Courte Défense de Mgr Thuc
Par Monseigneur Daniel L. Dolan
TraditionalMass.org, Novembre 2000.
EtudesAntimodernistes.fr, Janvier 2017.
Note : les commentaires qui suivent sont des extraits d'une conférence que Mgr Daniel Dolan a faite à l'origine à l’École Saint-Joseph de Serre-Nerpol, en Isère (France), le 17 octobre 1999.
Mgr Dolan a dû faire face à plusieurs accusations fausses provenant de la Fraternité Saint-Pie X qui avaient été répandues contre lui en France, entre autres l'accusation selon laquelle sa consécration épiscopale était « invalide » car elle provenait de Mgr P.M. Ngo-din-Thuc, ancien Archevêque de Hué, au Vietnam.
Second point :
l'Accusation selon laquelle mes Ordres ne sont pas Valides.
Cette accusation vient de ceux qui n'ont jamais connu Mgr Thuc, mais qui, de leur propre chef, jugent sa santé mentale. Ils ont imaginé que, parce qu'il avait agi imprudemment, il ne pouvait pas être sain d'esprit. Mais cela n'est pas vrai.
La réponse adéquate à cette accusation est de prouver par témoignage oculaire que Mgr Thuc était sain d'esprit à l'époque de la consécration de Mgr Guérard des Lauriers, et un peu plus tard lors des consécrations de Mgr Zamora et de Mgr Carmona, de qui je dérive ma consécration épiscopale.
Il y des preuves abondantes, que ce soit par les témoins oculaires qui le connurent à l'époque, ou par les actes même de l’archevêque, que Mgr Thuc était parfaitement lucide quand il consacra Mgr Guérard des Lauriers en mai 1981, puis Mgr Zamora et Mgr Carmona en octobre 1981.
Il est vrai que Mgr Thuc a ordonné et consacré des personnes indignes. Il est vrai qu'il a fait montre d'un pauvre jugement concernant le choix des candidats au sacerdoce et à l'épiscopat. Ce fait, cependant, ne prouve pas et ne suggère pas un manque de lucidité ; ils montrent simplement un pauvre jugement.
Nous pourrions aussi souligner que Mgr Lefebvre a fait de très pauvres jugements concernant certaines personnes qu'il a ordonnées.
En outre, ce n'est pas parce que quelqu'un agit avec incohérence et de manière erratique, qu'il est sénile et incapable de conférer validement les sacrements.
Mgr Lefebvre a agi de manière particulièrement erratique en 1987 et en 1988. En août 1987, il considérait Jean Paul II comme un antichrist, mais en mai 1988 il signa un protocole par lequel il se soumettait à lui en tant que Vicaire du Christ. Le jour suivant, il revint sur le protocole qu'il avait signé la veille. Une des raisons qu'il allégua auprès du Vatican pour procéder aux consécrations sans permission était que « les tentes avaient été louées. » Le 15 juin 1988, Mgr Lefebvre donna une conférence de presse au cours de laquelle il déclara que Jean Paul II n'était pas catholique, qu'il était excommunié, hors de l’Église, mais qu'il était la tête de l’Église. Le 16 juin, il dit à un journaliste qu'il changerait d'avis si Jean Paul II — qui la veille encore n'était même pas catholique — approuvait ses quatre évêques. Malgré tout ceci, Mgr Lefebvre restait sain d'esprit.
Revendiquer que l'incohérence ou un comportement erratique invalide un sacrement, c'est manifester une profonde ignorance des principes fondamentaux de la théologie sacramentelle.
Le seul état mental qui invalide un sacrement est celui dans lequel un ministre n'est pas conscient de ce qu'il fait. Par exemple si, pour cause de sénilité, un prêtre ne savait pas où il est, ou quel sacrement il était en train d'administrer, alors ce sacrement serait invalide.
Tel n'est pas le cas de Mgr Thuc, puisque des témoins oculaires et des faits montrent indubitablement sa parfaite lucidité.
Quelles sont les preuves des témoins oculaires qui le connurent ?
A. Le Dr Hiller et le Dr Heller. Ce sont les deux témoins oculaires allemands des deux consécrations. Ils étaient amis intimes de Mgr Thuc, l'ayant vu régulièrement lorsqu'il résida durant plusieurs mois à Munich. Ils ont tous les deux témoigné sous serment, l'un par écrit, l'autre oralement, ayant Dieu pour témoin, que Mgr Thuc était pleinement maître de ses facultés lorsqu'il fit les consécrations mentionnées ci-dessus. Ces laïcs sont des personnes diplômées, intelligentes, à l'esprit vif ; il n'y a absolument aucune raison de douter de leur véracité ou de leur capacité à juger l'état d'esprit de Mgr Thuc.
B. Le Père Noël Barbara. Le père Barbara a rencontré Mgr Thuc durant le printemps 1981, puis à nouveau en janvier 1982. Il l'a donc vu avant et après les consécrations. Le Père Barbara a prêté serment, par écrit, ayant Dieu pour témoin, qu'à ces deux occasions Mgr Thuc disposait du plein usage de ses facultés mentales et qu'il répondit de manière claire aux questions qui lui étaient posées concernant les consécrations. En outre, immédiatement après sa visite du mois de janvier, le Père Barbara rédigea des notes concernant sa conversation avec Mgr Thuc. Ces notes reflètent la clarté d'esprit de l'archevêque, qui répondit aux questions clairement et avec bonne mémoire.
C. Monsieur l'abbé Gustave Delmasure. Ce prêtre, qui était un prêtre traditionaliste très respecté en France, ancien curé de paroisse de Théoule-sur-mer (Alp. mar), rencontra Mgr Thuc en mars 1982. Il a fait un témoignage sous serment, ayant Dieu pour témoin, disant qu'il avait trouvé Mgr Thuc sain d'esprit et qu'il avait répondu à ses questions avec promptitude et clarté.
D. Mgr Guérard des Lauriers. Lors d'une rencontre privée avec M. l'abbé Joseph Collins, Mgr Guérard des Lauriers, qui lui-même avait été consacré en mai 1981 par Mgr Thuc, attesta le fait que celui-ci était sain d'esprit. Il déclara que le rite de consécration fut suivi intégralement par l'Archevêque, et que celui-ci (Mgr Thuc) était pleinement conscient de ce qu'il faisait tout au long de la cérémonie. ( Mgr Guérard des Lauriers était un théologien dominicain très connu, qui enseigna à l'université du Latran à Rome, et qui conseilla le pape Pie XII sur la définition du dogme de l'Assomption en 1950).
E. Monsieur l'abbé Philippe Guépin. M. l'abbé Guépin est un prêtre traditionaliste qui célèbre la Messe pour de nombreux fidèles à Nantes. Il fut ordonné par Mgr Lefebvre en 1977, et fut prié de quitter la Fraternité saint Pie X en 1980 parce qu'il refusait de reconnaître Jean Paul II comme pape. Il connut Mgr Thuc a Ecône et eut l'occasion de converser longuement avec lui. Il a attesté que Mgr Thuc était sain d'esprit.
F. Monsieur l'abbé Bruno Schaeffer, ordonné par Mgr Thuc le 19 décembre 1981 (donc après les consécrations), déclara à M. l'abbé Guépin que Mgr Thuc était sain d'esprit et qu'il avait parfaitement observé le rite d'ordination.
G. Les témoins oculaires qui l'ont connu à Rochester, dans l'État de New York, où Mgr Thuc résida de 1983 à 1984, attestèrent eux aussi que, même à cette époque, juste avant sa mort en 1984, Mgr Thuc était sain d'esprit, et célébrait quotidiennement la Messe.
Nous devons maintenant nous poser cette question : tous ces gens sont-ils des menteurs ? Tous ces témoins oculaires ont déclaré la même chose, bien qu'ils aient connu Mgr Thuc à différentes époques et dans des circonstances diverses. Mentent-ils tous ? Il serait ridicule de soutenir une telle chose.
Ceux qui voudraient nous faire croire, pour une raison ou pour une autre, que Mgr Thuc n'était pas lucide nous disent de conclure que tous les témoins oculaires cités au-dessus sont de FIEFFES MENTEURS.
Cela voudrait dire que des prêtres catholiques romains fidèles, dont certains ont ordonnés il y a 50 ans ou plus, et qui ont travaillé au salut des âmes toute leur vie, sont des MENTEURS, appelant l'autorité de Dieu pour être témoin de leurs malicieux mensonges. Et ils feraient cela juste avant de comparaître devant Dieu, et pour une affaire aussi importante qu'une consécration épiscopale.
Cette supposition est absurde et très incharitable. Il n'y a pas de meilleur témoignage que celui de témoins oculaires ayant prêté serment. Personne ne peut raisonnablement reprocher à quelqu'un d'accepter la parole de témoins oculaires dignes de confiance et ayant prêté serment.
Je vous rappelle que la procédure classique, éprouvée par le temps et universelle, par laquelle un fait est établi est le témoignage de témoins oculaires dignes de foi ayant prêté serment. C'est la procédure par laquelle toute cour de justice détermine le crime ou l'innocence. Jugés sur de tels témoignages, les hommes sont soit acquittés, soit condamnés, et parfois à la peine capitale.
Les tribunaux de l’Église catholique rendent leur jugement grâce aux témoignages de témoins dignes de foi et ayant prêté serment.
Mais surtout, Notre Seigneur a sanctionné cette pratique de sa divine approbation : « S'il ne t'écoute point, prends encore avec toi une ou deux personnes, afin que sur la parole de deux ou trois témoins tout soit avéré » (Matthieu XVIII, 16). Et dans l'Évangile de Saint Marc, Notre Seigneur reproche aux apôtres de n'avoir pas cru les témoins de sa résurrection (Marc XVI, 14).
II. Faits Probants.
Quelles sont les preuves et les faits qui attestent la lucidité de Mgr Thuc ?
A. Le fait que Mgr Thuc agisse publiquement, étant sain d'esprit, à l'époque des consécrations. Les témoins allemands, le Dr Hiller et le Dr Heller, attestent ce fait. Mgr Thuc a passé quelques mois à Munich où il célébrait la Messe dominicale et où chacun pouvait l'observer. Ces témoins ont remarqué qu'il célébrait la Messe traditionnelle avec grande attention et observance précise des rubriques. Il a aussi donné des conférences publiques au Mexique après la consécration des évêques Mexicains.
B. Le fait que Mgr Thuc ait écrit de sa propre main, d'une écriture forte et assurée, le certificat de consécration, des lettres et d'autres déclarations en latin et en français. Quelqu'un qui ne serait pas sain d'esprit ne pourrait pas s'asseoir et écrire de manière cohérente, surtout en latin.
C. Le fait que Mgr Thuc ait un souvenir clair et vivant des consécrations lors de ses conversations avec le Père Barbara. Une de ces conversations fut rapportée par des notes que le Père Barbara rédigea juste après l'entrevue. Lors de celle-ci, Mgr Thuc se souvint non seulement avoir consacré les deux prêtres mexicains, les abbés Zamora et Carmona, mais commenta même que M. l'abbé Carmona parlait un bien meilleur latin que M. l'abbé Zamora. Il attesta aussi le fait d'avoir consacré le Père Guérard des Lauriers, et ajouta quelques détails le concernant. Des souvenirs aussi détaillés concernant des événements et des noms spécifiques sont une preuve que Mgr Thuc était sain d'esprit à l'époque des consécrations, et au moment où il parlait avec le père Barbara.
D. Le fait que le Vatican ait excommunié Mgr Thuc. Tout le monde sait que quelqu'un qui n'est pas sain d'esprit n'est pas capable de commettre un crime, et que donc il ne peut pas être censuré. Le fait que le Vatican, après une enquête approfondie, ait excommuniée Mgr Thuc pour avoir réalisé ces consécrations, est un signe qu'ils le considérèrent tout à fait sain d'esprit. S'ils l'avaient trouvé dans un état mental diminué, ils auraient rendu le fait public et auraient répudié ces consécrations comme invalides. Au contraire, le fait même qu'il ait été excommunié est une admission, légalement, de la validité des consécrations. C'est en effet un principe de la loi que les censures ne sont pas prononcées si l'acte est invalide. « D'ailleurs, ajoute le canoniste Augustine, il est généralement admis que l'ordre doit avoir été reçu validement, et par conséquent la sanction ne s'ensuivrait pas si, par exemple, un évêque protestant conférait un ordre ».[A Commentary on the New Code of Canon Law, volume VIII, p. 449].
Le Vatican concède clairement la validité des consécrations dans le document même de l'excommunication. En statuant que cela ne donnerait pas le statut légal d'évêque aux évêques consacrés par Mgr Thuc, il ajoute « quidquid est de ordinum validitate ». L'expression concède la validité, car le mode indicatif est utilisé en latin, ce mode indiquant toujours un fait établi sans doute possible. [Note du traducteur : en français, cette expression se rendrait à peu près par « quel que soit ce qui regarde la validité (qui est présumée) »].
De plus cette reconnaissance de la validité est attestée par le fait que deux Délégués Apostoliques, l'un au Mexique en 1983 et l'autre aux États-Unis en 1988, appelèrent les consécrations de Mgr Thuc « valides mais illicites ». Ils n'auraient jamais déclaré une telle chose si ceci n'avait pas été la position du Vatican.
Même Mgr Williamson, le Recteur du séminaire de la Fraternité Saint Pie X aux États-Unis, a déclaré que ma consécration était valide. (Lettre du 21 octobre 1993.)
III. Quelques objections
A. Scandale. Certains ont objecté que même si ces consécrations sont valides, nous aurions dû les éviter à cause du scandale de Mgr Thuc. Mais ce n'est pas vrai.
Tout d'abord, Mgr Thuc est mort et ses péchés sont morts avec lui. Ces péché, quels qu'ils eussent été, n'ont pas été transférés à ceux qu'il a consacrés. Chaque évêque doit être jugé selon ses propres mérites et non sur les vertus de celui qui l'a consacré. Le Cardinal Merry del Val, saint homme, secrétaire d'État de Saint Pie X, fut consacré par le cardinal Rampolla, accusé d'être Franc-Maçon.Cela veut-il dire que le cardinal Merry del Val était scandaleux ? Bien sûr que non.
De toute façon le droit canon permet aux fidèles d'approcher même le clergé excommunié, en cas de nécessité, pour les sacrements (canon 2261, §2).Ce qui nous intéresse donc à propos de Mgr Thuc, ce ne sont pas ses péchés ou son pauvre jugement, mais (1) le fait qu'il ait procédé à ces consécrations, (2) le fait est qu'il ait utilisé le rite traditionnel, (3) le fait qu'il ait été sain d'esprit. Or toutes ces choses sont attestées par des documents et même des témoins oculaires dignes de confiance ayant prêté serment.
B. Mauvais évêques. Mais certains objectent encore que les fruits de Mgr Thuc sont mauvais, alléguant qu'il donna naissance à un certain nombre de mauvais évêques.
Je réponds que le simple fait de dériver ses ordres Mgr Thuc ne veut pas dire pour autant que l'on participe à ses péchés ou à ses défauts. Ce n'est pas comme appartenir à une sorte d'organisation « évêques Thuc ». Si la lignée de quelqu'un remonte à Mgr Thuc, il n'est pas pour autant automatiquement associé à tous ceux que Mgr Thuc a ordonnés ou consacrés - pas plus qu'un évêque consacré par Mgr Lefebvre aurait part aux péchés du cardinal Liénart, qui a sacré Mgr Lefebvre, mais qui fut l'un des pires modernistes à Vatican II.
Il n'y a qu'une chose qui compte ici, c'est que Mgr Thuc ait procédé aux consécrations épiscopales, qui sont valides. À partir de ces consécrations valides, des évêques valides et responsables sont disponibles afin de nous donner des prêtres.
IV. Pourquoi se tourner vers Monseigneur Thuc ?
Je voudrais ajouter que Mgr Thuc possédait de nombreuses vertus qui ne doivent pas être négligées. Il fut le seul évêque qui eut le courage de dénoncer publiquement Jean-Paul II en tant que faux pape. Il disait aussi la Messe avec dévotion, et il était connu pour entendre les confessions durant plusieurs heures de suite, même à un âge avancé.
Mais la seule raison pour laquelle nous avons dû nous tourner vers Mgr Thuc, quoi qu'il en soit, c'est qu'il consentait à consacrer des évêques qui veuillent préserver la vraie position catholique à l'égard de Vatican II et des « papes » modernistes. Si la Fraternité Saint Pie X avait pris le droit chemin, ma consécration n'aurait pas été nécessaire, et nous travaillerions côte à côte avec eux.
Malheureusement, il a fallu rompre avec la Fraternité Saint Pie X, parce que ses positions sont incohérentes et donc erronées. De plus, elle a adhéré à des doctrines et des attitudes envers l'autorité de l’Église et le magistère, qui ne sont pas compatibles avec la foi catholique.