamnée comme] fausse, téméraire, scandaleuse, pernicieuse, injurieuse pour l'Église et pour l'Esprit de Dieu par qui elle est conduite, et au moins erronée. »

On tire d'abord un argument de ce qui a été démontré plus haut concernant la sainteté de l'Église. La sainteté des principes dans l'Église provient en effet d'une cause intègre, et n'est pas une sainteté quelconque, mais la sainteté fondée dans la vraie foi, qui a sa norme et sa règle dans l'évangile du Christ. Or les lois disciplinaires sont des principes sociaux, au moyen desquels l'Église insinue sa sève dans ses membres. S'il est donc nécessaire que l'Église soit sainte par la sainteté des principes, il ne peut jamais arriver que la discipline établie et approuvée par celle-ci soit contraire aux règles de la foi ou à aucune des normes données dans l'évangile. Il s'ensuit manifestement de ceci que l'Église est infaillible dans l'établissement de la discipline, en comprenant l'infaillibilité dans le sens indiqué peu auparavant. — En outre, les paroles du Christ , dans l'évangile selon saint Matthieu (XXVIII-20) présentent l'Église comme non moins infaillible dans l'interprétation concrète et pratique de la révélation, que dans son interprétation dogmatique : leur enseignant, dit-il, à observer tout ce que je vous ai commandé. Et voici que je suis avec vous etc. Ce qui certainement ne serait pas vrai, si les fidèles pouvaient par les lois de l'Église être à l'occasion détournés de la rectitude de la règle évangélique3. — Là aussi nous conduit ce qui est dit en Matth. XVI et XVIII, où il est affirmé absolument que sera lié dans le ciel, tout ce que l'Église aura lié sur la terre. Jamais en effet n'est ratifié dans le ciel ce qui est prescrit sur la terre contre le droit divin, quels qu'en soient la raison et le mode.

Et la même notion de l'infaillibilité est valable quant aux us et coutumes de l'Église universelle. C'est pourquoi saint Augustin a l'habitude de tirer de celles-ci des arguments pour confirmer les dogmes, s'appuyant sur le principe que les règles de la foi ne peuvent jamais être dissonantes. Il confirme ainsi le dogme du péché original par l'usage de baptiser les enfants : « Quoi donc, dit-il dans le Sermon 293, n. 10, un enfant même aurait besoin d'un libérateur ? Sans aucun doute… notre sainte mère l'Église elle-même en est témoin, elle qui reçoit ce petit pour le purifier… Qui oserait élever la voix contre une telle mère ? » Et dans le premier livre contre Crescent, au numéro 38, il confirme la valeur du baptême conféré par un hérétique, par l'habitude très ancienne de l'Église de ne pas rebaptiser ceux qui venaient de l'hérésie à l'Église Catholique : « Ce n'est pas en effet, dit-il, d'une piètre importance que… ce que nous tenons fait plaisir à être observé dans l'Église catholique universelle répandue sur toute la tête ». Et ailleurs, dans l'épître 54, n. 6, il dit que disputer à savoir s'il faut approuver ce que toute l'Église répète et conserve dans le monde entier relève d'une très insolente insanité.

 

1[Note du traducteur : Voir la Thèse XXII du même traité.]

2« Le peuple de l'ancienne servitude vivant sous la loi de crainte était soumis à une foule de cérémonies mystérieuses : il le fallait, pour faire mieux désirer la grâce de Dieu, dont les prophètes célébraient l'avènement futur. A son apparition, c'est-à-dire lorsque la Sagesse de Dieu se faisant homme, nous appela à la liberté, peu de rites sacrés furent institués, mais tous conservent librement unie à son Dieu la société du peuple chrétien. Quant à ceux qui avaient été imposés au peuple hébreu et qui tenaient cette nation attachée par la crainte au même Dieu, il en est beaucoup d'abrogés pour la pratique ; le souvenir en a été seulement conservé pour expliquer nos croyances. Aujourd'hui donc ils n'enchaînent plus des esclaves ; ils exercent librement l'esprit. » Saint Augustin. De la Vraie Religion. ch. 17.

3Cet argument appliqué proportionnellement à la règle de la perfection évangélique, montre également que l'Église est infaillible dans l'approbation des Ordres religieux, comme l'indique la sentence constante et unanime des Docteurs.

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