Par le R. P. Réginald Garrigou-Lagrange, O.P.
De Revelatione, Vol II, 1945.
EtudesAntimodernistes.fr, 24 mai 2017.
Démonstration de la nécessité pour l’individu et pour l’Etat de professer la vraie religion.
Chaque homme en particulier doit professer la religion naturelle, ou la religion en général.
Tout homme doit recevoir la révélation divine suffisamment proposée, ou la rechercher.
L’autorité et la société civiles doivent recevoir la révélation divine.
I. Preuve par la raison que chaque homme a le devoir de professer la religion naturelle, ou la religion en général.
A. Preuve de la thèse : Tout homme a l’obligation morale de professer la religion en vertu de la loi naturelle.
La religion considérée objectivement est l’ensemble des vérités et des préceptes par lesquels notre vie est ordonnée à Dieu. Considérée objectivement, c’est la vertu par laquelle l’homme, sachant qu’il existe un Etre suprême, est incliné à lui rendre un culte à cause de son excellence et de son pouvoir.
Pour prouver la thèse voici un double argument : le premier est tiré de la fin de l’homme et prouve directement que l’homme a besoin de religion et indirectement qu’il est obligé de rendre un culte à Dieu. La voie est ainsi préparée au deuxième argument tiré du droit de Dieu et prouve directement cette obligation.
1er argument : L’homme a besoin de la religion pour obtenir sa fin naturelle.
La fin ultime à laquelle l’homme est ordonné est la connaissance de la Vérité suprême et l’amour du Bien suprême, c’est-à-dire Dieu comme auteur de la nature. Mais pour parvenir à cette connaissance et à cet amour, l’homme doit accomplir ce qui est nécessaire en soi pour connaître Dieu convenablement, pour Lui obéir, et de la même manière, il doit à Dieu une protestation intérieure et extérieure de sa soumission et de son amour, en laquelle protestation, la religion consiste proprement. Donc pour atteindre sa fin naturelle l’homme a besoin de la religion.
La majeure est facilement prouvée (a) de par notre intellect et (b) de par notre volonté.
Notre intellect est ordonné à la connaissance de la vérité. Mais nous n’aurions pas la connaissance de la vérité qui nous est la plus nécessaire pour la direction de notre vie, si nous ne connaissions pas la première cause de notre nature, la loi suprême de nos actions, la source de l’aide qui est nécessaire à cause de notre infirmité pour mener une vie droite. Mais cette connaissance est la connaissance de la Vérité suprême, c’est-à-dire de Dieu, en tant que créateur de tous les êtres et législateur suprême. Donc notre intellect est naturellement ordonné à la connaissance de Dieu, comme auteur de la nature pour autant que Dieu est connaissable par les choses créées.
De la même manière, notre volonté est ordonnée à l’amour du vrai bien connu par l’intellect. Mais l’intellect connait non seulement le bien particulier [la bonté de chaque être concret dans la vie], mais aussi le bien universel, et ne trouve la plénitude du bien que dans la source de tout bien, c’est-à-dire dans la bonté suprême de Dieu Lui-même. Donc la volonté est naturellement ordonnée vers Dieu en tant qu’auteur de la nature pour qu’Il soit aimé par-dessus toutes choses. Nous tendons vers une béatitude stable et parfaite que nous ne pouvons trouver dans les biens créés et nous en jouissons déjà imparfaitement en cette vie lorsque nous aimons Dieu par-dessus tout.
La mineure : Pour arriver à cette connaissance et à cet amour de Dieu, l’homme doit faire ce qui est nécessaire pour connaître Dieu convenablement et Lui obéir et Lui protester sa soumission et son amour. Autrement la connaissance de Dieu resterait purement spéculative [sur le plan théorique], sans influence sur nos vies et l’amour de Dieu resterait inefficace, comme une jouissance poétique de la bonté de Dieu, ne donnant pas les moyens de garder les commandements de la loi éternelle et sans enlever les obstacles du péché.
De plus nous avons besoin d’un culte extérieur parce que « l’esprit humain a besoin d’être conduit par les choses sensibles… pour qu’il s’élève aux actes spirituels par lesquels il est uni à Dieu » (Saint Thomas). Dans la vie présente, il n’y a pas d’intellection sans phantasmes [représentation sensible d’un objet au moyen des sens ; nous avons des phantasmes comme les animaux, mais leur connaissance ne va pas plus loin, i. e. ils ne peuvent pas abstraire]. Ainsi donc, si le culte externe dégénère parfois en superstition, c’est per accidens, à cause des mauvaises inclinations des hommes.
2ème argument : A Dieu est dû de par la loi naturelle un culte interne, externe et social.
Au Seigneur tout-puissant, notre plus grand bienfaiteur et le plus grand bien est dû la protestation de notre soumission, hommage, gratitude et amour. Mais l’homme est dépendant par nature et il connait naturellement qu’il dépend de Dieu comme Créateur et Seigneur Très-Haut, par Lequel il est préservé et aidé. Donc l’homme par loi de nature doit à Dieu une protestation de soumission, hommage, gratitude et amour ; et cela constitue le culte divin.
Concernant la majeure : Soumission ou servitude sont dues à un maître. Pour cette raison, « il est nécessaire que là où il y a un ratio propre et spécial de pouvoir, il y ait un ratio propre et spécial de servitude. » « L’honneur est dû à quelqu’un en raison de son excellence. Mais à Dieu appartient une excellence particulière, en ce qu’Il transcende infiniment toutes choses, en toute perfection possible. Pour cette raison un honneur spécial Lui est dû. » (IIa, IIae). Révérence Lui est aussi due, à laquelle se rapporte l’adoration. Gratitude Lui est due à cause de sa bienfaisance, et c’est pourquoi nous devons remercier Dieu. Enfin une protestation dévote de notre amour est due au Bien suprême, et l’homme est naturellement incliné à aimer Dieu par-dessus toute chose, « autrement, si l’homme s’aimait naturellement plus que Dieu il s’ensuivrait que l’amour naturel serait pervers, et qu’il ne serait pas perfectionné par la charité mais détruit. » (Saint Thomas)
Et à Dieu est dû non seulement un culte intérieur mais un culte extérieur aussi, puisque Dieu n’est pas seulement l’auteur de l’âme mais du corps aussi. De plus, le culte interne s’il est sincère sera nécessairement exprimé par des gestes, des mots et autres actes externes par lesquels la dévotion s’accroit.
Enfin un culte social est dû à Dieu parce qu’Il est le fondateur et le bienfaiteur de la société humaine comme Il l’est de chaque individu. Donc la société doit reconnaître Dieu comme son Seigneur suprême et Lui rendre un culte. Sinon les peuples ne craignent pas Dieu, ils méprisent l’autorité civile et bientôt tout est renversé.
Parce que le culte est proprement dû à Dieu, la vertu de religion est dite être une partie de la justice.
B. Objections.
Objection : Les indifférentistes disent : Dieu n’a pas besoin de l’hommage des créatures. Donc les cultes religieux sont vains. Cette objection est formulée ainsi par saint Thomas : « Dans ces choses qui sont offertes par les hommes, quelque chose semble être d’autant plus louable qu’il est offert à un plus indigent. Donc la religion semble la moins louable de toute les vertus par lesquelles l’homme aide les autres. »
Réponse : Saint Thomas : « Dans ces choses qui sont offertes aux autres à cause de leur utilité, l’offrande est d’autant plus louable qu’elle est faite à plus indigent, parce qu’elle est plus utile. A Dieu cependant, rien n’est offert à cause de son utilité mais à cause de sa gloire et pour notre utilité. »
L’objection suppose le faux principe de l’utilitarisme, selon lequel quelque chose est un bien à accomplir, non parce que c’est quelque chose d’honnête, mais parce que c’est quelque chose d’utile. Cette réduction du bien honnête au bien utile est la destruction de toute obligation morale qui est fondée non sur une nécessité mais sur un droit. La nullité de cette objection se voit avec du bon sens : si en effet elle était vraie, il serait vrai aussi de dire : le riche n’a pas besoin de ma restitution, donc je ne dois rien lui restituer, la restitution est vaine. Le bienfaiteur n’a pas besoin de gratitude, donc la gratitude est vaine. Mon père n’a pas besoin de mon respect, donc il ne lui est pas dû.
Insistance : Dieu n’a pas pu tout faire uniquement pour sa gloire. Cela aurait été de l’égoïsme divin ; mais Il nous a créés pour notre bonheur. Ainsi disent Kant, Hermes, Günther.
Réponse : Ce serait de l’égoïsme si Dieu n’était pas le Bien suprême, mais Il est la bonté-même ; et s’Il n’avait pas fait toute chose pour manifester sa bonté ou pour sa propre gloire, alors Il aurait ordonné toute chose non au bien suprême mais à quelque bien particulier, ce qui serait une faute chez Dieu, i. e. la plus grande absurdité et la ruine de notre félicité.
Insistance : Le propre de l’égoïsme est de subordonner toutes les personnes à soi comme si elles étaient des serviteurs ou des choses utiles. Mais Dieu aurait agi de la sorte s’Il avait tout fait pour sa propre gloire.
Réponse : Cela serait le cas si les hommes n’étaient pas perfectionnés et glorifiés par cette subordination à Dieu. Mais il est beaucoup plus glorieux pour nous d’exister pour la gloire de Dieu que pour notre bonheur à nous. « En ce que nous vénérons et honorons Dieu, notre esprit Lui est soumis : et en cela consiste la perfection : toute chose est en effet perfectionnée en ce qu’elle est soumise à ce qui lui est supérieur : comme le corps est vivifié par l’âme et l’air illuminée par le soleil. » C’est pour cela qu’il est dit dans le psaume 113 : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à votre nom donnez la gloire. »
C. Corollaires.
1) Les devoirs envers Dieu sont principaux et premiers.
Cela est prouvé de trois manières : (a) en raison de la loi de Dieu, (b) en raison de la dépendance de l’homme, (c) en raison de la fin ultime de l’homme.
Les principaux et premiers devoirs sont ceux qui se trouvent immédiatement dans la loi suprême. Mais la loi suprême est la loi de Dieu, première cause, Maître et Législateur suprême, sur Lequel tous les devoirs religieux se fondent. Donc.
Ce qui est premier en l’homme c’est d’être une créature dépendante de Dieu comme sous son suprême Seigneur. Donc.
Les devoirs principaux et premiers sont ceux qui regardent la fin ultime, ou les moyens plus proches pour atteindre la fin car la fin est première dans l’intention. Mais les devoirs religieux regardent ou bien la fin ultime en elle-même qui est de connaître et d’aimer Dieu, ou bien les moyens plus proches pour atteindre la fin qui sont de servir Dieu avec le culte qui Lui est dû. C’est pourquoi les vertus les plus hautes sont les vertus théologiques qui sont spécifiées par Dieu Lui-même, et immédiatement en-dessous la vertu de religion spécifiée par le culte divin. Elle est en effet supérieure aux autres vertus morales, comme la justice, la force, la tempérance qui ne sont pas immédiatement ordonnées à l’honneur divin.
2) Les devoirs envers Dieu sont le fondement des autres devoirs.
Preuve en deux parties : (a) de par la loi divine, et (b) de par notre fin.
Dans la subordination des devoirs, si on enlève le premier qui est fondé sur la loi suprême, tous les autres disparaissent. Mais les devoirs religieux sont les premiers. Donc.
Dans la subordination des devoirs, si on enlève le premier par rapport à l’obtention de la fin ultime, alors tous les autres disparaissent. Mais les devoirs religieux concernent la fin ultime ou les moyens prochains pour l’atteindre. Donc. En fait les droits de l’homme dérivent de ces devoirs envers Dieu.
Objection : Mais quelqu’un qui doute de l’existence de Dieu, conserve la notion de devoir envers les autres hommes.
Réponse : Si par impossible le droit de Dieu disparaissait, alors tous les droits et devoirs corrélatifs disparaitraient également. Si on enlevait la connaissance du droit de Dieu on supprimerait la connaissance du fondement suprême de tous les devoirs. Mais quelqu’un peut considérer le fondement prochain de l’obligation envers un autre, c’est-à-dire le droit du prochain, alors il n’aurait pas une notion complète de l’obligation morale qui se trouve dans la loi éternelle. Nous sommes véritablement obligés de faire le bien et d’éviter le mal, non en raison de l’ordre passif de notre nature et de notre volonté au bien honnête mais en raison de l’ordre actif par lequel Dieu a fait que notre nature et notre volonté accomplissent le bien moral et par lequel Il a le droit le plus strict à être obéi. En effet l’obligation morale est fondée sur un droit supérieur, c’est pourquoi Dieu n’est pas obligé, mais Il doit agir sagement envers Lui-même et Il ne peut pas pécher parce qu’Il est la sagesse et la sainteté même.
II. Preuve par la raison que chaque homme a le devoir de recevoir la révélation divine suffisamment proposée, ou de la rechercher.
Preuve par le droit de Dieu.
Cette preuve est tirée du Concile du Vatican contre le principe de l’autonomie absolue de la raison et de la volonté humaine, selon lequel « la raison humaine est si indépendante que Dieu ne peut pas lui commander d’avoir la foi. » Le concile dit : « Puisque l’homme dépend entièrement de Dieu comme son Créateur et Seigneur et la raison créée est totalement sujette à la Vérité incréée, nous sommes tenus de montrer par la foi une pleine soumission de l’intelligence et de la volonté à Dieu révélant. » (Denz. 1789)
On peut en tirer l’argument suivant : La raison créée est sujette à Dieu par loi de nature, comme au Créateur, Seigneur et Vérité incréée et elle doit Lui obéir. Mais la révélation suffisamment proposée apparait comme provenant de Dieu, Créateur, Seigneur et Vérité incréée. Donc la raison créée doit, par loi de nature, obéissance à Dieu se révélant Lui-même en recevant la révélation suffisamment proposée. Car l’obéissance de la volonté n’est pas la seule chose qui est due à Dieu, comme Seigneur, mais Lui est aussi due, comme Vérité incréée, l’obéissance de l’intellect par l’adhésion intellectuelle de la foi.
Donc, celui qui refuse d’accepter la révélation divine suffisamment proposée, agit contre la loi de nature et fait injure à Dieu, comme s’il disait : « Dieu peut être trompé ou peut tromper en révélant, » ou « je ne suis pas obligé de me soumettre à Dieu. » C’est une infidélité positive, directe et voulue, un acte élicité par l’intellect et commandé par la volonté, provenant de l’orgueil. Mais l’injure est d’autant plus grande que le droit du pouvoir est sacré et absolu.
Et on ne peut pas dire : l’infidélité n’est pas contre la loi de nature parce que l’obligation d’accepter la révélation divine est surnaturelle et non pas naturelle. Saint Thomas répond : « Avoir la foi n’est pas dans la nature humaine. Mais c’est dans la nature humaine que l’homme ne rejette pas l’instinct intérieur et la prédication extérieure de la vérité. Pour cette raison, l’infidélité est, de cette manière, contre la nature. » Donc celui qui transgresse directement la loi surnaturelle, transgresse indirectement la loi naturelle.
C’est pourquoi le Seigneur Christ a dit : « Et Il leur dit allez dans tout l’univers et prêchez l’Evangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé : mais celui qui ne croira pas sera condamné. » (Marc, XVI : 16). Certains pourront dire : cette parole est dure, et penseront que l’éternité des châtiments est injuste et indigne de Dieu. Ce sont souvent les mêmes qui, lorsqu’ils voient des miracles tout à fait évidents, par exemple dans le sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes, ne veulent pas admettre l’origine divine de ces signes, disant qu’ils sont l’œuvre de forces naturelles inconnues, comme les pharisiens disaient du Christ : « c’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. » (Marc, III : 22). Ceux qui pensent de cette façon font clairement injure à Dieu, et se condamnent eux-mêmes selon les paroles de Notre-Seigneur : « Qui croit en Lui (au Fils de Dieu) n’est pas condamné, mais qui ne croit point est déjà condamné » (Jean, III : 18). Nous devons aussi rappeler les paroles du Christ aux pharisiens qui attribuaient au prince des démons ce qui était clairement l’œuvre du Saint-Esprit : « Mais celui qui aura blasphémé contre l’Esprit-Saint n’en n’aura jamais la rémission ; mais il sera coupable d’un péché éternel. » (Marc, III : 19). C’est-à-dire que celui qui s’oppose au Saint-Esprit qui performe un miracle évident, n’a pas d’excuse ni aucun droit à la miséricorde ; il n’a rien en lui par lequel il puisse être guéri, et s’il est guéri plus tard, cela sera uniquement grâce à l’aide divine, entièrement gratuite.
Preuve par la fin de l’homme.
L’homme est tenu par loi naturelle de tendre efficacement vers sa fin ultime dans laquelle il trouvera le bonheur. Mais à moins qu’il n’accepte la révélation divine suffisamment proposée, l’homme ne peut pas tendre efficacement vers sa fin ultime, mais au contraire s’en éloigne totalement par l’infidélité. Donc l’homme par loi de nature est tenu d’accepter la révélation divine suffisamment proposée qui est la voie pour la béatitude.
La majeure. La loi naturelle commande directement que nous tendions vers la fin naturelle qui consiste spécialement dans la connaissance parfaite de Dieu par les créatures et dans l’amour naturel de Dieu par-dessus toute chose. Mais la loi naturelle commande aussi indirectement que nous tendions vers la fin surnaturelle, en tant qu’elle ordonne que tout supérieur doit être obéi qui commande légitimement, et principalement Dieu qui peut donner des préceptes positifs pour atteindre la fin surnaturelle.
La mineure a été prouvée dans la thèse concernant la nécessité de la révélation. Car la révélation est moralement nécessaire pour une connaissance certaine, rapide, facile et sans erreur de toutes les vérités religieuses naturelles ; et la révélation est nécessaire simpliciter [absolument] pour la connaissance de la fin surnaturelle dont l’acceptation est une condition de notre salut. Donc celui qui refuse d’accepter la révélation divine suffisamment proposée, s’éloigne complètement de sa fin ultime parce qu’il n’a même pas la connaissance salutaire de Dieu, ni a fortiori l’amour de Dieu.
A vrai dire, comme nous l’avons déjà signalé, le jugement spéculatif de crédibilité et le jugement spéculatif-pratique de l’obligation de croire peuvent avoir lieu sans la grâce, bien qu’ordinairement la grâce l’accompagne. En fait, parfois il y a résistance absolue à la grâce de la foi dans le péché formel d’infidélité positive commis avec la pleine advertance. Ainsi le Christ a dit des pharisiens : « Si je n’avais fait parmi eux les œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient point de péché ; mais maintenant, ils les ont vues, et ils ont haï et moi et mon Père. » (Jean, XV : 24). Aussi dans les Actes, IV : 16 [où les juifs se demandent que faire des Apôtres qui viennent d’accomplir un miracle éclatant, les relâcher ou les condamner, alors que le miracle est connu de tout le peuple].
Mais le jugement ultime pratico-pratique de l’obligation de croire (i. e. : « ici et maintenant je dois croire, il est bien de croire ») est per se supernaturel, car il représente, non seulement de manière abstraite mais aussi concrète, la convenance de l’acte de foi et le bien qui est promis à ceux qui croient. Mais cela suppose que la volonté ait déjà commencé à croire les choses supernaturelles sous l’influence de la grâce.
1er corollaire : De la grave obligation de rechercher la révélation divine, quand il y a déjà une sérieuse probabilité de son existence.
De la part de la loi de Dieu.
La raison créée est tenue, par loi de nature, de respecter le plus ce qui est enseigné par Dieu quand Il enseigne quelque chose. Mais celui qui refuse de chercher la révélation divine, quand il y a une sérieuse probabilité de son existence ne respecte la révélation divine. Donc agir ainsi c’est agir, au moins indirectement, contre la loi de nature, et c’est commettre une injure envers Dieu, comme si on Lui disait que la révélation divine importe peu. C’est une infidélité positive, voulue au moins indirectement, à cause de la négligence volontaire de rechercher la vraie foi ; et dans ce cas l’ignorance n’est pas invincible mais coupable.
De la part de la fin de l’homme.
En cas de doute concernant les moyens nécessaires de salut, la voie la plus sûre doit être choisie ; car quand l’éternité est en jeu, il n’y a pas de sécurité excessive. Mais la foi chrétienne est proposée comme un moyen nécessaire de salut, car Notre Seigneur a dit : « Celui qui ne croit pas sera condamné, » et saint Paul : « Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu. » (Hébreux, XI : 6). Donc étant donné le doute ou la probabilité concernant l’origine de cette foi, la voie la plus sûre doit être suivie ; il est nécessaire sous peine de péché mortel d’approfondir la recherche et de prier si la convenance de la prière est connue. Négliger de manière délibérée et obstinée un tel moyen est vraiment téméraire, car on risque le danger de la damnation éternelle. « Dans un tel doute, dit Billuart, l’infidèle est tenu sous peine de péché mortel de rechercher diligemment la vérité, autrement l’ignorance de la vraie foi deviendrait pour lui volontaire et coupable. Sans aucun doute, c’est la condition de beaucoup d’hérétiques, surtout de ceux qui ont contact avec des catholiques. » (dans son ouvrage : De Fide). Pour cette raison, la proposition suivante est condamnée : « L’infidèle qui ne croit pas, conduit par l’opinion la moins probable, sera excusé de l’infidélité. » (Denz. 1154)
2ème corollaire : Hors de l’Eglise, pas de salut.
Du fait que tous sont tenus de recevoir la révélation divine suffisamment proposée, il résulte qu’il y a obligation grave pour chaque homme d’entrer dans l’Eglise catholique. Car il est historiquement certain que Jésus-Christ, envoyé par Dieu, a fondé l’Eglise catholique qui peut-être discernée par ses caractéristiques et marques propres comme la règle de la foi.
Le Christ a en effet ordonné à tous les hommes sous peine de damnation d’accepter la doctrine, les lois, les sacrements du collège apostolique : « prêchez l’Evangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé : mais celui qui ne croira pas sera condamné. Allez donc, enseignez toutes les nations… leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. » (Marc, XVI : 15 ; Matth, XXVIII : 19-20). De la même manière, toute la Tradition affirme qu’il n’y a pas de salut en dehors de l’Eglise catholique.
Au corps de l’Eglise appartiennent tous les baptisée qui professent extérieurement la doctrine catholique selon le Magistère du Pontife Romain, dans la communion des fidèles. A l’âme de l’Eglise appartiennent tous les hommes qui ont la foi interne avec la charité.
Donc, celui qui coupablement reste en dehors du corps de l’Eglise jusqu’à la fin de sa vie ne peut être sauvé ; est coupable celui qui, ayant un doute sérieux, ne recherche pas la vérité et a fortiori celui qui en connaissance de cause et pleine liberté n’entre pas dans l’Eglise quand il l’a reconnue pour la véritable.
Celui qui reste de manière non coupable en dehors du corps de l’Eglise peut être sauvé du moment qu’il appartient à l’âme de l’Eglise par la foi avec la charité ou la contrition parfaite.
Donc, pour le salut est nécessaire d’une nécessité de moyens (1) d’appartenir realiter (en réalité) à l’âme de l’Eglise ; (2) d’appartenir au corps de l’Eglise in re (de fait) ou in voto (par un désir implicite) et pour les enfants (en dessous de l’âge de raison) in re. Appartenir au corps de l’Eglise est aussi nécessaire d’une nécessité de précepte. Mais cette obligation ne diminue en rien la liberté. Au contraire, à ce propos saint Paul a écrit : « elle-même, créature, sera aussi affranchie de la servitude de la corruption, pour passer à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » (Rom, VIII : 21)
Le pape Pie IX dit :
« Car il faut tenir par la foi qu’en dehors de l’Eglise Apostolique Romaine, personne ne peut être sauvé ; qu’elle est la seule arche de salut ; que celui qui n’y entre pas périra dans le déluge ; mais d’un autre côté, il est nécessaire de tenir pour certain que ceux qui sont dans l’ignorance de la vraie religion, si cette ignorance est invincible, ne sont coupables d’aucune faute en cette matière aux yeux de Dieu. Maintenant, en vérité qui s’arrogera le droit de marquer les limites d’une telle ignorance, à cause de la nature et de la variété des peuples, des régions, et des dispositions intérieures et de bien d’autres choses ? » (Singulari Quadam, 1854 ; Denz. 1647)
Et le même Pontife dans une autre encyclique écrit :
« Et cela est bien connu de Nous et de vous que ceux qui sont dans l’ignorance invincible de notre très sainte religion et qui, gardant avec zèle la loi naturelle et ses préceptes gravés dans le cœur de tous par Dieu, et étant prêts à obéir à Dieu, vivent d’une vie honnête et droite, peuvent par la vertu agissante de la lumière divine et de la grâce, obtenir la vie éternelle puisque Dieu… ne permettra pas que quelqu’un soit puni avec les tourments éternels qui n’est pas coupable de péché volontaire. Mais le dogme catholique est bien connu que personne ne peut être sauvé en dehors de l’Eglise Catholique et que ceux qui sont obstinés envers l’autorité et les décisions de cette même Eglise et ceux qui avec pertinacité sont séparés de l’unité de cette même Eglise, et du Pontife romain, le successeur de saint Pierre ‘à qui la garde de la vigne a été confiée par le Sauveur,’ ne peuvent pas obtenir le salut éternel. » (Quanto conficiamur mœrore, 1863 ; Denz. 1677)
III. Du devoir de l’autorité civile et de la société de recevoir la révélation divine suffisamment proposée.
A. Preuve par la loi de Dieu, auteur de la société civile.
A Dieu en tant que créateur, seigneur, bienfaiteur et Vérité incréée est dû par loi de nature le culte de la religion naturelle et l’obéissance de la foi s’Il révèle quelque chose de manifestement supernaturel. Or Dieu n’est pas moins créateur, seigneur et bienfaiteur de la société et de l’autorité civiles qu’Il ne l’est de l’homme. Donc la société et l’autorité civiles, par loi de nature doivent à Dieu un culte social et l’obéissance de la foi s’Il révèle quelque chose de manifestement supernaturel.
La majeure est prouvée des articles précédents.
Preuve de la mineure. Dieu est le créateur de l’homme qui est par nature social. C’est pourquoi Dieu est le fondateur de la société civile elle-même et de l’autorité civile sans laquelle la société n’a pas d’unité ni dans son être, ni dans son action, ni en promouvant le bien commun. L’autorité civile dépend donc essentiellement de Dieu comme auteur de notre nature ; autrement elle ne pourrait pas obliger les hommes, car personne ne peut s’obliger lui-même ou ses égaux. Saint Paul affirme : « Car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu ; et celles qui sont ont été établies de Dieu. » (Rom, XIII : 1). Toute autorité dérive de la première autorité, comme toute causalité est de la cause première. C’est la subordination des agents, et dans l’ordre moral et dans l’ordre physique.
Conclusion : Donc l’autorité civile ne peut pas rejeter l’autorité de Dieu sans se renier elle-même. S’il n’y avait pas de révélation, elle serait obligée de reconnaître la religion naturelle, de la défendre et de la favoriser. Il y a, à ce sujet, un consensus de presque tous les anciens philosophes, par exemple, Platon, Cicéron, Valère Maxime.
Ainsi donc, l’autorité civile ne peut pas rejeter l’autorité de Dieu révélant, mais est tenue d’accepter la révélation divine suffisamment proposée à la race humaine. Car si Dieu détermine une forme spéciale de religion et manifeste des lois positives, les sociétés et les gouvernants doivent Lui obéir tout comme les individus. Ce serait absurde de soutenir que les gouvernants en faisant des lois, pourraient agir comme si la révélation n’existait pas, alors qu’en fait elle existe, et pourraient commander quelque chose qui est peut-être interdit. Cela équivaudrait à dire que les législateurs humains sont au-dessus du divin législateur.
B. Preuve par la fin de la société et de l’autorité civiles.
Celui qui est tenu d’obtenir la fin prochaine qui est per se subordonnée à une fin supérieure doit s’assurer que cette subordination essentielle est préservée. Mais l’autorité civile doit tendre immédiatement au bien temporel des citoyens qui est per se subordonné au bien spirituel et éternel, à savoir vivre vertueusement et dans la vraie religion. Donc l’autorité civile en recherchant le bien temporel des citoyens est tenue de préserver cette subordination à une vie en accord avec la vertu et la vraie religion ; et donc elle ne peut pas ne pas tenir compte de la vraie religion suffisamment proposée mais doit la professer.
La majeure est évidente. Car si la subordination est essentielle, alors ne pas en tenir compte c’est détruire l’essence même de la fin immédiate. Pour cette raison saint Thomas dit dans le De Regimine Principum : « Si quelqu’un doit accomplir une chose qui est ordonnée à une autre comme à sa fin, il doit s’assurer que son action est en accord avec la fin. Ainsi le forgeron fait une épée de telle manière qu’elle serve au combat ; et ainsi le constructeur doit bâtir la maison de telle sorte qu’on puisse l’habiter. » Similairement le physicien a pour but la santé de l’homme qui est per se subordonnée à la vie morale ; c’est pourquoi le physicien doit observer avec soin la loi morale dans ses conseils et ses prescriptions, par exemple en ce qui concerne l’avortement, et l’utilisation de l’hypnotisme.
La mineure est clarifiée directement et indirectement :
a) directement, en considérant la nature de l’homme, car tout comme le corps est per se subordonnée à l’âme, ainsi le bien temporel est subordonné au bien spirituel et éternel, c’est-à-dire à une vie en accord avec la vertu et la vraie religion.
b) indirectement : si l’on rejette cette subordination, alors l’ordre et la paix sont détruits par la société civile elle-même, de la même manière que d’un vice découle souvent une maladie. Car une société ne peut pas exister sans moralité et il n’y a pas de vraie moralité sans religion, à savoir sans cette subordination due à Dieu, auteur de notre nature. Donc celui qui attaque la religion renverse les fondements de la société. De la même manière, sans l’aide de Dieu, la société ne peut pas atteindre sa fin, car une cause seconde ne peut rien faire sans l’aide de la cause première. L’ordre des agents doit correspondre à l’ordre des fins.
Conclusion : Pour cette raison, l’Etat doit, non seulement pour Dieu, mais aussi pour l’avantage de ses sujets et le sien propre reconnaître la vraie religion.
C. Comment l’autorité doit-elle accepter la révélation divine ?
A cette question Léon XIII répond lorsqu’il dit dans l’encyclique Immortale Dei :
« Les hommes, en effet, unis par les liens d’une société commune, ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément ; autant au moins que l’individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l’existence, la conservation et la multitude innombrable de ces biens. »
Ailleurs Léon XIII dit :
« C’est pourquoi la société civile, en tant que société, doit nécessairement reconnaître Dieu comme son principe et son auteur et, par conséquent, rendre à sa puissance et à son autorité l’hommage de son culte. Non, de par la justice ; non, de par la raison, l’État ne peut être athée, ou, ce qui reviendrait à l’athéisme, être animé à l’égard de toutes les religions, comme on dit, des mêmes dispositions, et leur accorder indistinctement les mêmes droits. » (Libertas Praestantissimum)
D’où l’autorité civile ou l’Etat ne peut pas faire abstraction de la révélation divine, mais doit la recevoir d’une triple manière : (1) négativement, en ne faisant rien contre la religion révélée ; (2) positivement indirectement, en la défendant ; et (3) positivement directement, en la favorisant.
1) Négativement. L’Etat ne doit rien établir ou faire qui ne soit contraire à la vérité révélée. Il ne peut pas promouvoir l’irréligion, faire des lois qui empêchent la prédication de la vérité, l’administration des sacrements, la célébration du culte divin, les jugements concernant la moralité des actes humains, l’éducation et l’instruction des ministres du culte et la préservation des ordres religieux et des congrégations. De la même manière, il ne peut pas nier l’indissolubilité du mariage ni approuver le divorce dans des cas individuels.
2) Positivement indirectement. L’Etat doit défendre dans l’ordre temporel non seulement la religion naturelle mais aussi la religion révélée. Il est tenu de prohiber ce qui est contraire à la loi naturelle et injurieux envers Dieu. Platon déjà disait que les athéistes devaient être punis de mort parce qu’ils renversent le fondement de tout ordre et de la société elle-même. Saint Louis roi de France punissait les blasphémateurs en leur brûlant la langue, mais Clément IV lui demanda d’adoucir ce châtiment. Saint Thomas dit : « Les infidèles qui n’ont jamais reçu la foi, comme les païens et les juifs, ne doivent d’aucune façon être forcés à croire, car croire est un acte de la volonté. Mais ils doivent être contraints par les croyants à ne pas porter tort à la foi par des blasphèmes, ou de mauvaises persuasions, ou même par des persécutions ouvertes. »
3) Positivement et directement. L’Etat doit favoriser la religion révélée. Il doit le faire non seulement en favorisant la prédication et la propagation de la vraie foi, en construisant des églises, en reconnaissant l’exemption du clergé des services civils, par exemple du service militaire, mais aussi par la profession publique de la foi, par exemple par la participation au vrai culte, par la vénération des saints noms de Dieu et de Jésus-Christ. En fait l’Etat peut aussi contraindre les citoyens à accomplir certains actes religieux, surtout dans ces circonstances où leur omission deviendrait une méprise de la religion, par exemple de refuser de prêter serment devant un tribunal.
Cependant puisque l’Etat n’est pas infaillible, il ne peut se constituer lui-même juge dans les matières religieuses, mais il doit à ce sujet accepter les directions de l’autorité religieuse dont la mission divine est supposée. Ainsi Constantin le Grand voulait être appelé « l’évêque du dehors » et Charlemagne « le dévot défenseur de la sainte Eglise et son humble auxiliaire ».
Doute : Qu’est-ce que peut exiger l’Eglise d’un Etat hérétique, infidèle ou indifférent ?
Dans un Etat hérétique, elle peut exiger que les catholiques qui y vivent soient libres de professer leur religion et que l’entité juridique de la religion soit reconnue. Car un tel Etat, puisqu’il ne prétend pas être infaillible, ne peut pas raisonnablement soutenir que la religion qu’il professe est la seule vraie et que les catholiques ne peuvent pas être de bonne foi.
L’Etat indifférent ne s’occupe pas d’une religion plus que d’une autre et donc, selon ses propres principes, il doit reconnaître l’Eglise pour une société légitime, ne rien faire contre elle et la protéger.
L’Etat infidèle ne peut pas raisonnablement nier que la religion chrétienne enseigne probablement la vérité. Donc il agirait contre la raison et contre la loi de nature s’il empêchait sa prédication et sa propagation. Souvent les nations chrétiennes interviennent auprès de celles qui sont infidèles dans le but d’obtenir d’elles la liberté pour leurs missionnaires et leurs fidèles.
Conclusion : Dans cette question (et c’est la même chose pour tous les grands problèmes), la vérité et perfection chrétienne est en même temps un juste milieu et un sommet entre et au-dessus des excès opposés du libéralisme des indifférentistes et du fanatisme des sectaires. Elle transcende aussi les fluctuations du modérantisme des opportunistes qui essaient d’installer une certaine médiocrité entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal.
Les passions humaines oscillent souvent entre deux extrêmes erronés ; parfois elles cherchent à s’élever plus pour trouver la stabilité et la paix. Mais la véritable tranquillité de l’ordre ne se trouve qu’au sommet de la vérité. Ce sommet est atteint de manière non seulement spéculative mais également pratique, surtout par les saints qui évitent entièrement à la fois le libéralisme et le fanatisme et dont le zèle diffère totalement de la tiédeur du modérantisme.
Dans cette question pratique compliquée interviennent non seulement les vertus morales, telles que la prudence, la justice, la force et la tempérance, mais encore et surtout les vertus théologiques : la foi, l’espérance et la charité. Ainsi pour trouver la direction à suivre, il faut toujours avoir devant les yeux ce qu’a dit saint Thomas du milieu des vertus : « Les vertus morales qui règlent les passions et les opérations consistent dans le milieu entre l’excès et le défaut, et ce milieu, en tant qu’il est rationnel dépasse l’extrême irrationnel, comme la force dépasse non seulement la crainte désordonnée mais aussi la témérité. Les vertus théologiques cependant qui concernent la fin ultime de notre vie, ne sont pas en soi situées dans un milieu, « l’homme ne peut jamais aimer Dieu autant qu’Il doit être aimé, et il ne peut pas croire ou espérer en Lui autant qu’il le doit. Donc il ne peut absolument pas y avoir d’excès ici ; et ainsi le bien d’une telle vertu ne se trouve pas dans le milieu ; mais elle d’autant meilleure qu’elle se rapproche du sommet. (…) »
Ces choses doivent être attentivement considérées en pratique pour éviter la médiocrité qui est opposée au zèle pour Dieu et les âmes, médiocrité qui veut réduire les vertus tant théologiques que morales à un milieu inférieur. C’est pourquoi nous disons : dans cette question et dans les questions semblables, la vérité et perfection chrétienne est tout à la fois un milieu et un sommet, entre et au-dessus des extrêmes erronés. La paix donc, ne doit pas être cherchée dans la médiocrité qui diminuerait la vérité et la sainteté chrétienne, mais au contraire doit être cherchée en toute sincérité au sommet de la vérité et de la vertu ; à cela tendent toutes les aspirations légitimes de notre cœur.
(…) La charité bienveillante et la fermeté absolue de la foi ne s’opposent pas, mais au contraire se renforcent et doivent être unies en nous de telle sorte qu’elles ne peuvent pas être séparées sans que la première ne disparaisse au profit du libéralisme et que l’autre ne diminue et tende vers le sectarisme. Elles doivent être hautement et intimement unies dans l’ardeur d’un même amour qui est le zèle pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Ainsi unies, elles sont vraiment dans l’Eglise comme chez le Christ, l’image de l’union des perfections divines : « La miséricorde et la vérité se sont rencontrées ; la justice et la paix se sont embrassées » (Psaume 84).